Yasunari Kawabata

Biographie
Yasunari Kawabata
Yasunari Kawabata

Écrivain japonais, Yasunari Kawabata est né à Osaka le 11 juin 1899.

Une solitude profonde semble avoir marqué toute la vie intime de Kawabata, depuis sa prime jeunesse jusqu'au moment tragique où l'écrivain s'est donné la mort. Peu après sa naissance, il perd son père, sa mère, son unique soeur et sa grand-mère. Il vit avec son grand-père qui, devenu aveugle et malade, meurt à son tour en 1914.

Sa première expérience littéraire remonte à cette époque. Le Journal intime de ma seizième année, rédigé en 1914 et publié en 1925, décrit l'agonie de son grand-père, et Ossements, conçu vers 1916 et publié en 1945, évoque la dernière scène des obsèques. Un don d'observation extraordinaire s'exprime déjà dans ces récits fragmentaires.

Quand la solitude lui pèse trop, le jeune homme cherche à rompre avec la vie quotidienne en fuyant la ville. Seul, à pied, il parcourt la péninsule d'Izu encore peu fréquentée. Ces promenades solitaires lui inspirent son premier chef-d'oeuvre, La Danseuse d'Izu (version définitive parue en 1926). Dans ce récit assez court, sans aucune prétention, l'auteur raconte comment un orphelin parvient à découvrir le sens de la vie, la valeur d'une bonté sans limites grâce à laquelle il acquiert la faculté d'une certaine communion de sentiments avec les autres. C'est en ce sens que cette période apporte le salut à l'écrivain lui-même, observateur inné et esthète par inclination. Sa sensibilité aiguë perdra toute amertume, et fournira la base de la vaste production littéraire qui, tout en étant destinée par sa nature aux "happy few", aura le rare bonheur d'être appréciée par des millions de lecteurs. De son état d'isolement de jadis, il ne restera qu'une attitude insolite dans ses rapports avec les autres humains, qu'il a tendance à observer avec un détachement parfois glacial, tout en acceptant de se mêler à eux avec une grande complaisance.

C'est ainsi qu'il commence en 1921, avec quelques camarades, la publication d'une revue littéraire nommée Pensées nouvelles. Il contribue aussi à la fondation de deux autres revues célèbres, Annales littéraires et L'Ère de la littérature. Il déborde d'activités, bouillonne d'idées, toujours à l'affût du nouveau. Le mouvement "Sensations nouvelles" est ainsi lancé, et Kawabata est considéré, avec son ami Yokomitsu Rüchi (1898-1947), comme l'un des jeunes maîtres de cette nouvelle tendance. Il recherche toutes les formes possibles d'expression: roman, nouvelle, essai, feuilleton, et même le cinéma. Il inaugure aussi un genre inédit, qu'il se plaît à appeler "roman miniature". En quelques dizaines à quelques centaines de lignes, il écrit toutes sortes de récits, qui sont autant de champs d'expérience sur l'expressivité de la langue.

Cependant Kawabata se dégage peu à peu de ces tentatives d'avant-garde. On peut même observer à l'apogée de sa carrière littéraire un retour progressif vers le classicisme. Celui-ci commence avec la genèse de son roman le plus connu: Pays de neige (1935-48). Ce monument de sensibilité, dont l'élaboration s'est poursuivie durant treize ans, étonne par sa dimension modeste (deux cent cinquante pages) et par son unique thème aussi simple que limpide: l'amour, à l'état pur, d'une femme du pays de neige pour un homme qui vient de la ville. Entre les deux partenaires naît un amour irréel et désespéré, et l'inévitable déphasage engendre la détresse, dont le symbole est exprimé par la magistrale scène d'incendie qui termine la version définitive de 1948. Le drame intérieur, décrit seulement par des indices externes, concrets et tangibles, est mené jusqu'à la limite de rupture, à l'image des tragédies classiques.

L'admirable lignée des "tragédies du sentiment humain", apothéose de la carrière du grand écrivain, vient ainsi de voir le jour. Deux autres chefs-d'oeuvre, Nuée d'oiseaux blancs (1949-1952) et Le Grondement de la montagne (1942-1954), viennent former une trilogie avec Pays de neige.

Ces trois romans, apparemment très différents, montrent autant de possibilités de rendre plus vrai encore que la réalité extérieure l'élan insondable du sentiment humain. Le style devient de plus en plus sobre, surtout dans Le Grondement de la montagne. Un long chemin a été parcouru depuis la recherche délibérée d'une beauté cristalline jusqu'à ce dépouillement extrême qui semble incarner l'ennui redoutable de la vie réelle.

Kawabata renouvelle aussi ses tentatives de roman-feuilleton. Surtout à partir de 1950, on assiste à une succession grandiose de romans d'une facture apparemment facile, à travers lesquels s'exprime toute la personnalité de l'auteur, avec une maîtrise surprenante dans des domaines très variés. Citons: La Danseuse (1950-1951), Le Lac (1954-1955), Être une femme (1956-1957), Kyoto (1961-1962). Kawabata est l'auteur d'une dizaine d'autres, sans compter les innombrables nouvelles.

Il convient de classer à part Les Belles Endormies (1960-1961), expression d'un érotisme d'une gratuité absolue, qui représente l'aboutissement des épreuves que Kawabata s'était imposées à travers sa quête esthétique. Logique avec lui-même, l'écrivain est allé délibérément jusqu'au fond de son propre enfer mental.

Certains ont recherché un lien direct entre cet enfer et le suicide solitaire et lugubre de Kawabata, le 16 avril 1972, dans un petit appartement loué à Zushi au bord de la mer, non loin de sa maison de Kamakura.

Sans doute serait-il plus juste d'écouter les propos tenus par l'écrivain lui-même, lors de l'attribution du prix Nobel de littérature en 1968: "Il est facile d'entrer dans le monde des bouddhas, il est difficile d'entrer dans le monde des démons [...] Tout artiste aspirant au vrai, au bien et au beau comme objet ultime de sa quête est fatalement hanté par le désir de forcer cet accès difficile du monde des démons, et cette pensée, apparente ou secrète, hésite entre la peur et la prière."

Quoi qu'il en soit, un fait demeure certain: Kawabata a démontré la possibilité de laisser parler la sensation pure, dans des oeuvres frémissantes de beauté. Cette beauté était-elle divine ou diabolique ? Le secret, emporté par l'écrivain dans sa tombe, ne sera plus divulgué.

Bunkichi Fujimori,

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Paris, vendredi 29 mars 2024