Écrivain belge, Jean Ray — principal pseudonyme de Raymond Jean Marie de Kremer — est né le 8 juillet 1887 à Gand (Belgique) où il suit ses études.
John Flanders, Edwin G. Price, Temple, Reeves Mc Carson, Lizzie Hattle, King Ray, John M. Ray sont quelques-uns (on en a dénombré plus d'une centaine) des masques de ce maître de l'aventure et de la littérature fantastique qui écrit aussi bien en français qu'en flamand, sa langue maternelle.
Mêlant réalité et fiction jusque dans sa propre biographie, il a tiré d'une jeunesse aventureuse, qu'il a imaginée partagée entre le trafic de spiritueux au moment de la prohibition aux Etats-Unis et les voyages au long cours, la matière de ses premiers récits publiés dans le recueil intitulé Les Contes du Whisky (1925). Il y affirme d'emblée sa manière: de brèves nouvelles aux dialogues ramassés se déroulant dans des atmosphères du Nord entre eaux et brouillards du fantastique à l'état brut (esprits du mal, fantômes, métamorphoses, phénomènes paranormaux); un sens aigu de la vengeance et du châtiment (voir Le Psautier de Mayence, 1931).
En 1927, il est condamné pour "abus de confiance" à deux ans de prison. À partir de 1929, il collabore plus ou moins anonymement à divers journaux et revues. En 1932 paraît son deuxième recueil, La Croisière des Ombres, qui ne connaît aucun succès.
Appelé à traduire en français les aventures de Harry Dickson, le "Sherlock Holmes américain", il compose bientôt lui-même les épisodes, s'inspirant des dessins de couverture des recueils originaux qui lui sont seul imposés: 103 fascicules, sur les 178 de la collection, paraissent ainsi de 1933 à 1940, dans lesquels il met son imagination débridée au service d'enquêtes empreintes de dérision, du sens de l'absurde et du surnaturel.
C'est aussi pendant cette période que Jean Ray publie, sous le pseudonyme de John Flanders, et généralement en néerlandais, plusieurs centaines d'histoires et de nouvelles destinées en grande partie à la jeunesse — en français dans La Revue belge (1929-1930), en néerlandais dans la revue Bravo (dont il est secrétaire de rédaction de 1936 à 1940) et dans Tintin, de 1948 à 1955. Elles seront en partie réunies après sa mort.
Pendant la guerre, il fait partie d'un groupe d'écrivains qui s'associent pour pouvoir publier, "Les auteurs associés". Paraissent successivement des recueils de contes fantastiques (Le Grand Nocturne, 1942; Les Cercles de l'épouvante, 1943; La Cité de l'indicible peur, 1943; Les Derniers Contes de Canterbury, 1944) et un roman, qui reste son chef-d'oeuvre: Malpertuis (1943).
Charles Dickens, William Hope Hodgson, Edgar Poe, et plus largement le roman gothique anglais du XVIIIe siècle, ont beaucoup influencé l'oeuvre de Jean Ray. Son univers fantastique se fonde sur une réalité donnée, puisée dans l'histoire ou dans la littérature: il n'est pas suggéré, il est imposé par le romancier comme monde parallèle, prêt à tout moment à s'ouvrir au réel quotidien; la peur naît ainsi du passage entre des espaces contigus et perméables, ouvrant aux "mondes intercalaires". Dans Malpertuis, un espace démesuré, étagé sur plusieurs niveaux, et supporté au plan de la narration par une série de mises en abyme, constitue le décor du roman, qui décrit la fin pitoyable et cruelle des derniers dieux de l'Olympe, enfermés dans une inquiétante maison par un savant fou, transformés en petits bourgeois mesquins réglant leurs querelles de ménage. La dimension métaphysique est mise au centre de Saint-Judas-de-la-nuit (1964), du nom d'un théologien à la recherche d'un grimoire maudit: là encore l'auteur fragmente le récit, recourant à plusieurs niveaux narratifs.
Son goût pour la mystification, l'exploitation des clichés et recettes du genre, ont établi dans ses récits une distanciation favorisant les clins d'oeil ou l'humour, comme en témoignent Le Livre des fantômes (1947), Les Contes noirs du golf (1964, publiés initialement dans une revue destinée aux amateurs de golf) ou Le Carrousel des maléfices (1964).
Vers la fin de sa vie, son oeuvre connaîtra un certain succès auprès des amateurs de mystère et de littérature fantastique, dont il reste, avec Edgar Poe et H. P. Lovecraft, un des maîtres incontestés.
Jean Ray est mort à Gand le 17 septembre 1964, à l'âge de 77 ans.
Olivier Bivort,
républiquedeslettres.fr/ray.php
Catalogue • Nouveautés • Auteurs • Titres • Thèmes
Histoire de la République des lettres • Chez votre libraire
Recherche • Contact & Mentions légales
Droits réservés © La République des Lettres
Paris, mardi 15 octobre 2024