Victor Serge

Biographie
Victor Serge
Victor Serge

Révolutionnaire, essayiste, historien et romancier de langue française, Victor Serge—pseudonyme de Victor Napoléon Kibaltchitch—est né le 30 décembre 1890 à Bruxelles (Belgique).

D'origine russo-polonaise, il connaît une jeunesse miséreuse et cosmopolite qui le pousse à la révolte. Apprenti photographe à quinze ans, il fréquente les milieux anarchistes bruxellois, où son père, révolutionnaire russe, s'est réfugié.

Il s'installe à Paris en 1909, donne ses premières traductions chez Grasset et collabore à de nombreuses publications libertaires. En 1913, lorsque débute le procès de la "bande à Bonnot", il est accusé, sans preuve et contre toute logique, d'être l'inspirateur de ces "bandits anarchistes" en tant que directeur du journal L'Anarchie. Il est condamné à cinq ans de réclusion et incarcéré à la prison de la Santé, puis à Melun (voir son récit: Les Hommes dans la prison).

Libéré en janvier 1917 mais interdit de séjour à Paris, il gagne Barcelone. Là, il collabore, sous le pseudonyme de Victor Serge, au mouvement "Tierra y libertad" et participe à une insurrection anarchiste. En juillet, enthousiasmé par la Révolution bolchevique en cours, il tente de gagner la Russie en passant clandestinement par la France mais il est arrêté et de nouveau incarcéré pour deux ans.

En janvier 1919, dans le cadre d'un échange franco-russe de prisonniers, il rejoint enfin l'URSS. Au cours de ce transfert, il rencontre Liouba Roussakova qui deviendra sa compagne (voir son récit: Naissance de notre force). Naturalisé citoyen soviétique, Victor Serge va passer dix-sept ans en Russie. Membre du parti bolchévique et de l'exécutif de la IIIe Internationale, il côtoie Vladimir Ilitch Lénine et Léon Trotski. Secrétaire de Grigori Zinoviev, il anime les Éditions de l'Internationale avant de devenir fonctionnaire du Commissariat aux affaires étrangères, puis de l'instruction publique. Il remplit plusieurs missions en Allemagne et en Autriche et vit de près l'échec de la Révolution allemande. Au cours des années '20, il fournit à plusieurs périodiques français (La Vie ouvrière, Le Bulletin communiste, Clarté, L'Humanité,...) des chroniques remarquablement informées sur la vie littéraire et culturelle en Russie. Il développe à cette époque ses premières réflexions sur les conditions d'existence d'une littérature révolutionnaire, reprises plus tard dans Littérature et révolution (1932). La ferveur qui l'anime pour la révolution russe n'est cepandant pas aveugle, comme le montrent ses remarquables témoignages: La ville en danger, Petrograd l'an II de la révolution (1924) et L'An I de la Révolution russe (1928).

Après la mort de Lénine (1924), Victor Serge ne cache plus ses inquiétudes devant la politique choisie par le parti communiste. Dès 1925, il est membre de l'opposition regroupée autour de Trotski contre Joseph Staline. Ceci lui vaut des persécutions incessantes. Exclu du parti communiste en 1928, il est arrêté une première fois. Il perd alors son travail et sa vie matérielle devient extrêmement difficile. Sa femme, Liouba, souffre alors de profonds troubles psychiques. Au cours de cette période, il se tourne vers la littérature et écrit en français, entre 1929 et 1931, trois romans qui relatent en partie son expérience personnelle: Les Hommes dans la prison, Naissance de notre force, Ville conquise, ainsi qu'une une nouvelle, Mer blanche. En mars 1933, après avoir vainement demandé d'émigrer, il est condamné à trois ans de déportation dans l'Oural. Cette sinistre expérience lui inspirera l'une des toutes premières et des plus frappantes critiques du Goulag. Libéré à la suite d'une campagne menée par le "Comité pour le rapatriement de Victor Serge", qui regroupe des intellectuels occidentaux de renom (dont notamment Magdeleine Marx, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Georges Pioch, Romain Rolland, Léon Werth, Marcel Martinet, Henry Poulaille,...), il peut quitter l'URSS en avril 1936.

Il s'installe avec sa famille à Bruxelles, puis à Paris où il reprend le combat et condamne les "procès de Moscou" (Seize fusillés, 1936). Il collabore à diverses revues belges et françaises (La Flèche, La Révolution prolétarienne, La Wallonie). L'extrême précarité de sa situation matérielle le contraint à exercer le métier de correcteur d'imprimerie. Toujours en butte à l'ostracisme des communistes orthodoxes, il ne cesse d'écrire et de lutter conjointement contre le fascisme et le stalinisme.

Ses relations avec Trotski et les militants pour la création d'une IVe Internationale deviennent vite tendues et conflictuelles. À travers des essais (Destin d'une Révolution, 1937; De Lénine à Staline, 1937; Portrait de Staline, 1939), des romans (S'il est minuit dans le siècle, 1939), un recueil de poèmes (Résistance, 1938), il poursuit son combat pour une révolution libertaire. Admirateur, ami et traducteur de Trotsky, il n'hésitera pas à rompre ouvertement avec lui en décembre 1938 pour maintenir les exigences éthiques qui, selon lui, fondent l'idéal révolutionnaire.

Fuyant l'invasion nazie, Victor Serge quitte Paris avec son fils pendant la débâcle, le 10 juin 1940. Après avoir trouvé refuge dans la banlieue marseillaise, ils s'embarquent pour l'Amérique en mars 1941. Il n'obtient pas de visa pour les Etats-Unis mais peut s'installer au Mexique.

Pendant toute la Seconde Guerre mondiale, il collabore depuis Mexico à de nombreuses revues latino-américaines ou américaines et écrit de nouveaux romans en français qui seront publiés après guerre: Les Années sans pardon (1946, Les Derniers Temps (publié au Canada en 1946), et surtout L'Affaire Toulaév (1948), sans doute son plus beau roman. Remarquablement construit, ce livre démonte la terrifiante logique des grands procès staliniens. Autour du grand chef, centre d'une gigantesque toile d'araignée, il brosse, dans Moscou balayé par la tourmente hivernale, le portrait de tous ceux qui, courageux ou lâches, dignes ou veules, seront broyés par l'enquête autour de l'assassinat d'un dignitaire du parti. Après sa mort, paraîtront également les célèbres Mémoires d'un révolutionnaire (1951), couvrant les années 1901 à 1941, témoignage d'une vie d'espoirs constamment déçus et d'une exigence jamais abandonnée: celle d'un monde plus humain.

L'œuvre de Victor Serge peut être lue comme un document historique de première grandeur. On peut surtout y voir, dans le cauchemar de notre récente histoire, la marque d'une inflexible et lucide exigence morale et intellectuelle. Toujours dans le camp des vaincus, des "humiliés et offensés", Victor Serge offre l'une des plus nobles figures de ce qu'après sa mort on appellera un "intellectuel de gauche".

Victor Serge est mort à Mexico le 17 novembre 1947, à l'âge de 56 ans.

Alain Quesnel,

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Paris, jeudi 28 mars 2024