Romancier allemand, Heinrich Mann est né à Lübeck (Schleswig-Holstein, Allemagne) le 27 mars 1871 dans une famille de la haute bourgeoisie germanique que décrira son frère cadet, Thomas Mann, dans Les Buddenbrook.
Fils d'un commerçant de Lübeck et d'une Brésilienne, il penche d'emblée, résolument, presque avec excès, du côté de son hérédité occidentale. Après de courtes études à Berlin et des velléités de peinture, il se consacre à la littérature et aux voyages. Admirateur d'Émile Zola et du mouvement naturaliste, sa première visite est pour Paris. Il séjourne ensuite à Florence avec Thomas, s'éprend de l'Italie et ne rentre en Allemagne qu'en 1898.
Vers sa trentième année, il s'installe à Munich où il devient l'un des représentants les plus typiques de l'esthétisme «décadent» de la fin du siècle. Son inspirateur, à cette époque, est Gabriele D'Annunzio — voir Au pays de Cocagne (1901), qui traite d'un arriviste miteux jeté par hasard dans le monde de la finance. L'influence du Bel-Ami de Guy de Maupassant est évidente.
Mais il dépasse bientôt cette période d'occidentalisme affecté pour se faire, en imitateur non de Fiodor Dostoïevski mais du naturalisme français, l'explorateur du «souterrain» humain, le puissant évocateur de la frénésie passionnelle qui couve en tout être et risque de submerger les existences les plus ternes, les plus bourgeoises. Dénonçant l'injustice, caricaturant puissants et faibles, Heinrich Mann s'avère déjà plus expressionniste que naturaliste. Son trait se durcit dans Professeur Unrat (traduction littérale de «Ordure»), son roman le plus connu, paru en 1905, et adapté au cinéma par Josef von Sternberg, sous le titre L'Ange bleu, en 1930.
Bientôt la politique l'attire et il devient le peintre de mœurs qui manquait à l'Allemagne nouvelle, le critique féroce du régime impérial avec Le Sujet de l'Empereur (1914), roman de la bourgeoisie (que la censure de Guillaume II empêche de paraître), suivi des Pauvres (1917) et de La Tête (1925), qui complètent la fresque en abordant les problèmes du peuple et des élites.
Démocrate, défenseur de l'Europe genevoise — Sept années (1929), Français 1790-1930 —, Heinrich Mann est cependant déçu par la république de Weimar, et il l'attaque, au nom du véritable idéal libéral, dans des livres comme La Grande Affaire (1931), Une vie sérieuse (1932) et La Haine (publié en 1933, l'année de l'arrivée d'Hitler au pouvoir), qui le consacrent comme un maître de la satire politique.
Appelé en 1931 à la présidence de la section de poésie de l'Académie des arts à Berlin, la prise de pouvoir national-socialiste le contraint à émigrer dès 1933. Réfugié d'abord à Nice, il gagne les États-Unis en 1940. Pendant la guerre, il réside à Santa Monica, en Californie, et se joint à une petite colonie d'émigrés comptant, notamment, son frère Thomas, son neveu et l'auteur du Tournant, Klaus Mann, ainsi que Bertolt Brecht.
Heinrich Mann se détache alors de plus en plus de l'Allemagne, et, tout en lançant plusieurs écrits polémiques contre le régime d'Adolf Hitler, il écrit, en 1935-1938, un long roman historique: Jeunesse et maturité d'Henri IV, conçu par lui comme le chef démocratique exemplaire.
Outre ses romans et des nouvelles (Flûtes et poignards), on lui doit des pièces de théâtre (Madame Legros), des traductions d'Ernest Renan et Choderlos de Laclos, et un recueil d'articles autobiographiques (Contemplations d'une époque, 1945-1946).
Témoin sans indulgence, sectaire même, de sa patrie, Heinrich Mann, à la fin de sa vie, choisit délibérément l'Occident latin. Il n'a cessé cependant, comme son frère Thomas Mann, de subir sa double hérédité, ce conflit entre le germanisme et la latinité qu'il évoquait dans un de ses premiers livres, Entre les races (1907). Et, malgré lui peut-être, dérisoire et caustique, il est resté profondément allemand, par sa haine des tièdes, par son réalisme sensuel et nerveux souvent proche de l'outrance, de la caricature, par son truculent humour à la Eulenspiegel.
Heinrich Mann est mort à Santa Monica (Californie, Etats-Unis) le 12 mars 1950, à l'âge de 78 ans.
Jean Bruno,
républiquedeslettres.fr/mann-heinrich.php
Catalogue • Nouveautés • Auteurs • Titres • Thèmes
Histoire de la République des lettres • Chez votre libraire
Recherche • Contact & Mentions légales
Droits réservés © La République des Lettres
Paris, mercredi 11 septembre 2024