Épictète

Biographie
Épictète
Épictète

Philosophe grec de l'école stoïcienne, Épictète est né en 55 après J.-C. à Hiérapolis (Phrygie), la ville de Cybèle, où l'on célèbre les rites orgiaques.

"Moi, Épictète, j'ai été esclave, boiteux, pauvre comme Irus, cher aux Immortels." Cette épigramme (conservée par Macrobe) nous propose, comme tant d'autres du même genre, en un raccourci saisissant, l'essentiel d'une vie.

On ignore quand et comment il est conduit à Rome, en qualité d'esclave. Son nom lui-même n'est peut-être tiré que d'un simple adjectif signifiant "adjoint", "à la suite". Un être anonyme, somme toute. Mais, parmi les nombreux esclaves qui, à commencer par Livius Andronicus, contribuent alors à l'élévation spirituelle de leurs maîtres, Épictète est proprement sublime.

Ce pauvre esclave phrygien parvient à lier si étroitement les deux concepts de liberté et de vertu qu'il en fait une équation d'une valeur presque chrétienne, ce que Socrate avait déjà réalisé avec les deux concepts appariés et plus grecs de savoir et de vertu. Et la vertu d'Épictète passe par l'épreuve du feu. Son patron Épaphrodite — que certains identifient avec le célèbre affranchi de Néron — l'estropie froidement et cruellement. Pendant que l'instrument de torture lui rompt la jambe, Épictète se contente de faire observer à son bourreau: "Fais attention, lu vas la casser!" Et comme la jambe se brise, il ajoute simplement: "Je te l'avais bien dit!" Cette histoire nous est rapportée par Origène qui l'emprunte à Celse (Contra Celsum, III, 368); et, bien que Suidas refuse cette explication dramatique de l'infirmité dont souffre Épictète et attribue cette dernière à des rhumatismes, nous n'avons aucune raison de ne pas croire Origène et les frères César et Grégoire de Nazianze. Certes, Épaphrodite ne brille pas par ses qualités morales, mais le fait qu'il permette à son esclave d'entendre les leçons données par Musonius Rufus, stoïcien qui vient d'ouvrir une école à Rome, et le fait qu'il affranchisse Épictète un peu plus tard suffisent à le racheter. Epictète rapporte à ses disciples certains des traits de caractère qu'il a remarqué chez son ancien maître et il ne les leur montre pas en exemple: c'est sa seule vengeance.

Musonius produit sur Épictète une impression ineffaçable, et fait de l'esclave un grand missionnaire du stoïcisme considéré comme un mode de vie, ainsi qu'un maître de la jeunesse, tout comme Sénèque est le maître des hommes d'âge mûr. Les hommes les plus haut placés de l'aristocratie romaine professent ce stoïcisme et l'affichent comme une suprême marque d'élégance. Mais la tyrannie et la philosophie ne peuvent coexister: Musonius est exilé par Néron; Épictète est frappé de bannissement, sous Domitien, par les sénateurs qui englobent dans la même sentence philosophes, mathématiciens et astrologues.

En 94, Épictète se rend à Nicopolis, en Épire, où il devient rapidement si célèbre que tous les voyageurs amenés à s'arrêter en Grande Grèce, et jusqu'à l'empereur Adrien lui-même, viennent écouter ses enseignements.

À Nicopolis comme à Rome, Épictète vit dans une pauvreté et dans une solitude dignes d'un cynique. Simplicius raconte que, vers la fin de sa vie, il prend avec lui une femme qu'il charge de s'occuper de l'orphelin qu'il a adopté.

Ses paroles sont si fortes, si sincères et si spontanées qu'elles nous sont parvenues toutes vives dans les notes que prit avec une extraordinaire fidélité un de ses disciples fervents, le futur historien Flavius Arrien (95-180 après J.-C.), originaire de Nicomédie en Bithynie. C'est à ce dernier que nous devons les Entretiens et le Manuel. Marc-Aurèle, Aulu-Gelle, Arnobe et Stobée ont recueilli par ailleurs des fragments épars. Le langage rude, les comparaisons vigoureuses, l'énergie austère que l'on trouve dans les Entretiens sont le fait du Maître; Arrien n'ajouta rien de son cru et se contenta d'être un éditeur scrupuleux.

Du célèbre Manuel, recueilli par Arrien dans ses Epicteti dissertationes, il ne nous reste que les quatre premiers livres. Considérant la notion de liberté, Épictète nous dit ici qu'elle est en soi le bien suprême. Toutefois, la liberté dont il est question n'est pas celle que nous accordent les circonstances extérieures, mais bien cette liberté qui naît au plus profond de notre personnalité. Elle se conquiert par degrés, par la volonté avec l'aide de la raison et de la sagesse. Pour le stoïcien, le bien est en effet une donnée de la conscience, et le sage, qui sait distinguer entre les deux formes de liberté, donnée ou conquise, est intégralement libre. Rien ni personne ne peut le priver de sa liberté.

Épictète est un Socrate dont l'esprit aurait été formé par Rome et non pas par l'Attique, un Socrate dépourvu d'ironie. La vertu — liberté et non pas sagesse — il la recherche avec une ténacité inflexible, avec une foi communicative qui avive l'éclat de ses phrases et qui nous semble toute proche.

Admirés par les penseurs grecs et latins de la fin de l'Empire romain, ses enseignements ont également connu la faveur des chrétiens. L'anachorète saint Nil, disciple de saint Jean Chrysostome, en imprégna la règle qu'il destinait aux ermites du mont Sinaï. La règle de saint Benoît, elle-même, s'inspira de certains de ces préceptes. À partir du XVIe siècle, le Manuel exerça aussi une très profonde influence sur nombre de moralistes, dont notamment Blaise Pascal.

Épictète est mort à Nicopolis, Épire, vers 130 après J.-C..

Vincenzo Cilento,

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Paris, jeudi 25 avril 2024