Orateur, Écrivain et homme politique français, Gabriel Honoré Riquetti, comte de Mirabeau, est né au Bignon (Loiret) le 9 mars 1749. Il est le cinquième enfant de Victor Riquetti de Mirabeau, économiste de renom issu d'une famille de la noblesse provençale, et de Marie-Geneviève de Vassan, née elle d'une longue lignée de financiers. Il est le frère ainé du vicomte de Mirabeau André Boniface Louis Riquetti de Mirabeau.
Laid de naissance, Mirabeau est de plus défiguré, à l'âge de trois ans, par une petite vérole mal soignée. Son visage en gardera toute sa vie de profondes cicatrices.
Il étudie à la faculté de droit d'Aix-en-Provence où il fréquente Jean-Étienne-Marie Portalis, futur avocat rédacteur du Code civil. À l'âge de dix-sept ans, il est nommé lieutenant de cavalerie à Saintes. La vie libertine qu'il mène est scandaleuse. Son père le fait alors enfermer par lettre de cachet à l'île de Ré, avant de l'envoyer avec la légion de Lorraine participer à la campagne de Corse. Il quitte le service militaire en 1770 avec le grade de capitaine.
Désireux peut-être de s'assagir, il épouse deux ans plus tard Emilie de Covet de Marignane, fille du marquis de Marignane. Mais cette union est loin de le satisfaire. Il s'endette et son père le fait de nouveau enfermer, cette fois à Manosque, en 1773, puis pendant une année au Château d'If, enfin en 1775 au fort de Joux près de Pontarlier.
Là il s'éprend de la jeune épouse du vieux marquis de Monnier, Sophie de Monnier, avec qui il s'enfuit en 1776. Jugé par contumace, Mirabeau est condamné à mort pour rapt et séduction tandis que Sophie est condamnée à la prison à vie pour crime d'adultère. Pendant sa fuite, il publie anonymement un Essai sur le despotisme (Londres, 1776) qui dénonce l'arbitraire du pouvoir royal. On finit par découvrir les deux amants à Amsterdam. Mirabeau échappe au bourreau mais il est enfermé en 1777 au Château de Vincennes, où il restera jusqu'en 1780. Il y rencontre D. A. F. de Sade et profite de son ascèse pour se cultiver et rédiger des traductions d'oeuvres latines, des pamphlets politiques et des romans libertins qui seront publiés plus tard (Le libertin de qualité, Hic et Hec, L'Éducation de Laure, Erotika Biblion). Il y écrit aussi ses célèbres Lettres à Sophie, ouvrage publié à titre posthume en 1792. Sophie quant à elle est enfermée de 1778 à 1783 au couvent de Sainte-Claire à Gien, après avoir mis au monde une fille prénommée Gabrielle Sophie qui mourra en 1780. Elle se suicide en 1789.
En 1782, Mirabeau parvient à obtenir l'absolution des juges pour son adultère, mais son épouse, défendue par Portalis, saisit la justice pour demander la séparation de corps et obtient gain de cause.
La famille de Mirabeau ne lui pardonne pas ses écarts et elle lui refuse tout subside, ce qui ne l'empêche pas de publier de nombreuses brochures politiques, dont le virulent pamphlet, écrit à Vincennes, intitulé Des Lettres de cachet et des prisons d'État (1782), ainsi que L'Espion dévalisé (1782). Cependant, réduit aux expédients, il gagne Londres en 1784.
Impatient et ambitieux, avide de réalisations, il échappe enfin à la vie obscure qu'il mène alors grâce à Charles-Alexandre de Calonne, contrôleur général des finances de Louis XVI, dont il obtient une mission secrète en Prusse. Il séjourne six mois à Berlin. Dans une correspondance chiffrée, il raconte à l'abbé de Périgord (le futur Talleyrand) les intrigues de la cour de Prusse. Elle sera publiée en 1786-1787 sous le titre Histoire secrète de la cour de Berlin et fera scandale. À son retour de Berlin en janvier 1787, furieux de ne pas obtenir de Calonne un poste officiel de diplomate, il publie un nouveau libelle, Dénonciation de l'agiotage (1787), qui lui vaut une lettre de cachet et le contraint à fuir à Liège, en Belgique.
Quand il revient en France, le mouvement révolutionnaire vient de commencer. Il y participe aussitôt. Parmi les premiers, il réclame avec insistance la convocation des États généraux mais une réputation douteuse le précède. On le croit prêt à toutes les besognes, et les représentants du tiers état se montrent réservés sinon méfiants. D'autre part, il a contre lui la Cour, les ministres, la noblesse et le clergé. Sa tâche s'annonce difficile. Isolé, Mirabeau est pourtant l'un des rares à posséder un plan et une méthode, sans compter ses dons exceptionnels d'orateur.
Il se présente en Provence aux élections des États généraux de 1789. Rejeté par la noblesse provençale, il publie un discours véhément à l'encontre de celle-ci et se représente. Il est élu le 6 avril 1789, cette fois par le Tiers état à la fois à Marseille et à Aix-en-Provence, pour laquelle il optera. Il ne tarde pas à devenir l'un des plus énergiques orateurs de l'Assemblée nationale et de la société des Jacobins. En mai 1789, il fonde Le Journal des États généraux, qui est presque aussitôt saisi. Mirabeau prononce un discours Sur la liberté de la presse. Il ne tient pas compte de l'interdiction et continue à publier le compte-rendu des séances des États généraux ainsi que des analyses des questions politiques, d'abord sous le titre de Lettres du comte Mirabeau à ses commettants jusqu'en juillet 1789, puis sous le titre de Courrier de Provence (1789-1791). Il participe à la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont il co-écrit le Préambule.
Mirabeau est foncièrement royaliste mais, s'il entend que les provinces se fondent dans l'unité royale, il ne veut pas pour autant que celle-ci soit absolue. Le principe de la souveraineté lui paraît résider dans le peuple. On connaît du reste son apostrophe au marquis de Dreux-Brézé le 23 juin 1789. C'est la parole d'un homme conscient de sa mission et des limites exactes de son droit. Aussi bien l'Assemblée reste en séance et décrète l'inviolabilité de ses membres.
Dans son discours du 15 juin, il a déjà imposé pour désigner les députés des communes la formule de "représentants du peuple français". Bien qu'il veuille la suppression des privilèges et l'égalité religieuse, il n'envisage la révolution que par la loi. Il déteste la violence, les mouvements de foule inorganisés, toute atteinte au mandat des législateurs. Cependant, ni l'action de ses discours ni l'autorité que lui confère sa popularité ne parviennent à le rendre maître de l'Assemblée.
Il essaye alors de participer au ministère, seul moyen de satisfaire son ambition, et d'arriver à imposer une monarchie constitutionnelle. Il s'engage dans un réseau d'intrigues qui ne cesseront jamais. Il se tourne successivement vers tous les personnages influents qu'il peut atteindre, s'alliant avec ceux qu'il combattait la veille contre ceux qui seront ses alliés de demain. Faute d'inspirer confiance, il n'aboutit avec aucun d'eux, et tente d'autres combinaisons qui échouent à leur tour, d'autant plus pressé qu'il est criblé de dettes. Il tente de faire admettre les ministres à l'Assemblée, ce qui revient à dire que les députés sont "ministrables". Nouvel échec, suivi bientôt d'un mémoire à Monsieur qui constitue sa première "note indirecte" à la Cour.
Mirabeau s'aigrit: tant de ruses, tant de tromperies, tant de jeux restent vains, au moment même où l'exaltation patriotique met en marche les forces profondes du pays et précipite la course des événements. Devant la gravité de ces derniers, la Cour semble se souvenir de Mirabeau, et La Marck est chargé de négocier avec lui. Les assurances données par le tribun sont jugées satisfaisantes, et il est convenu que ses dettes seront payées par la reine. En outre, Mirabeau reçoit six mille livres par mois. Mais le roi se méfie et confie à La Marck deux billets de deux cent cinquante mille livres chacun, à remettre à Mirabeau en fin de session s'il a bien tenu ses promesses. Mirabeau respectera ses engagements, mais en homme d'État, non en courtisan. N'a-t-il pas recommandé à ses amis de publier ses notes à la Cour ? "Ce sera ma meilleure défense", disait-il. Ces notes révèlent un technicien des choses de l'État, à qui n'échappent ni les questions d'actualité ni les problèmes d'ordre général. Mais la Cour ne parvient pas à comprendre Mirabeau, à la fois monarchiste et patriote. Il n'a pourtant pas attendu l'argent royal pour défendre le droit du souverain dans la question de la paix et de la guerre.
En mars 1790, il prononce au club des Jacobins un discours contre l'esclavage et la traite des Noirs. Dès 1788, il avait d'ailleurs co-fondé avec Nicolas de Condorcet, Brissot de Warville et Étienne Clavière, une "Société des amis des Noirs" qui avait pour but l'abolition de l'esclavage dans les colonies.
À la fin de 1790, la reine approuve une coalition entre Mirabeau et le comte de Montmorin. Mais Mirabeau est prématurément usé par son travail énorme, ses luttes, ses fatigues et ses débauches. Il s'alite le 27 mars 1791. Le 2 avril, souffrant de douleurs atroces, il demande de l'opium. Pour l'apaiser, on lui fait croire que sa boisson en contient. Il l'absorbe et meurt un instant après, à l'âge de 42 ans.
Son cercueil fut transporté au Panthéon, mais le 22 novembre 1792, au cours du procès de Louis XVI, la découverte de l'armoire de fer du roi et de la correspondance secrète de Mirabeau avec la Cour fit l'effet d'une bombe: on découvre qu'il était l'un des conseillers secrets de Louis XVI et de Marie-Antoinette, traitre et corrompu car il se faisait rémunérer en livres d'or par heure. Les Jacobins brisèrent le buste qui ornait leur salle, la Convention fit voiler son effigie, et son corps fut retiré du Panthéon.
C'est un curieux destin que celui de cet homme doté de qualités hors pair. Son immense culture, son intelligence rare du détail et de l'ensemble, ses talents d'orateur capable de déchaîner l'enthousiasme, son inlassable énergie à poursuivre son but, cette personnalité forte et adroite, ferme et habile, tout ce faisceau de dons naturels et de volonté n'en a pas moins abouti à faire de la vie de Mirabeau "la plus belle carrière manquée de l'histoire".
Dominique Renardet,
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Paris, lundi 14 octobre 2024