Romancier français, Raymond Guérin est né à Paris le 2 août 1905.
Il vit à Paris jusqu'en 1914, puis part faire ses études à Poitiers jusqu'en 1925. Il songe très tôt à une carrière littéraire, mais son père, qui gère la Taverne Daumesnil, 75 boulevard du Montparnasse, préfère voir son fils travailler dans la restauration. Il lui fait effectuer des stages dans plusieurs grands hôtels parisiens où il est tour à tour caviste, plongeur, garçon d'étage, serveur.
En 1927, il rejoint ses parents à Bordeaux où il fonde La Revue libre, qui comptera sept numéros. Son père, devenu agent général d'assurances, lui confie un poste d'agent d'assurances, profession qu'il exercera une vingtaine d'années, entrecoupées par ses années de captivité.
En 1930, il publie ses premiers essais: Petite Lettre sur la luxure ainsi que Lettre sur le bonheur. De 1932 à 1939, il voyage, surtout dans le bassin méditerranéen. Marié en 1928, il divorce en 1933. Zobain (1936), roman épistolaire classique, entre confidence et fiction, évoque cette douloureuse faillite amoureuse.
Mobilisé en 1940, Raymond Guérin est fait aussitôt prisonnier. Il reste en captivité jusqu'en 1944 en Allemagne, où il peut toutefois poursuivre son œuvre romanesque.
En 1941, il publie Quand vient la fin (1941), suivi de Après la fin (1946). C'est l'histoire sans complaisance, mêlant humour et cruauté, de la mort son père, assujetti aux exigences de ses maîtres avant de succomber d'un cancer à l'anus. Le fils se souvient et déroule toute une vie à la manière dont l'entomologiste Jean-Henri Fabre observait les insectes. Dès ce récit, Raymond Guérin définit sa recherche: procéder à l'"ébauche d'une mythologie de la réalité".
À la Libération, il reprend son activité d'agent d'assurances à Bordeaux, qui lui garantit des revenus réguliers, et continue son activité littéraire. Il renoue des relations épistolaires avec Jean Grenier, Jean Paulhan, Marcel Jouhandeau, Henry Miller, et Marcel Arland à qui il consacre un essai (Marcel Arland, 1946).
Tiré de ses dures années d'apprentissage dans l'hôtellerie, son roman le plus célèbre, L'Apprenti (1946), évoque à travers la conscience d'un narrateur désenchanté l'adolescence de M. Hermès, garçon d'hôtel onaniste.
Avec La Confession de Diogène (1947), on a affaire à un autoportrait dont le philosophe grec est le prétexte. C'est une mise à mal des illusions modernes, des honneurs à la morale. Une seule possibilité: se retirer du monde pour n'être que l'"humble serviteur de la condition humaine". Dans La main passe (1947), Patrick Beaurepaire déclare: "La créature n'est rien que par les viscères qui la mènent..."
En 1948, paraît La Peau dure. Parmi tant d'autres feux (1949) voit ressurgir M. Hermès, son double littéraire, à l'âge de vingt-trois ans. Dans ce roman d'apprentissage, Raymond Guérin transpose nombre d'expériences personnelles grâce auxquelles son antihéros, en marche vers la maturité, fait la découverte patiente de l'amour vrai et de la littérature. M. Hermès y affronte les Minotaures que sont la Société et le Monde, toute une faune mythologique dont les principales figures sont l'Amour, l'Argent, l'Art, les Autres.
Pour se défendre d'être trop hâtivement classé parmi les romanciers réalistes, voire naturalistes, Raymond Guérin se justifie dans quelques publications théoriques: Un romancier dit son mot (1948), Roman et réalité (1948), Fragment testamentaire (1950). Il prétend vouloir écrire en moraliste et peindre la réalité par le biais d'une conscience.
Du côté de chez Malaparte est publié en 1950. La même année paraît Empédocle (1950), où l'auteur fixe quelques-unes des raisons minimales d'espérer. Le philosophe grec a connu "les mêmes convulsions cosmiques et les mêmes extravagances sociales" que le XXe siècle. C'est lui qui, le premier, "osa, face aux folies de l'engagement, signifier sa révolte et inscrire son destin dans un refus qui ne fut pas moins tragique qu'exemplaire".
Le roman Les Poulpes, inspiré par ses années de captivité, retrace la vie larvaire des prisonniers de guerre. C'est le troisième volet de cette vaste fresque romanesque qui devait en comporter cinq, et que Guérin a placée sous le titre: "Ébauche d'une mythologie de la réalité". M. Hermès, devenu le Grand Dab, y dépeint la vie des camps: la faim, la promiscuité, la violence, la dégradation morale et l'abjection, et conclut que "tout ne serait désormais, toujours et partout, que cauchemar et fantasmagorie". Encore une fois Raymond Guérin élève son roman à la hauteur d'un mythe moderne. Ces hommes réunis dans un camp constituent une société. Ils portent des surnoms qui les caractérisent tout en les dépersonnalisant. Les Poulpes est le dernier livre de Raymond Guérin avant sa mort prématurée, c'est peut-être aussi le plus désespéré de tous ceux qu'il a écrits puisqu'il constitue le bilan d'une destinée placée sous le signe du cauchemar et qui illustre la fantasmagorie criminelle d'une société policière, soumise aux exigences de la faim, à la tyrannie des geôliers, aux sottises de la propagande. Pour Raymond Guérin, "Il s'agit avant tout d'un livre de dérision". Terme qui pourrait s'appliquer à l'ensemble de cette œuvre où semblent se refléter par avance quelques-unes des réalités les plus terribles du XXe siècle.
En 1952, il commence une dernière oeuvre de confession: La Tête vide mais, atteint de pleurésie, il est longuement soigné. Raymond Gérin meurt à Bordeaux le 12 septembre 1955. Le journal de la maladie qui l'emporta à l'âge de cinquante ans a été publié à titre posthume, en 1982, sous le titre Le Pus de la plaie.
Guy Le Clech,
Copyright © La République des Lettres, Paris, vendredi 13 décembre 2024
républiquedeslettres.fr/guerin.php
Catalogue • Nouveautés • Auteurs • Titres • Thèmes
Histoire de la République des lettres • Chez votre libraire
Recherche • Contact & Mentions légales
Droits réservés © La République des Lettres
Paris, vendredi 13 décembre 2024