Emmanuel Swedenborg

Biographie
Emmanuel Swedenborg
Emmanuel Swedenborg

Savant et penseur mystique suédois d'expression latine, Emmanuel Swedenborg est né le 29 janvier 1688 à Stockholm (Suède).

Son nom évoque immédiatement les étranges spéculations dont Séraphita de Balzac est un échantillon. Mais il ne faut pas oublier que Swedenborg est l'un des plus grands ingénieurs de son temps.

Après une pieuse enfance dirigée par son père, Jesper Swedberg, évêque luthérien de Skara, il commence en 1699 ses études à l'université d'Uppsala. Sa vocation scientifique se décide rapidement. En 1709, il sollicite l'aide d'Eric Benzelius, un des derniers grands humanistes, pour partir à l'étranger, afin d'y parfaire ses connaissances scientifiques.

Avant son départ, il habite quelque temps chez le savant suédois Polhem, surnommé l'Archimède du Nord. Une idylle s'ébauche avec la seconde fille de Polhem. Mais, ne se sentant pas suffisamment aimé, Emmanuel Swedenborg renonce. Il restera toute sa vie célibataire.

En 1710, il est à Londres. La pensée de Newton domine alors les esprits: sa mécanique céleste triomphe du cartésianisme. Sans le connaître personnellement, semble-t-il, Swedenborg l'étudie. En philosophie, on assiste, en ce début du XVIIIe siècle, à la diffusion des idées de John Locke. Après ce séjour en Angleterre, il voyage dans toute l'Europe: Hollande, Belgique, France, Allemagne, et rentre finalement en Suède.

Emmanuel Swedenborg fait rapidement figure d'inventeur et de savant célèbre. Il fonde la première revue scientifique suédoise, le Daedalus hyperboreus. Il obtient le poste d'assesseur au Collège Royal des Mines. Toute la première partie de sa vie va être ainsi consacrée à la technique et à la recherche scientifique. Son génie inventif est vraiment extraordinaire. Il imagine les sous-marins, un nouveau système d'écluses, une ébauche de la future machine à vapeur, un appareil volant, une pompe à mercure. Son influence sur le développement des Arts et de l'Industrie en Suède va être considérable.

En 1718, au siège de Frederikshall où Charles XII devait trouver la mort, Swedenborg conçoit un système de chariots roulants pour transporter sur la terre ferme toute une flotille qui devait permettre au roi de contourner l'ennemi. Peu de domaines de la science restent en dehors de ses préoccupations. En 1719, il compose un ouvrage sur le mouvement de la Terre et des planètes. Il s'intéresse à la géologie, au niveau des marées dans les temps préhistoriques.

Signe d'une certaine évolution dans sa pensée, il soumet, en 1719, un mémoire au Collège Royal de Médecine dans lequel il présente une théorie vibratoire de la force vitale. Peu à peu, les préoccupations biologiques pennent le pas sur toutes les autres. En 1721, il visite les mines de la Saxe et du Harz. La même année, il publie à Amsterdam son Prodomus principiorum rerum naturalium consacré aux principes de la chimie et de la physique. En 1729, il est admis à l'Académie d'Uppsala.

Nouveau congé en 1733: Emmanuel Swedenborg s'en va à Liepzig publier les trois volumes des Opera philosophica et mineralia qui paraîtront en 1734. Cette publication est financée par le duc de Brunswick. La même année paraît également à Liepzig le Prodomus de infinito et causa finali creationis deque mechanismo animae et corporis, consacré plus spécialement à la biologie.

On peut considérer les années 1736-1744 comme les "années tournantes" dans la vie de Swedenborg. Au moment même où son génie de philosophe de la nature parvient à son plein épanouissement avec son livre Oeconomia Regni animalis publié à Amsterdam en 1740-1741, où il est élu membre de l'Académie Royale de Stockholm, où de nouveaux voyages lui font parcourir successivement la Hollande, la Belgique, la France, l'Italie, des phénomènes curieux envahissent son psychisme.

À partir de 1736, étonné de ces manifestations extraordinaires, il note ses états d'âme, ses rêves. Il passe par des états qu'il appelle de "deliquium": vertiges, vision de lumière, sommeil suivi d'impression de renouvellement. De tout temps, d'ailleurs, il semble bien que Swedenborg ait pratiqué des exercices de méditation intense, par suspension respiratoire. Mais désormais ces états étranges s'imposent à lui. Du point de vue clinique, il s'agirait du stade initial de la schizophrénie, la crise aigüe se manifestant en 1743-1745, pour faire place à un nouvel équilibre qui se prolongera jusqu'à sa mort. En tout cas, en pleine crise, il publiera son Regnum animale à Amsterdam (1744-1745) et il continuera d'exercer ses fonctions d'assesseur des mines jusqu'en 1747.

Mais la transformation s'opère: Emmanuel Swedenborg considère comme sa mission particulière la communication avec les esprits et les anges. Cet homme qui a passé sa vie (il a maintenant cinquante-cinq ans) à l'exploration du monde terrestre va pendant trente ans explorer le monde supra-sensible, en donner la topographie, en décrire les moeurs et les habitants.

Dans une auberge de Londres, en 1745, une vision du Christ le confirme définitivement dans sa mission. C'est en 1745 qu'il écrit un extraordinaire commentaire des premiers chapitres de la Genèse: De cultu et amore Dei, ouvrage mi-scientifique, mi-religieux qui rappelle parfois certaines pages de John Milton. Il commence d'ailleurs à noter ses réflexions sur La Bible: les Adversaria in libros veteris testamentis ne paraîtront qu'après sa mort.

En 1747, il démissionne de sa charge d'assesseur pour se consacrer entièrement à sa mission: dévoiler les mystères du monde céleste. De 1749 à 1756 paraissent les huit volumes des Arcanes célestes, en 1758, la Nouvelle Jérusalem.

La pensée théosophico-spiritique développée dans ces ouvrages se rapporte à la tradition néoplatonicienne, dont il a étudié la version fournie par l'école des platoniciens de Cambridge: le monde est l'émanation infinie de l'esprit divin, il est peuplé et parcouru par des influences bonnes et mauvaises, incarnées par des êtres supranaturels angéliques et diaboliques. L'homme, qui est une image en réduction de l'univers tout entier, est libre de choisir parmi ces impulsions, et son perfectionnement spirituel continuera même après la mort du corps et en fonction du caractère de chaque individu.

Le 19 juillet 1759, Emmanuel Swedenborg voit de Göteborg un incendie à Stockholm. Ce phénomène de vision à distance, ses entretiens avec les esprits, la tranquille assurance avec laquelle il se meut dans le merveilleux le rendent bientôt célèbre dans toute l'Europe. Cette renommée lui vaudra notamment de faire l'objet du livre d'Emmanuel Kant: Les Songes d'un visionnaire expliqués par les songes de la métaphysique (1766).

Ce visionnaire reste d'ailleurs parfait homme du monde, bon citoyen, qui en janvier 1761 intervient à la Diète suédoise et discute problèmes financiers. Sa propagande personnelle est très bien organisée. Ses livres sont envoyés aux personnages importants de tous les pays d'Europe. Sa réputation de savant n'est pas oubliée, bien qu'il ait abandonné tout travail scientifique. En 1762, l'Académie desSciences de Paris fera traduire son traité sur le fer, tiré des Opera philosophica et mineralia, pour faire partie de sa Description des Arts et Métiers.

En 1768, il publie le De amore conjugiali, qui ouvre à l'amour la durée et l'espace sans fin du monde céleste, affirmant la permanence de la vie conjugale dans l'au-delà. Swedenborg pense qu'il aura lui-même pour épouse céleste la comtesse de Gyllenborg. L'Église officielle suédoise commence à s'inquiéter: n'a-t-il pas annoncé le Jugement dernier, c'est-à-dire la fin de l'Église actuelle et l'avènement d'une Église nouvelle fondée sur ses révélations. Le 22 mars 1769, il est déclaré hérétique. La même année, il publie encore un ouvrage sur le rapport entre l'âme et le corps (son éternel problème), et l'année suivante, sur La Vraie Religion chrétienne.

Il part en voyage pour Paris, puis Londres, où il meurt le 29 mars 1772, après avoir été assisté d'un pasteur lui-même, semble-t-il, déjà swedenborgien. Car rapidement une église swedenborgienne se constitue, sa pensée influence fortement la seconde moitié du XVIIIe siècle et tout le début du XIXe siècle. Ce rayonnement n'est pas étranger à la constitution de l'esprit romantique.

Il est difficile d'apprécier exactement la signification historique d'Emmanuel Swedenborg. Faut-il voir en lui, avec Dumas, un des pères de la cristallographie moderne, un précurseur génial dans le domaine biologique ? Faut-il plutôt considérer l'influence très grande qu'il a exercée sur les débuts de la littérature moderne ? On ne peut en tout cas rester insensible au mystère de cette personnalité.

Pierre Hadot,

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Paris, vendredi 29 mars 2024