Luís de Camões

Biographie
Luís de Camões
Luís de Camões

Poète portugais, Luís Vaz de Camões (on dit aussi "Luis de Camoens") est né à Lisbonne — ou peut-être à Coimbra ou Santarém — vers 1525, année de la mort du navigateur Vasco de Gama dont il célébrera les aventures dans ses Lusiades.

Fils d'un capitaine de vaisseau de la marine royale qui devait périr en 1552 au cours d'un naufrage au large de Goa, Camões est issu d'une famille noble mais pauvre, originaire de Galice et passée au service du roi de Portugal vers la fin du XIVe siècle. Après des études à l'université de Coimbra où il a d'excellents maîtres comme Diogo de Gouveia et Pedro Nunez, il se rend à la Cour et se lie d'amitié avec plusieurs personnages influents, en particulier Constantin de Bragance, qui deviendra plus tard vice-roi des Indes, Don Manuel de Portugal, auquel il dédiera plusieurs poèmes, et António de Noronha.

En 1552, un incident marque le début d'une longue suite de malheurs qui accableront Camões pendant toute son existence. Au cours d'une procession de la Fête-Dieu, le jeune poète blesse d'un coup d'épée Gonzalo Borges, suivant du roi, et se voit jeté en prison pendant quelques mois. Peu après sa libération, il se prend d'une violente passion pour Catherine d'Atayde, demoiselle d'honneur de la reine et sœur du favori du roi Jean III (la «Natercia» de ses poèmes). Dans un sonnet, il évoquera leur première rencontre, qui aurait eu lieu pendant un office dans l'église «das Chagas» de Lisbonne, mais peut-être le poète a-t-il seulement voulu faire rapprocher ses propres amours de la célèbre rencontre de Laure et de Pétrarque. Quelques vers enflammés adressés à Catherine d'Atayde suscitent la colère du père de celle-ci, qui porte plainte. Camões est aussitôt exilé à Santarém, dans l'Estrémadure portugaise, où il commence alors son poème des Lusiades.

Sa mésaventure lui fait perdre tous ses protecteurs, mais il obtient l'autorisation de faire partie d'une expédition dirigée par Alfonso de Noronha contre les Maures du Maroc. Il quitte Lisbonne, décidé à n'y plus reparaître, et, selon la tradition, après avoir répété les fameuses paroles que Scipion l'Africain avait fait graver sur son tombeau: «Ingrata patria, ossa mea non possidebis». Au Maroc, il frôle la mort et perd l'œil droit devant Ceuta. À son retour à Lisbonne en 1553, défiguré, sans aucun espoir désormais de conquérir Catherine d'Atayde, il prend la résolution de s'embarquer pour les Indes, en qualité de simple écuyer, muni seulement d'une somme d'argent dérisoire.

Il risque la mort dès le début de son voyage, tous les vaisseaux du convoi dont il faisait partie sombrant au cours d'une tempête, le sien excepté. Arrivé à Goa, il s'émerveille des fastes de la grande aventure coloniale portugaise, mais se montre également bouleversé par les indignités que commettent certains de ses compatriotes. En 1555, sa satire des Folies de l'Inde, où il dénonce les malversations de Francisco Barreto, gouverneur de la forteresse de Sofala (Mozambique), lui vaut de premières difficultés. Barreto l'empêche d'abord de rentrer au Portugal en refusant de lui payer une somme de deux cents écus d'or, puis parvient à le faire exiler en 1556 à Macao. Dans ce port de la côte chinoise, Camões passe plusieurs années paisibles et heureuses qu'il emploie à rédiger la plus grande partie de ses Lusiades.

Le nouveau vice-roi des Indes, Constantin de Bragance, un de ses amis de jeunesse, lui confie ensuite la charge de «curateur aux biens des morts et des absents», qui assure son existence et lui permet, en 1561, d'obtenir son retour à Goa. Mais le voyage en mer jusqu'à Goa est des plus périlleux. Pris dans un cyclone en mer du Siam, à l'embouchure du fleuve Mécou — selon le manuscrit de la VIIIe décade de Diogo do Couto —, son navire sombre corps et biens et Camões ne se sauve qu'en se jetant à la mer et en gagnant le rivage à la nage, tenant en main hors de l'eau le manuscrit des Lusiades.

À Goa, de nouveaux ennuis l'accueillent. D'abord accusé d'indélicatesses dans l'exercice de sa charge à Macao, il parvient à se justifier, mais ses nombreux créanciers le font emprisonner et il ne doit sa liberté qu'à un spirituel placet adressé au nouveau vice-roi, comte de Redondo. Relâché, Camões se trouve une fois de plus dans la misère. Il suit alors en Mozambique le nouveau gouverneur de cette colonie et débarque à Sofala en 1567. Mais, bientôt brouillé avec ce nouveau protecteur, sa situation devient intenable. Il doit faire appel à quelques amis pour pouvoir quitter le Mozambique en 1569 et rentrer à Lisbonne en juin 1570.

C'est là, deux ans plus tard, après avoir obtenu non sans peine l'autorisation du Saint-Office, qu'il fait paraître Les Lusiades. Le livre est fort bien accueilli. Il lui vaut l'admiration et la protection du roi dom Sébastien, successeur de Joào III. Mais le souverain disparait bientôt au combat d'Alquaçar-Quivir et le chantre de Vasco de Gama perd alors tout appui officiel. Le succès de son poème, reconnu et célébré par ses pairs comme Le Tasse ou Lope de Vega, ne le délivre d'ailleurs pas de la misère, la pension accordée par dom Sébastien ne dépassant pas la valeur d'une centaine de francs-or.

Luís de Camões, écœuré par les vices de la Cour, désespéré par les malheurs de son pays prêt à tomber sous la coupe de Philippe II d'Espagne, passe les derniers mois de sa vie au milieu de l'indifférence et dans le dénuement le plus complet. Il meurt sur un grabat à Lisbonne le 8 juin 1580, à l'âge de 55 ans.

Les Lusiades

Il n'est pas un des genres littéraires de son temps que Camões n'ait abordés. Dans ses Poésies, on trouve des œuvres didactiques: Épîtres, Satires, Épigrammes, des Églogues — où il s'inspire naturellement de Théocrite et de Virgile —, des Odes, des Stances (de six, cinq ou quatre vers), des Élégies, des Sonnets, soit originaux, soit imités de Pétrarque, vaste œuvre lyrique qui le place au plus haut rang des poètes de son époque, et dont la vertu principale est sans doute une sincérité passionnée. Ses comédies, Amphitryon, imitation pleine de verve de l'œuvre de Plaute, Philodème, et, plus près de la farce, mais sans doute la meilleure des trois, la Représentation du roi Séleucus, sont des œuvres de jeunesse, qui ne peuvent prétendre rivaliser avec l'œuvre théâtrale d'un Gil Vicente, ou même d'autres grands auteurs portugais tels que J. B. Gomes, Manuel Pimenta de Aquias et Antonio José.

On peut remarquer que Camões connait et pratique aussi bien le castillan que la langue portugaise. Non seulement il est l'auteur en castillan de vingt sonnets et de deux élégies, mais il lui arrive aussi souvent d'achever un sonnet portugais par un vers espagnol. Dans ses comédies, certains personnages parlent une langue et certains l'autre.

Mais, naturellement, Camões doit avant tout sa gloire littéraire à son chef-d'œuvre, Les Lusiades (Os Lusíadas), long poème épique en dix chants commencé à Santarém en 1552, continué à Ceuta et probablement achevé à Macao vers 1556 mais publié à Lisbonne seulement en 1572, trois ans après son retour des Indes et un an après la bataille de Lépante.

Le poème relate les péripéties non seulement de la célèbre expédition maritime qui permit la découverte des Indes par Vasco de Gama en 1497 — la flotte de petits bâtiments rapides, les escales (Canaries, Mauritanie, Cap-Vert, Sierra-Leone, Congo, Cap de Bonne-Espérance, Mozambique, Malabar, etc…), les peuples rencontrés, les intrigues, les batailles, les maladies, les tempêtes, etc. — mais également, grâce au récit de Gama devant le roi de Mélinde, à partir du troisième chant, tous les hauts faits de l'histoire du Portugal qui occupent ainsi un bon tiers du récit. Il s'agit donc bien d'une épopée nationale dans toute l'acception du terme, Os Lusiadas signifiant «Les Lusitaniens», en référence à la tradition mythologique selon laquelle Lusus, fils de Bacchus, ayant conquis le pays, laissa son nom à la Lusitanie. «Portugais, nous sommes de l'Occident / Nous allons à la recherche de l'Orient», proclame Camões.

Peut-être plus qu'un poète épique, Camões est sans doute l'un des plus grands lyriques de l'histoire de la littérature. Un souffle de sensualité chaude et sensible parcourt l'ensemble des Lusiades, véritable modèle «scénographique» d'art littéraire baroque. Camões s'y abandonne sans cesse à la volupté des couleurs, de la lumière, des odeurs et des sons. Toute la palette des rouges (rubis, vermillon, écarlate, pourpre, roux,…), toutes les choses étincelantes ou chatoyantes (or, argent, joyaux, cristal, diamant, étoiles, perles, rosée, larmes, fleurs, chevelures, soieries,…), tous les sons alertes (tambours, cymbales, trompettes, cris, artilleries,…) sont l'occcasion du chant pour le poète.

Son caractère d'homme de la Renaissance s'y épanouit dans sa plénitude, d'abord dans l'extraordinaire ampleur de l'œuvre, ensuite par ce mélange, si typique de l'époque, de la mythologie et de l'histoire, du paganisme et de la religion chrétienne, que Camões trouve chez ses inspirateurs italiens. Vénus et Mars y protègent fermement les Portugais mais Bacchus les poursuit d'une hostilité opiniâtre. L'Olympe y est le théâtre de querelles rageuses, et nombreuses sont les menées de divinités adverses, en particulier celles de la mer. Ce recours à la mythologie et l'intervention des dieux païens dans l'ensemble du poème valurent d'ailleurs de sévères critiques à l'auteur. Voltaire — qui n'aimait guère Les Lusiades — écrit à ce sujet que «les héros sont chrétiens et le poète païen».

Si Les Lusiades sont parfois critiquées comme étant une œuvre inégale, elles restent cependant encore très vivantes, alors qu'est morte par exemple La Henriade de Voltaire. Évocateur aussi bien de la mer et du déchaînement des grandes forces élémentaires d'un univers sauvage que de l'insinuante douceur de l'exotisme — qu'il est le premier à introduire dans l'esprit européen —, Luís de Camões demeure comme un merveilleux musicien de la nature qui a inspiré et inspire encore de nombreux écrivains. Le Portugal célèbre toujours régulièrement son poète national par des fêtes triomphales.

Michel Mourre,

Luís de Camões en librairie

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Paris, mercredi 11 septembre 2024