Henri Calet — pseudonyme de Raymond Barthelmess — est né à Paris le 3 mars 1904. Son père, rejeton d'une famille en déclin qui avait eu son heure de prospérité, vit de divers petits métiers, à la frontière de la légalité, vagabonde à travers les pays limitrophes de la France et professe des opinions libertaires. Sa mère, d'origine flamande, a abandonné une famille soucieuse de respectabilité pour une vie aventureuse dans les cercles anarchistes parisiens.
Toute l'enfance de Henri Calet se déroule au milieu du petit peuple de Paris, dans les divers quartiers où le hasard et les revers de fortune de ses parents le conduisent. Marqué à jamais par les vicissitudes d'une existence difficile, il y a puisé la matière et le ton d'un grand nombre de ses récits. Il passe une partie de son adolescence en Belgique occupée et, après des études secondaires qui ne l'enthousiament pas, exerce divers métiers: clerc d'huissier, employé dans plusieurs commerces, correcteur d'imprimerie, etc.
Il fait ses débuts littéraires dans une petite revue, Avant-Poste, puis, au cours d'un voyage aux Açores, commence à écrire son premier roman, La Belle Lurette, préfacé par Jean Paulhan et publié en 1935 chez Gallimard. Il y évoque de façon à peine détournée et avec une âpre simplicité son enfance et son adolescence. De Fièvre des polders et Le Mérinos (1937) à Un grand voyage (1952), en passant par Le Bouquet (1945), où il prend pour thème sa drôle de guerre, sa captivité et son évasion pendant la Deuxième Guerre mondiale, les échanges sont nombreux entre la fiction romanesque et la vie personnelle, ce que confirme Peau d'ours (1958), notes en vue d'un roman auquel il travaillait au moment de sa mort. Le récit, souvent écrit à la première personne, se présente ainsi comme un moyen approprié pour ressaisir le cours de sa vie et en apaiser les tensions.
Paris — ses transformations successives, ses arrondissements, riches ou pauvres, élégants ou populaires — est également l'objet, d'un bout à l'autre de l'oeuvre, d'une fascination particulière. Habitant du XIVe arrondissement, Henri Calet n'a de cesse d'explorer son territoire et ses alentours, de faire surgir à chacun de ses pas des anecdotes et des souvenirs qui tracent insensiblement le portrait d'un homme et d'un lieu devenus indissociables.
Le Tout sur le tout (1948), livre d'un "genre hybride", de l'aveu même de l'auteur, ni autobiographie ni roman, illustre l'accomplissement d'un style qui ne néglige jamais les ressources de l'humour pour dire les détresses et les chocs de la vie. Les Grandes Largeurs (1954), au sous-titre évocateur de "Ballades parisiennes", prolonge cette inspiration, tandis que d'autres textes optent pour un exotisme prudent et relatent des évasions hors de Paris, pleines d'imprévu et de secrets ravissements.
Ainsi, des deux journaux de voyage: Rêver à la Suisse (1948) et L'Italie à la paresseuse (1950), dans lesquels Henri Calet déjoue les attentes du lecteur en proposant une vision singulière de ses pérégrinations touristiques: tournant le dos aux beautés officielles, montagnes de la Suisse et antiquités de Rome, il porte son attention sur maints détails ou inventions pratiques qui lui semblent plus aptes à révéler l'esprit des lieux, ou son propre état d'esprit.
Comme journaliste, notamment à Combat et Terre des hommes, après la Libération, Henri Calet manifeste le même goût pour l'anecdote révélatrice et riche de sens. Nombre de ses articles ont été rassemblés après sa mort dans Contre l'oubli (1956) et Acteur et témoin (1959). Il s'y montre sensible aux drames et aux misères de l'après-guerre. Dans quatre textes majeurs publiés en 1946 et intitulés Les Survivants de Fresnes, il part à la recherche de quelques rescapés des camps de concentration, et son enquête, d'une pudeur et d'une force poignantes, est un témoignage contre l'oubli.
Cette activité d'enquêteur prend parfois un ton plus enjoué: aussitôt présentée, dans Les Deux Bouts (1954), son exploration familière du "petit monde", Henri Calet part à la découverte du "grand monde", c'est-à-dire d'une réalité exotique en plein Paris, et nous livre, dans Le Croquant indiscret (1955), avec une tranquille ironie, le résultat de ses investigations.
Henri Calet meurt à Vence le 14 juillet 1956 en laissant une oeuvre en cours qui se conclut involontairement par ces mots: "Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes."
Hervé Ferrage,
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