Marc Bloch

Biographie
Marc Bloch
Marc Bloch

Historien français, Marc Bloch est né à Lyon (Rhône) le 6 juillet 1886.

Fils d'un professeur d'histoire gréco-romaine à la faculté de lettres de Lyon, il fait de brillantes études (Lycée Louis-Le-Grand de Paris, École Normale Supérieure), passe son agrégation d'histoire en 1908, puis part achever sa formation en Allemagne, à Berlin et à Leipzig, où il suit les cours de Karl Bücher et d'Adolf von Harnack pendant les années 1908-1909.

De 1909 à 1912, il est pensionnaire de la Fondation Thiers et commence à publier des articles d'histoire médiévale. De 1912 à 1914, il occupe un poste de professeur d'histoire-géographie au lycée de Montpellier, puis d'Amiens.

Il participe activement comme sergent d'infanterie à la Première Guerre mondiale, au terme de laquelle il obtient le grade de capitaine et reçoit la Croix de guerre.

Après la guerre, en 1919, il est nommé Chargé de cours d'Histoire médiévale à la faculté de Strasbourg. Le 13 juillet de la même année, il épouse Simone Vidal, qui lui donnera six enfants au cours des dix années suivantes.

Marc Bloch s'engage dans l'étude des sciences sociales, aux côtés d'autres spécialistes de l'époque comme Maurice Halbwachs. Il est marqué par l'influence déterminante d'Henri Pirenne, inspirateur des Annales et figure de proue de l'histoire comparative. Il s'agit alors, pour une nouvelle génération d'historiens, de dépasser les méthodes de l'histoire traditionnelle, essentiellement centrée sur les thèmes comme la politique, la diplomatie, les guerres, les grands personnages, se contentant de présenter un récit événementiel. Refusant conjointement les prétentions scientifiques de la vieille garde positiviste en même temps que le subjectivisme de l'historicisme germanique, cette nouvelle génération entend intégrer les apports des sciences sociales, de l'histoire économique, religieuse, juridique, tout en s'adjoignant d'autres disciplines, afin de redessiner et d'élargir les contours d'une nouvelle "histoire humaine". L'amitié et la collaboration que Marc Bloch noue alors avec Lucien Febvre se sont révèleront fructueuses, puisqu'elles conduiront à la fondation en 1929 des Annales d'histoire économique et sociale, qui marqueront le développement de l'histoire en France.

Après sa thèse de doctorat d'Etat sur les rois de France et leurs serfs pendant l'époque capétienne, présentée en Sorbonne en 1920, Marc Bloch devient professeur en titre à la faculté de Strasbourg. En 1927, il s'y voit confier une chaire d'histoire médiévale, qu'il occupera jusqu'en 1936.

En 1929, il compte à son actif une cinquantaine d'articles et trois livres: L'Ile-de-France: les pays autour de Paris (1913), Rois et serfs: un chapitre d'histoire capétienne (1920), et Les Rois thaumaturges: étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre (1924), étude où il montre l'importance de la royauté dans l'histoire européenne dès les temps les plus anciens. L'historien est alors marqué par plusieurs courants puissants de l'époque, la linguistique (et son corollaire, le comparatisme), la science historique allemande, la sociologie de Émile Durkheim (L'Année sociologique) et la géographie de Vidal de La Blache. En 1931, il publie Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, qui constituent une brillante tentative de synthèse de ses recherches sur l'histoire rurale, où il analyse notamment les systèmes de cultures, leur bouleversement par la mise en place du bocage, par la transformation des champs ouverts (cultivés de manière collective) en propriétés individuelles clôturées par des haies. Ces modifications du paysage ont été le corollaire physique des avancées des libertés de la personne et de l'individu.

En 1936, Marc Bloch est nommé professeur d'Histoire économique à la Sorbonne. L'année suivante, Il succède à Henri Hauser à la chaire d'histoire économique de l'université. Il publie La Société féodale trois ans plus tard (1939-1940).

Dans ces études sur le féodalisme, il utilise la méthode comparative, méthode déjà adoptée par Henri Pirenne et le linguiste Antoine Meillet. C'est aussi l'occasion pour lui de s'opposer aux méthodes pratiquées outre-Rhin, où les historiens cherchent à imposer des systèmes abstraits et n'utilisent pas la méthode comparative. Refusant de poser la question de l'origine du féodalisme à travers l'opposition entre une origine romaine et une origine germanique, il estime que le féodalisme "constitue une rencontre et une fusion de civilisations vivant des stades très différents de développement". Selon lui, ce qui caractérise le féodalisme, c'est qu'en l'absence d'un État à même de garantir la sécurité de tous ce système reposait essentiellement sur des liens personnels, des rapports de dépendance dans des cadres hiérarchiques et contractuels, donnant lieu, de manière incessante, à toutes sortes d'abus ou de violences. D'où l'insistance, récurrente chez lui, des notions couplées de servitude et de liberté, lorsqu'il étudie notamment la persistance, puis la disparition de la servitude et de l'esclavage au Moyen Âge. Se profile ainsi, au fil des écrits, l'image d'une Europe médiévale dominée par l'exploitation et la violence.

Très préoccupé par les questions politiques depuis les accords de Munich, il est mobilisé à sa demande comme capitaine d'état-major dès le début de la Seconde Guerre mondiale, en août 1939. Il passe d'abord en Angleterre, puis se réfugie après l'armistice de juin 1940 en Zone sud.

Le livre L'Étrange Défaite, initialement intitulé " Témoignage ", puis simplement sous-titré " Témoignage écrit en 1940 ", est rédigé de juillet à septembre 1940. C'est l'occasion pour l'historien de réfléchir sur les causes de la débâcle française face à l'Allemagne. Le manuscrit sera caché chez des résistants pendant toute la guerre avant d'être publié à titre posthume, en 1946, par les éditions du mouvement Franc-Tireur.

Juif, Marc Bloch est exclu en 1940 de la fonction publique par le gouvernement de Vichy, mais il est bientôt réhabilité pour " services rendus à la France ". Il obtient un poste de professeur à l'université de Strasbourg alors repliée à Clermont-Ferrand, puis est affecté à sa demande à celle de Montpellier. Après l'occupation de la Zone libre par l'armée allemande, il se réfugie dans sa maison de campagne de Fougères, dans la Creuse. Il tente, sans y parvenir, de faire émigrer sa famille aux États-Unis.

Son nom est retiré de la couverture des Annales. C'est au cours de cette période qu'il poursuit par intermittence la rédaction, qui s'étend sur trois années (1940-1942), d'un important texte de réflexion sur l'histoire, intitulé Apologie pour l'histoire ou le Métier d'historien (ouvrage qui ne sera publié à titre posthume qu'en 1949). Le livre s'ouvre sur ce qui semble n'être qu'une simple demande, pleine d'innocence, de son fils: "Papa, explique-moi donc à quoi sert l'histoire." C'est l'occasion, pour l'historien, de rendre des comptes sur sa discipline, dans un exposé à tonalité socratique. Il y rappelle, à la suite de Fustel de Coulanges, que l'objet de l'histoire, c'est l'homme: "Derrière les traits du paysage, les outils ou les machines, derrière les écrits en apparence les plus glacés et les institutions en apparence les plus complètement détachées de ceux qui les ont établies, ce sont les hommes que l'histoire veut saisir", écrit-il dans l'Apologie. Il s'agit, en dernier ressort, de fournir des clés d'intelligibilité de l'aventure humaine. Si l'histoire reste une science qui n'est pas encore parvenue à maturité (il lui manque des lois immuables), ce n'est pas une raison pour en contester la scientificité; pas plus que les hésitations de la physique contemporaine ne peuvent servir d'argument contre sa scientificité. L'histoire est, par essence, "science des hommes dans le temps"; elle doit donc opérer en poursuivant les "traces" laissées dans le temps, dans les archives ou tout autre type de documents, à la recherche de preuves. Car les causes que recherche l'historien ne peuvent être simplement postulées: elles doivent être cherchées. L'Apologie, rédigée dans un contexte de barbarie, brille non pas tant par son originalité ou par le fait qu'elle annoncerait l'histoire de "l'école des Annales" (on n'y trouve, par exemple, nulle trace d'une "histoire totale"), que par son caractère de legs comportant la réflexion d'un grand historien sur ce qu'il considère avant tout comme un métier. Ce texte manifeste aussi l'espoir de voir rétabli, à l'avenir, le lien vivant entre le temps présent et le passé, dans le cadre d'une réflexion historienne scientifique, lien menacé par ceux qui tendaient, à l'époque, notamment outre-Rhin, à soumettre l'histoire à des présupposés idéologiques qui n'avaient précisément rien de scientifique.

Après avoir adhéré au réseau " Combat " de Montpellier en 1941, il entre activement dans la Résistance et adhère au réseau " Franc-Tireur " en 1943. Membre de la direction des Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.), il mène une vie clandestine à Lyon sous divers pseudonymes, participant activement à la mise en place des comités régionaux de la Libération.

Le 8 mars 1944, Marc Bloch est arrêté par la Milice à Lyon. Livré à la Gestapo, il est torturé au fort de Montluc, puis fusillé avec 26 patriotes à Saint-Didier-de-Formans, dans l'Ain, le 16 juin 1944.

Mélanie Wolfe,

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Paris, vendredi 29 mars 2024