Mathématicien et Philosophe anglais, Bertrand Arthur William Russell est né à Ravenscroft (Monmouthshire (Grande-Bretagne), le 18 mai 1872. Son père, vicomte d'Amberley et neveu de lord Russell, était un homme de tradition libérale et d'esprit irréligieux, sa mère une militante du féminisme.
Bertrand Russell montra de bonne heure des dispositions pour les mathématiques, étudia la philosophie (subissant alors l'influence de Francis Herbert Bradley et de Hegel) et s'initia à Cambridge aux formes les plus hautes de la logique et de la théorie de la science. Sa dissertation pour l'examen d'agrégation au Trinity Collège de Cambridge (en 1895) est un Essai sur les fondements de la géométrie, publié en volume en 1897 (traduction française dès 1900). Il vient ensuite à Paris comme attaché d'ambassade et épouse une jeune Américaine, de famille quaker, avec laquelle il fait en 1896 son premier voyage aux États-Unis. Il s'établit à son retour en Angleterre dans le Sussex, résolu à se consacrer à la philosophie et aux mathématiques.
De l'itinéraire qui est dès lors le sien, l'Histoire de mes idées philosophiques permet à coup sûr de se faire une idée, tout en donnant une image fidèle des différents tournants qui en font partie. On ne dira cependant jamais assez l'importance, dans ce développement, des travaux qui le conduisirent à s'engager dans la voie d'une rénovation de la logique et d'une solution à la question des fondements des mathématiques. Les premières étapes, après Une exposition critique de la pensée de leibniz (1900), en furent les Principes des mathématiques (1903), imprégnés du réalisme de George Edwad Moore, et, en collaboration avec Alfred North Whitehead, les Principia mathematica, en 1910-1912.
Pour l'essentiel, le projet qui sous-tend toute l'entreprise consiste à fournir des mathématiques une interprétation strictement logique. Les exigences dont il prit alors conscience contribuèrent largement à le détourner de penseurs qui, comme Hegel, exercèrent sur lui une influence. Mais le programme des Principia mathematica eut également, à la fois sur Russell et sur l'histoire ultérieure de la philosophie, deux effets. Tout d'abord, l'exécution du programme comme tel rencontra des difficultés que la définition du nombre dans les termes de la logique des classes ne permettait pas, à première vue, de soupçonner. Ces difficultés furent à l'origine de la théorie des types et d'importants enrichissements qui ont engagé la logique dans des voies résolument nouvelles et fécondes. D'autre part, les travaux qui datent de cette époque doivent également être considérés comme ayant exercé un influence décisive sur la philosophie analytique et la possibilité de mobiliser les instruments de la logique dans l'analyse du langage et des problèmes de la philosophie. Le livre qu'il consacre à Leibniz en 1900 (La philosophie de Leibniz) en porte déjà témoignage.
Mais son influence trouve l'une de ses sources dans des contributions certainement moins imposantes que le programme des Principia mathematica. Le court article qu'il consacre en 1905 au problème de la dénotation (Sur la démonstration) en est le plus bel exemple. On y a vu, à juste titre, un texte décisif au regard de tout ce qui s'est fait, par la suite, au titre des "théories de la référence". La théorie des descriptions qu'il y propose, tout en étant présente dans les travaux consacrés aux mathématiques, s'ouvre sur une conception des objets physiques qui les rend constructibles à partir des données de l'expérience immédiate. Les conceptions qui sont alors celles de Russell s'articulent à la position qu'il définira sous le nom d'atomisme logique. De nombreux ouvrages jalonnent cet itinéraire à la fois vigoureux et contrasté: Les Problèmes de philosophie (1912), Théorie de la connaissance (1913, abandonné, ne sera republié à titre posthume qu'en 1983), La Méthode scientifique en philosophie (1914), Notre connaissance du monde extérieur (1914), L'Analyse de l'esprit (1920), Analyse de la matière (1927), Science et Religion (1935), Recherche sur la signification et la vérité (1940).
Une vie proprement surprenante et littéralement débordante d'énergie. On y voit notamment se détacher quelques-uns des personnages avec qui Bertrand Russell a eu des relations privilégiées, ou qui ont joué un rôle important dans ses choix intellectuels: Alfred North Whitehead, George Edward Moore, bien sûr, mais aussi l'un de ses élèves, Ludwig Wittgenstein, dont la place est d'autant plus significative qu'ils représentent tous deux, y compris dans leurs différences les plus profondes, l'une des composantes essentielles du devenir ultérieur de la philosophie dans les pays anglo-saxons.
Mais sa philosophie, l'importante contribution intellectuelle qui fut la sienne, ne représentent qu'une face de sa vie et de ses engagements. Parallèlement à ses travaux scientifiques, l'auteur des Principia mathematica s'est toujours investi dans des choix éthiques et politiques dont le Tribunal Russell constitue, à la fin de sa vie, une fidèle expression. C'est ainsi qu'en 1910 il milite aux côtés de sa femme pour l'obtention du vote des femmes et cherche même à se présenter au Parlement: toutefois le parti libéral le repousse, pour athéisme. Pacifiste en 1914, refusant les mythes de guerre de tous les belligérants, il lutte pour faire établir les droits des objecteurs de conscience. Cette activité politique anticonformiste lui coûte en 1916 la chaire dont il est titulaire à Cambridge et lui vaut, en 1918, six mois de prison. Il les emploie à écrire son Introduction à la philosophie mathématique (1919).
En 1920, il visite l'URSS, rencontre Lénine, mais il se déclare bientôt un adversaire du communisme dans Théorie et pratique du Bolchevisme. En 1921, il divorce et épouse Dora Winifred Black, qui fut sa collaboratrice pour Perspectives de la civilisation industrielle. Leurs enfants et les soucis d'éducation marquent l'époque suivante de sa pensée. Il décide d'ouvrir, sur des principes modernes, une école expérimentale à Beacon Hill. Mais l'école est un échec, surtout financier. De 1927 à 1932, il enseigne aux Etats-Unis. Pourquoi je ne suis pas chrétien (1927), et surtout Marriage and Morals (1929) font scandale. En 1936, Bertrand Russell, une seconde fois divorcé, épouse Helen Patricia Spence.
Revenu, en 1934, avec Liberté et Dirigisme de 1814-1914 à l'étude générale du monde actuel, il combat l'intégrisme, le dogmatisme, le fanatisme, le déterminisme économique, l'historicisme, le marxisme. En 1938, Power, a new social analysis est un examen de l'État. De 1938 à 1944, il enseigne dans plusieurs universités américaines. Mais ce séjour n'ira pas sans difficultés. Révoqué de son premier poste à New York pour "immoralité" sous la pression catholique, il ne peut rester ensuite que deux ans (sur cinq qui étaient convenus) à la fondation Barnes de Merion (Pennsylvanie). Des cours sur l'histoire de la philosophie qu'il professe il tirera sa grande Histoire de la philosophie occidentale (1946), où chaque philosophe est défini comme le produit de son milieu.
Déjà antifasciste, Bertrand Russell décide, en 1948, d'être anticommuniste. Il publie la même année La Connaissance humaine, obtient le prix Nobel de littérature en 1950, et continue ses recherches sur la philosophie de la connaissance avec Étendue et limites de la connaissance. Décidé à lutter contre la course aux armements nucléaires entre grandes puissances et très soucieux des peuples opprimés, il attache en 1963 son nom à une "Fondation Russell pour la paix". En 1966, il crée un "Tribunal Russell" contre les crimes de guerre qui jugera les Etats-Unis coupables de génocide au Vietnam. Plus récemment, le "Tribunal Russell sur la Palestine", fondé en 2009 par Ken Coates (président de la Fondation Bertrand Russell pour la Paix), condamnera lui l'occupation des territoires palestiniens par Israël.
Lutteur infatigable, Bertrand Russell a su allier jusqu'à la fin de sa vie la réflexion du logicien et l'action dans le siècle. Il a donné en 1967 une Autobiographie qui brosse un autoportrait intellectuel et moral très éclairant et permet tout particulièrement de situer ses oeuvres dans une vie riche en événements de toutes sortes. Il est mort à Pendhyndreuraeth, dans le nord du Pays de Galles (Grande-Bretagne), le 2 février 1970 à l'âge de 97 ans.
Jean Duval,
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Paris, mardi 15 octobre 2024