Charles-Ferdinand Ramuz

Biographie
Charles-Ferdinand Ramuz
Charles-Ferdinand Ramuz

Écrivain suisse d'expression française, Charles-Ferdinand Ramuz est né à Lausanne (Suisse), le 24 septembre 1878.

Fils d'un commerçant en épicerie, il passe son enfance à Lausanne et à Cheseaux-sur-Lausanne. Après des études secondaires au collège et au gymnase classiques de Lausanne, il obtient en 1900 une licence ès lettres classiques à l'université de la même ville.

Il enseigne au collège d'Aubonne (canton de Vaud), puis au préceptorat de Weimar. Cependant il veut devenir écrivain et, comme sa mère l'y encourage, il se rend à Paris en 1901 afin d'y préparer une thèse de doctorat sur Maurice de Guérin. Délaissant sa thèse, il restera à Paris jusqu'en 1914. Il n'oublie pourtant pas ni sa famille, ni ses amis, ni le domaine de Cheseaux que ses parents ont acquis après avoir quitté leur commerce de denrées coloniales à Lausanne. Ramuz y revient chaque année pour de longues vacances et participe à la vie littéraire romande. Il collabore notamment à La Voile latine, dont il est l'un des fondateurs, à La Gazette de Lausanne, au Journal de Genève, à La Semaine littéraire, à La Bibliothèque universelle et au Foyer romand.

Il écrit en 1903 un recueil de poèmes en prose, Le Petit Village, suivi en 1905 de son premier roman, Aline. Suivent Les Circonstances de la vie (1907, nominées pour le Prix Goncourt), et, après un long séjour à Lens (canton du Valais), Jean-Luc persécuté (1909). Dans Aimé Pache, peintre vaudois (1910) et Vie de Samuel Belet (1913), il cherche à définir son identité d'écrivain vaudois de langue française: dans ces deux romans de formation, les protagonistes découvrent à Paris leur différence et peuvent dès lors exprimer le pays.

En 1913, Charles-Ferdinand Ramuz épouse Cécile Cellier, peintre neuchâteloise, dont il aura une fille, et retourne vivre à Lausanne en juin 1914.

Il met fin à sa première période créatrice par un recueil de proses: Adieu à beaucoup de personnages et participe avec Edmond Gilliard et Paul Budry à la fondation des Cahiers vaudois dont il rédige le manifeste sous la forme d'un essai: Raison d'être. Dans le sillage des déclarations régionalistes de l'époque, il y exprime sa volonté de "ressemblance" à une nature, un sol, un accent et une langue.

La première partie de la carrière de Ramuz est riche d'expériences. Admirateur de Gustave Flaubert et de Guy de Maupassant, protégé d'Édouard Rod, qui vit à Paris et y tient salon, il cherche la voie d'un nouveau roman poétique. Tout en participant du courant régionaliste, il veut se créer un style personnel en accord avec la vision de ses personnages. Ce réalisme subjectif, qui privilégie le regard, relève d'une phénoménologie de la perception. Ramuz cherche aussi à définir le statut de l'artiste, à qui il confère une mission d'ordre quasiment religieux: aller vers la ressemblance, partir de l'élémentaire pour atteindre l'universel, chercher ainsi ce qui unit les hommes. Ses modèles sont les peintres: L'Exemple de Cézanne (1914) définit la nature de ce régionalisme qui refuse le folklore. Dans Paris, notes d'un Vaudois, il dira plus tard, en 1938: "C'est Paris lui-même qui m'a libéré de Paris. Il m'a appris dans sa propre langue à me servir (à essayer du moins de me servir) de ma propre langue."

C'est à une expression de plus en plus personnelle qu'il s'attachera, une "langue geste" qui sache exprimer dans sa nudité le drame de collectivités villageoises qui, dans les romans de sa deuxième période, combattent les forces du mal. Il y est plus proche de la fable antique que du roman paysan ou régionaliste. Renouvelant sa conception de l'art romanesque, il compose dès lors ses récits par "tableaux" et recourt à un narrateur-récitant qui rappelle le coryphée de la tragédie antique. Il cherche "la langue-geste" qui reproduise, dans son rythme et ses ruptures syntaxiques, le langage parlé, se moule dans les sensations perçues et échappe ainsi à la banalité du langage instrumental ("la langue-signe").

Sa collaboration dans les années 1916-1918 avec Igor Stravinski, alors réfugié en Suisse, donne naissance à des chefs-d'œuvre comme Noces, Renard et surtout L'Histoire du soldat (1918). Son style romanesque évolue: il renonce au roman explicatif consacré au destin d'un individu, pour des récits à la tonalité plus épique, qui mettent en scène des communautés affrontées au problème du mal (Le Règne de l'esprit malin, 1915), de la guerre (La Guerre dans le Haut-Pays, 1917), de la fin du monde (Les Signes parmi nous, 1919), du miracle (La Guérison des maladies, 1917), de la mort (Terre du ciel, 1921; Présence de la mort, 1922).

Ces œuvres ont toutes été inspirées par l'effroi du néant dont la guerre de 1914-18 portait le germe. L'Histoire n'y est pas précisément évoquée, mais les prolongements qu'elle a suscités dans l'esprit du poète l'ont conduit à un renouvellement de ses thèmes. La plupart des romans de cette période sont d'un visionnaire.

La Grande Peur dans la montagne (1926), atteint à la dimension du mythe. Farouche, ombrageuse, insensible aux convoitises des hommes qui en exploitent les ressources, la montagne qui s'éboule s'y montre comme une divinité intraitable à laquelle finalement rien ne répondra que le silence panique d'un village qui ensevelit ses morts.

Une telle entreprise lui vaut l'hostilité des puristes et d'une grande partie du public suisse et français. Les années de l'après-guerre jusqu'en 1925 sont particulièrement difficiles pour l'écrivain isolé dans sa patrie. Mais à partir de cette date, il retrouve une audience parisienne, grâce à Henry Poulaille qui l'impose à l'éditeur Bernard Grasset, et au témoignage de grands écrivains comme Paul Claudel et Henri Barbusse. Il jouera un rôle important dans l'œuvre future de Jean Giono, Henri Pourrat ou Louis-Ferdinand Céline. Les Cahiers de la quinzaine lui consacrent un numéro: Pour ou contre Ch.-F. Ramuz (1926) et l'auteur plaide pour son style dans sa Lettre à Bernard Grasset (1929). Grâce à Henry-Louis Mermod, éditeur et mécène, il peut mieux diffuser ses œuvres en Suisse et, de 1930 à 1932, il dirige même sa propre revue, Aujourd'hui, dont il assure la rédaction avec Gustave Roud.

Après La Grande Peur dans la montagne (1926), arrivent les romans de la troisième période, celle de la pleine maturité et des grands romans publiés chez Grasset et Mermod. La Beauté sur la Terre (1927), Fête des vignerons (1929), Adam et Ève (1932), Derborence (1934), Le Garçon savoyard (1936) et Si le soleil ne revenait pas (1937) s'imposent à l'attention par la stylisation de la matière et de l'expression et font de Ramuz le maître du roman poétique.

Quant aux essais qui, dans ces années-là, traduisent ses préoccupations: Taille de l'homme (1933), Questions (1935) et Besoin de grandeur (1937), ils sont d'un homme qui interroge et qui, conscient des périls dont sont menacés les peuples d'Occident, ne veut trouver d'apaisement que dans une réflexion sur des vérités premières à défendre et à maintenir. Ils montrent l'aboutissement de sa réflexion morale, esthétique et politique, et attestent la continuité de sa vie d'artiste, à laquelle il consacre alors de nombreux textes à caractère autobiographique: Souvenirs sur Igor Stravinsky (1928), Paris, notes d'un Vaudois (1938), Découverte du monde (1939), René Auberjonois (1943).

La Seconde Guerre mondiale atteint Ramuz dans ses convictions et ses espérances, et la défaite de la France aggrave son isolement. Il ne cesse pourtant d'écrire. La Guerre aux papiers paraît en 1942 et, bientôt après, ses deux recueils de Nouvelles (1944 et 1946), qui sont l'aboutissement d'un art à son plus haut niveau de perfection.

L'œuvre considérable de Charles-Ferdinand Ramuz est alors enfin reconnue à sa juste valeur: le prix Romand en 1930 lui permet l'achat d'une maison vigneronne, La Muette, à Pully, près de Lausanne. Le grand prix de la Fondation Schiller en 1936 lui apporte la consécration suisse. Ses livres sont presque tous traduits en allemand. Toutefois, un certain malentendu persistera dans l'accueil réservé à son œuvre. Longtemps considéré à tort comme un écrivain régionaliste, en raison d'une oeuvre profondément ancrée dans le cadre vaudois et valaisan, en marge des modes intellectuelles parisiennes, devenu une sorte de monument national dans son pays d'origine, où il est plus vénéré que lu, il ne prendra pas sa juste place dans l'histoire de la littérature française de son temps. Car Ramuz est avant tout un poète qui écrit des romans: son style très personnel, où se perçoivent des réminiscences de la Bible, rompt avec la syntaxe traditionnelle: s'il prend soin d'éviter tout régionalisme lexical, il cherche à créer une langue parlée proche de celle de ses personnages, non seulement dans leur discours mais dans celui du narrateur-récitant. Ce style oralisé — dont s'est réclamé Céline, qui l'admirait — n'a pas une fonction référentielle mais une visée esthétique. C'est ce style qui fait sa modernité. Les innovations qu'il fait apparaître dans le récit — instabilité de l'instance narrative, recours au "décousu représentatif", confusion volontaire des voix, multiplicité des points de vue, rupture de la temporalité — en font un précurseur de certaines techniques du nouveau roman.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, la maladie vient assombrir les dernières années de Charles-Ferdinand Ramuz. Son Journal 1895-1942 est publié chez Grasset en 1945 et Dernières pages (publié à titre posthume en 1949) s'interrompt à quelques jours de sa mort, survenue à Lausanne le 23 mai 1947.

Jean-Pierre Monnier,

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Paris, jeudi 25 avril 2024