Paul Eluard

Biographie
Paul Eluard
Paul Eluard

Poète français, Paul Eluard (pseudonyme de de Eugène-Émile-Paul Grindel) est né le 14 décembre 1895 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Son père, Clément Eugène Grindel, est comptable. Sa mère, Jeanne-Marie Cousin, est couturière.

Il est successivement élève aux écoles communales de Saint-Denis et d'Aulnay-sous-Bois. La famille ayant déménagé à Paris où son père devient agent immobilier, il intègre en 1909 le lycée Colbert.

Il obtient son brevet en 1912 mais une crise hémoptysique le contraint à interrompre ses études. Diagnostiqué tuberculeux, il entre au sanatorium de Clavadel, près de Davos (Suisse) où il effectuera de longs séjours jusqu'en 1914. Il y rencontre une jeune femme russe exilée, Hélène Dmitrovnia Diakonova, comme lui passionnée de poésie. Il en tombe amoureux et la prénomme Gala.

En 1913, il publie à compte d'auteur, sous son nom de Grindel, un recueil de poèmes intitulé Premiers poèmes puis, l'année suivante, un autre intitulé Dialogues des inutiles (il détruira plus tard ces deux recueils).

En décembre 1914, quelques mois après sa sortie du sanatorium, il est mobilisé et part sur le front mais il est bientôt éloigné des combats en raison de sa mauvaise santé. En 1916, il est infirmier militaire à l'hôpital d'Hargicourt (Somme). Il signe du nom de sa grand-mère maternelle, Éluard, une plaquette de vers polycopiée intitulée Le Devoir.

L'année suivante, il est sur le front avec le 95e Régiment d'Infanterie. Hospitalisé, il rentre à Paris et épouse Gala le 21 février 1917.

Sa fille Cécile naît en mai 1918. En juillet, il publie les Poèmes pour la paix, inspirés par son expérience des champs de bataille de la Première Guerre mondiale.

Il rejoint le groupe Dada où il fait la connaissance d'André Breton, Philippe Soupault, Louis Aragon, Tristan Tzara, Max Ernst, Jean Arp, René Magritte, Joan Miró et Man Ray.

En 1920, il publie le premier numéro de sa revue Proverbe et Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux. Les Nécessités de la vie et les Conséquences des rêves paraît en 1921, Malheurs des immortels et Répétitions en 1922.

Les membres du groupe Dada se séparent et les transfuges se regroupent autour d'André Breton et du premier Manifeste du surréalisme. Paul Eluard s'engage alors pleinement dans l'expérience surréaliste. Il publie en 1924 Mourir de ne pas mourir puis quitte la France pendant sept mois pour faire un voyage qui le mène principalement en Extrême-Orient.

À son retour, il participe à la rédaction du premier numéro de La Révolution surréaliste, publie 152 Proverbes mis au goût du jour (écrit en collaboration avec Benjamin Péret) et Au défaut du silence. Capitale de la douleur et >Les Dessous d'une vie ou la pyramide humaine paraissent en 1926.

Paul Eluard milite pour une poésie plus sociale. Il adhère au Parti communiste et collabore à la revue Clarté. Dès lors, sa trajectoire, sans renier le surréalisme, prendra de plus en plus un aspect politique. En 1927, avec Louis Aragon, André Breton, Benjamin Péret et Pierre Unik, il signe la Lettre des cinq aux surréalistes non communistes.

Défense de savoir est publié en 1928. Il est hospitalisé au sanatorium d'Arosa, dans les Grisons, où il passe l'hiver.

L'Amour la poésie est publié en 1929. Il rencontre Maria Benz, dite Nusch, qu'il épousera en 1934, et René Char. Ralentir travaux, écrit en collaboration avec René Char et André Breton, paraît en 1930, ainsi que A toute épreuve et L'Immaculée Conception, en collaboration avec Breton. Au lendemain du Congrès international des écrivains révolutionnaires de Kharkov, il rompt avec Aragon et fait paraître contre lui un texte sévère: Certificat. Dors est publié en 1931, La Vie immédiate en 1932.

Paul Éluard est exclu du Parti communiste en 1933. Il publie Comme deux gouttes d'eau. Contre le péril d'extrême droite il signe L'Appel à la lutte et participe au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA). La Rose publique, sorti en 1934, clôt une certaine manière de poésie expérimentale.

En 1935, il participe aux Conférences de Prague et à l'Exposition surréaliste. Il publie Nuits partagées et Facile.

Grand air, La Barre d'appui, Notes sur la poésie (avec Breton), Les Yeux fertiles sortent en 1936. Il donne des conférences autour d'une rétrospective Picasso en Espagne, participe à l'Exposition internationale du surréalisme de Londres et prend position contre le coup d'État franquiste.

L'Évidence poétique, Les Mains libres, Premières vues anciennes, Appliquée, Quelques-uns des mots qui jusqu'ici m'étaient mystérieusement interdits paraissent en 1937. Après le bombardement de Guernica, il écrit "La victoire de Guernica" dans Cours naturel. Solidarité, illustré par Joan Miró, Pablo Picasso, Yves Tanguy et André Masson, est vendu au profit des Républicains espagnols.

En 1938, Eluard organise avec Breton l'Exposition internationale du surréalisme de Paris et collabore avec lui au Dictionnaire abrégé du surréalisme. L'année suivante, il publie Médieuses, illustré par Valentine Hugo, Chanson complète et Donner à voir.

Lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il se retrouve mobilisé dans l'Intendance militaire à Mignères (Loiret). Démobilisé en 1940 à cause de sa maladie, il regagne Paris où il publie Le Livre ouvert I. Suivent en 1941 Moralité du sommeil et Sur les pentes inférieures. Il s'engage activement dans la Résistance et réintègre le Parti Communiste Français.

Les avions de la Royal Air Force parachutent au-dessus des maquisards des milliers d'exemplaires de son Poésie et vérité 1942. Il publie Le Livre ouvert II puis Poésie involontaire et poésie intentionnelle. Il devient membre du comité de lecture des éditions de Minuit, maison d'édition de la Résistance fondée par Jean Bruller (Vercors) et Pierre de Lescure en 1941.

En 1943, il renoue avec Aragon et anime avec lui le Comité national des écrivains (CNE). Il collabore au journal Les Lettres françaises, créé en 1942 par Jacques Decour et Jean Paulhan. Il rassemble les textes du recueil L'Honneur des Poètes (Éditions de Minuit) et publie sous le pseudonyme de Jean du Haut Les Sept Poèmes d'amour en guerre.

De novembre 43 à février 44, Paul Eluard doit se cacher à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban (Lozère). Il y écrit Souvenirs de la maison des fous, qui sera publié en 1946.

De retour à Paris en février 1944 il publie Le Lit la table et Les Armes de la douleur pour la libération de Toulouse. Il fonde un journal littéraire clandestin: L'Éternelle Revue. En août, il sort de la clandestinité et publie une somme de poèmes écrits dans la Résistance: Dignes de vivre, Au rendez-vous allemand et À Pablo Picasso. Il reçoit la Médaille de la Résistance.

1945 voit la sortie de Doubles d'ombre, Lingères légères, Une longue réflexion amoureuse et Le Vœu. L'année suivante, Poésie ininterrompue I et Le Dur Désir de durer. Il donne des conférences et voyage en Tchécoslovaquie, en Italie, en Yougoslavie et en Grèce. Lors de son séjour en Suisse, il apprend la mort de Nusch.

En 1947, 1948 et 1949, paraissent successivement Objet des mots et des images, Elle se fit élever un palais, Le Temps déborde, Corps mémorable, Le Meilleur Choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi (anthologie 1818-1918), A l'intérieur de la vue, 8 poèmes visibles (en collaboration avec Max Ernst), Voir, Premiers poèmes 1913-1921, Poèmes politiques, Corps mémorable, Le Bestiaire, Perspectives, La Saison des amours, Grèce ma rose de raison et Une leçon de morale.

Il rencontre Odette, dite Dominique Lemor, au Congrès mondial de la Paix de Mexico (1949), voyage en Tchécoslovaquie et en U.R.S.S. en 1950, puis épouse Dominique Lemor en 1951. Il publie Pouvoir tout dire, Première anthologie vivante de la poésie du passé, La jarre peut-elle être plus belle que l'eau ?, Le Visage de la Paix, Grain-d'aile, Le Phénix et Marines.

En 1952, Paul Éluard donne une conférence à Genève sur le thème de "La Poésie de circonstance". Représentant le peuple français à Moscou, il commémore le 150e anniversaire de la naissance de Victor Hugo et le 100e anniversaire de la mort de Nicolas Gogol. Il publie l'Anthologie des écrits sur l'art, Les Sentiers et les routes de la poésie et achève d'écrire Poésie ininterrompue II.

Paul Eluard subit une première crise cardiaque pendant l'été 1953. Suite à une nouvelle attaque, il succombe à Paris le 18 novembre 1953, à l'âge de 56 ans.

Paul Éluard est sans doute le plus grand poète qu'ait produit le mouvement surréaliste. Et c'est sans doute le seul poète français – avec Jacques Prévert – à avoir connu au XXesiècle une certaine popularité. Non que sa poésie soit facile, au mauvais sens du terme. Quand bien même elle déroute le lecteur habitué au vers traditionnel, elle reste marquée – au-delà de ses obscurités apparentes – par une certaine transparence. D'abord influencé par l'unanimisme, il a évolué vers une poésie de plus en plus libérée des entraves traditionnelles. Nul doute que le surréalisme, en cela, l'ait aidé à trouver sa dimension propre. Capitale de la douleur témoigne que cette libération – à la fois poétique et personnelle – a dû être difficile. Proclamé chantre de la vie, de l'amour, de la chaleur humaine, de la simplicité, Éluard a dû lutter pour échapper au monde de la solitude, de la maladie et de la mort. Cet arrière-fond de souffrance donne tout son prix à son éloge du bonheur.

Parmi les surréalistes, il est le poète de l'amour, plus encore que Breton. Ses poèmes sur la femme aimée (sur les femmes aimées, faudrait-il dire, car Éluard a été marqué par plusieurs amours qui l'ont inspiré – voir Lettres à Gala (édition posthume en 1984) – comptent parmi les plus beaux poèmes d'amour de la langue française. Il chante l'amour dans une poésie simple, directe, riche en images audacieuses, mais toujours accessible. L'une des qualités les plus notables de ses poèmes est certainement l'ouverture. Chaque vers, chaque image, chaque mot est une porte donnant sur un monde diaphane, léger, d'une pureté et d'une liberté qui n'appartiennent qu'à lui.

Poète de l'amour, Éluard a logiquement été aussi le poète de l'amitié, de la solidarité entre les hommes: "La poésie, écrit-il, ne se fera chair et sang qu'à partir du moment où elle sera réciproque. Cette réciprocité est entièrement fonction de l'égalité du bonheur entre les hommes. Et l'égalité du bonheur porterait celui-ci à une hauteur dont nous ne pouvons encore avoir que de faibles notions…" Telle est la conviction qui, au fil des années, soutient des recueils comme La Vie immédiate et Poésie ininterrompue. Titres qui, en eux-mêmes, expriment tout un programme : la vraie poésie est "immédiate" et "ininterrompue", elle est poésie de tous les jours, poésie du quotidien, des gestes journaliers, des choses simples. La poésie éclaire littéralement la vie des hommes. Elle est lumière. Éluard est unique par cette foi grave et souriante qu'il a dans la lumière. Amour, amitié, bonheur sont lumière. Et la lumière, elle, est liberté. Sa poésie transmet au lecteur cette vision, d'un optimiste plutôt exceptionnel. Non que le poète croie cette liberté facilement accessible. Le Dur Désir de durer marque bien qu'il s'agit d'une lutte, voire d'une ascèse, que la souffrance, la mort, la solitude, la folie, et aussi l'oppression et l'incompréhension, sont toujours là, en arrière-fond, un arrière-fond nocturne et obscur contre lequel le poète élève son rideau de paroles lumineuses et tendres.

Éluard est un prodigieux créateur d'images. C'est par l'image qu'il "donne à voir" la lumière. On l'a souvent sommé d'expliquer ce vers apparemment contradictoire ou énigmatique : "La terre est bleue comme une orange." Cette comparaison au premier abord absurde peut servir à faire comprendre sa poétique, si l'on renonce à l'expliquer et si l'on se confie à la dynamique propre de l'image. À une certaine profondeur de la perception, terre et fruit du Sud, bleu et orange se confondent et évoquent la saveur, la substance de la vie terrestre.

On trouverait facilement chez Éluard des centaines d'images de ce genre, à la fois énigmatiques et lumineuses, toutes secrètement porteuses d'un message de vie et d'espoir. Saint-Just avait dit que "le bonheur est une idée nouvelle en Europe". Éluard reprend poétiquement ce credo. Sa poésie est, finalement, clarté et générosité. Elle est bonté. De quel autre poète pourrait-on dire la même chose ?

Antoine Berman,

Paul Eluard en librairie

Copyright © La République des Lettres, Paris, mercredi 4 décembre 2024
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