Herbert Marcuse

Biographie
Herbert Marcuse
Herbert Marcuse

Philosophe américain d'origine allemande, Herbert Marcuse est né le 19 juillet 1898 à Berlin (Allemagne).

Fils d'un commerçant prospère d'origine juive, il suit ses études secondaires à Berlin et une fois démobilisé, entame des études de littérature à l'université de Fribourg. Il devient d'abord l'élève d'Edmund Husserl et de Martin Heidegger qui dirige à Fribourg-en-Brisgau sa thèse de doctorat: L'Ontologie de Hegel et le fondement d'une théorie de l'historicité, où il identifie dans la théorie de l'être hégélien une anticipation de l'historicisme de Martin Heidegger et tente de saisir les moments de différenciation dans le développement historique de l'être à la lumière du concept de vie.

À partir de 1921, il participe aux travaux de l'Institut pour la recherche sociale de Francfort où il rencontre Theodor Adorno, Max Horkheimer et Léo Lowenthal. Noyau fondateur de la future École de Francfort, cet institut de recherches sociales fut à l'origine de l'élaboration de la théorie critique, doctrine sociologique et philosophique qui s'appuyait à la fois sur la psychanalyse, la phénoménologie et le marxisme pour réfléchir aux conditions de production de la culture au sein d'une société dominée par la rationalité technologique et prête à sombrer dans la barbarie.

Fuyant le nazisme, Herbert Marcuse collabore en 1933 à Paris avec Max Horkheimer pour la rédaction définitive des Études sur l'autorité et la famille (1936). L'année suivante, il émigre à New York où il travaille à l'Institut pour la recherche sociale de la Columbia University, puis enseigne dans diverses universités américaines (Harvard, Boston,...) avant de devenir professeur à celle de San Diego, en Californie, jusqu'en 1965.

Contrairement à Horkheimer, ce n'est qu'après son exil qu'il commence à s'intéresser de près à Sigmund Freud. Sa pensée, outre l'influence initiale de Heidegger, est inspirée à la fois par le marxisme et par la psychanalyse. Comme ses amis, Marcuse critique le totalitarisme et les échecs du socialisme, mais n'admet pas pour autant les prétendus bienfaits d'une société libérale tournée vers la technologie et le profit et aliénante pour l'individu en quête de liberté. D'où l'idée de développer une pensée critique, fondée sur l'esprit rebelle, capable de réveiller les consciences.

Ses travaux sur Hegel s'orientent alors davantage vers une réflexion sociale et politique dont son livre publié en 1941: Raison et révolution, Hegel et la naissance de la théorie sociale (1941), qui retient surtout de la philosophie hégélienne le rôle du négatif.

Pour Marcuse, la négativité représente sur le plan théorique l'écart qui sépare le fait avéré, l'existant, des exigences de la rationalité. Cette puissance du négatif rapproche Friedrich Hegel et Karl Marx pour tracer une méthodologie de la connaissance historique. Sur cette question se greffe la contribution de la psychanalyse, considérée comme la connaissance des conditions de possibilité du bonheur. Marxisme et psychanalyse permettent l'identification de la raison et du bonheur par la mise au jour de l'exploitation et de la répression des instincts.

Pour comprendre sa position, il faut la resituer dans le cadre de la polémique lancée par Adorno en 1946 contre le néofreudisme et le culturalisme, c'est-à-dire contre la mouvance de ceux qui — de Karen Horney à Erich Fromm — révisent la doctrine freudienne dans le sens d'une réduction du ça au profit du moi, d'un abandon de la théorie des pulsions et d'un rejet de la sexualité. Par cette survalorisation du culturel, les révisionnistes ne font que reconduire, selon Adorno, le principe d'une adaptation sociale conforme aux idéaux de la société industrielle.

En 1955, dans Éros et civilisation: Contribution à Freud, Herbert Marcuse renouvelle l'interprétation marxiste des structures sociales répressives à la lumière d'une relecture de Freud. Il conteste le freudisme comme théorie de l'intégration psychologique individuelle dans la société, renversant la conception freudienne des pulsions. Il y découvre aussi toute l'importance de l'imagination et des forces d'utopie qui, à l'œuvre dans l'art, par exemple, semblent renfermer la promesse d'un accomplissement du principe du plaisir. Au lieu de voir dans la pulsion de mort le principal moteur de la destinée humaine, il soutient que Éros (ou principe de plaisir) est la seule force capable de lutter contre l'ordre établi (principe de réalité) et contre Thanatos, source de toutes les résignations et de tous les pessimismes. Il s'agit pour lui, exactement comme le fait Jacques Lacan à la même époque, mais par d'autres moyens, de redonner au freudisme ce statut de doctrine subversive qu'il a perdu à force de s'édulcorer au contact des psychothérapies hygiénistes et pragmatiques des sociétés industrielles normalisées. Marcuse prône ainsi une théorie de la libération qui le conduit à imaginer une société fondée sur le dépassement des conflits et la possible "pacification de l'existence". Cette utopie s'éloigne de la théorie critique d'Adorno et de Horkheimer qui reste attachée à la thèse freudienne de la pulsion de mort.

En 1958, avec Le Marxisme soviétique, une analyse critique, il confronte un marxisme devenu idéologie positive avec le système soviétique existant.

Mais le pessimisme de Marcuse s'affirme nettement dans L'Homme unidimensionnel (1964), une analyse de la société industrielle contemporaine qui écrase et réprime la spécificité de l'individu malgré une organisation sociale à première vue tolérante. L'espoir d'une libération réside selon lui dans les marginaux car les travailleurs, en particulier aux Etats-Unis, sont désormais intégrés au système. Dans ce livre prophétique qui décrit l'univers clos de la société industrielle, beaucoup plus freudien malgré les apparences qu'Éros et Civilisation, le philosophe, loin de prôner le dépassement des conflits, pourfend l'unification des consciences et de la pensée. Soulignant que l'homme "unidimensionnel" de la société industrielle a perdu toute sa puissance de négation à force de se soumettre aux impératifs d'une fausse conscience, il appelle les masses à renouer avec l'éthique du grand refus et à se révolter contre l'ordre social dominant au nom d'une nouvelle esthétique de l'existence.

Ces thèses remportent un succès mondial auprès des jeunes au moment des grandes révoltes étudiantes des années soixante et font de Marcuse un des inspirateurs et sous certains aspects le théoricien des mouvements de contestation de la nouvelle gauche aux États-Unis puis en Europe. Ses derniers livres s'intéressent plus précisément aux nouvelles forces de subversion, accordant de plus en plus à une dimension esthétique de l'existence le potentiel utopique d'une vie renouvelée. Vers la libération (1969), Contre-révolution et révolte (1972) et La Dimension esthétique (1977), en constituent les dernières tentatives de questionnement, à la fois inquiètes et confiantes.

Herbert Marcuse est mort le 29 juillet 1979 à Starnberg (Allemagne), à l'âge de 81 ans.

Julien Poincarré,

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Paris, vendredi 29 mars 2024