Écrivain français, Jean Giraudoux est né à Bellac (Haute-Vienne), le 29 octobre 1882.
Fils d'un percepteur, issu d'une famille d'origine paysanne, il entre en 1893 comme boursier au lycée de Châteauroux où il suit de bonnes études classiques.
Arrivé à Paris en 1900, il est élève de première supérieure au lycée Lakanal. Charles Andler, son professeur, lui donne le goût de la culture germanique qu'il approfondit pendant son séjour à l'École normale supérieure de 1903 à 1904 et pendant quelques mois passés en Allemagne en 1905 comme précepteur dans une famille princière. Lecteur à Harvard en 1906, il rentre un an plus tard à Paris et devient le secrétaire de Bunau-Varilla, directeur du Matin, où il donne des contes (Les Contes d'un matin) et tient la page littéraire. Il se lie d'amitié avec André François-Poncet, Pierre Benoit et Bernard Grasset, le jeune éditeur des Provinciales (1909).
Ayant passé en 1910 le concours des chancelleries, Jean Giraudoux entre alors dans la carrière diplomatique, mais il est mobilisé comme sergent dans l'armée en août 1914. Il combat en Alsace et en Champagne, est blessé dès les premiers mois de guerre, cité, décoré, blessé de nouveau aux Dardanelles ( v. Lectures pour une ombre et Adorable Clio).
Après la guerre, il est chargé de mission au Portugal, puis aux États-Unis. Il se marie en 1921 et, la même année, devient chef du service des œuvres françaises à l'étranger au Quai d'Orsay, puis en 1924 chef du service de presse.
Dès lors, en marge de sa carrière administrative, il va se consacrer à la création littéraire, d'abord exclusivement romanesque. Romanesque très différent, il est vrai, de celui qu'on attend d'habitude dans les romans: il ne tient guère aux caractères, aux personnages, qui sont presque des symboles, des ombres gracieuses, des reflets de l'âme de l'auteur, de ses choix, de ses refus, de ses rêves en face de la vie. Il ne tient pas plus à l'intrigue, volontairement négligée, parfois tout à fait absente comme dans Simon le Pathétique, ou juste ébauchée en passant dans Siegfried et le Limousin, ou reprise d'un thème éternel dans Bella, ou franchement présentée comme un jeu désinvolte, comme une aimable parodie littéraire: parodie de L'Odyssée dans Elpénor, de Robinson Crusoé dans Suzanne et le Pacifique. Pourtant c'est le style de Giraudoux qui d'abord surprend le plus et est vivement discuté: cette préciosité fait crier au gongorisme. On ne veut y voir qu'une recherche gratuite de la virtuosité, un jeu, alors qu'elle est l'instrument parfait de la volonté métaphysique de l'auteur de créer un monde à part, régi par les seules lois de l'art et de la fantaisie. Ainsi, Giraudoux romancier possède-t-il déjà les qualités essentielles du véritable homme de théâtre: le dédain de la réalité quotidienne, l'indifférence à la ressemblance, l'aspiration vers un monde magique, soustrait aux demi-mesures de la réalité et pourtant exemplaire.
Siegfried et le Limousin en 1922 est un roman mais cinq ans plus tard, Giraudoux en fait paraître les fragments d'une version dialoguée et il ne faut plus que la rencontre de Louis Jouvet, en 1928, pour l'introduire au théâtre, avec Siegfried, qui ouvre une série d'éclatants succès.
Entre-temps Jean Giraudoux parcourt le monde comme inspecteur des postes diplomatiques et consulaires avant d'être nommé, en 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, commissaire à l'Information. Réfugié à Cusset, près de Vichy, après la défaite de 1941, il rentre deux ans plus tard à Paris où il fait représenter en 1943 Sodome et Gomorrhe.
Deux œuvres posthumes, La Folle de Chaillot et Pour Lucrèce vont encore être révélées en 1945 et en 1953, ainsi que des recueils d'essais politiques: Sans pouvoirs (1945), complétant Pleins pouvoirs (1939) et La Française et la France (1951). Pas plus que dans ses romans, Giraudoux ne cherche sur la scène à briller par l'originalité des sujets: Siegfried n'est au fond qu'une adaptation, le thème d'Ondine est emprunté à Friedrich de La Motte-Fouqué, ceux d'Electre, de Judith, d'Amphytrion, de La guerre de Troie n'aura pas lieu appartiennent au patrimoine le plus traditionnel. Seules de ses pièces, Intermezzo et La Folle de Chaillot sont absolument originales. Giraudoux dédaigne tout autant les fameux «conflits psychologiques», la peinture sociale ou celle des caractères. Ses pièces sont au-delà des particularités individuelles, hors du temps. Il retrouve ainsi la vertu essentiellement mythique, religieuse, du théâtre. Sans doute nous touche-t-il moins par la sensibilité que par l'intelligence, mais son dessein est de nous arracher à l'accidentel, de nous «confronter solennellement» avec le destin humain.
Michel Mourre,
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