Blaise Cendrars — pseudonyme de Frédéric Louis Sauser — est né à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, le 1er septembre 1887.
Il vit une enfance rebelle au sein d'une famille désunie, qui voyage beaucoup et l'emmène à Naples, puis à Bâle, avant de s'installer à Neuchâtel.
Après des études de commerce, il est envoyé en apprentissage en Russie, où il fait imprimer, en 1907, à quatorze exemplaires, son premier livre, La Légende de Novgorod (qui ne sera retrouvé et réédité qu'en 1996). À son retour, il commence des études de médecine, puis de lettres, qu'il ne terminera pas.
Blaise Cendrars monte à Paris et rejoint Féla, sa compagne, en Amérique. C'est là, en 1912, qu'il compose son premier grand poème, Les Pâques à New York, quatorze strophes qui peuvent être lues comme les quatorze haltes de la Passion d'un Christ profane. Ce texte, qui renouvelle le langage poétique, est signé de son pseudonyme, Blaise Cendrars, emblême du feu où la cendre se mêle à la braise.
De retour à Paris, celui que l'on a présenté comme "le Matisse de l'écriture" rencontre Guillaume Apollinaire et se lie avec Amedeo Modigliani, Marc Chagall, Fernand Léger, Pablo Picasso et bien d'autres. Au début de 1913, il entreprend, avec Sonia Delaunay, la réalisation de La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, épopée du chemin de fer et du monde moderne. Ce livre se présentait comme une affiche de deux mètres de haut et trente-six centimètres de large, 445 vers imprimés en caractères typographiques et encres différents, donnant à lire en même temps les images de Sonia Delaunay et le texte du poète.
Lorsque la guerre de 1914 éclate, Blaise Cendrars s'engage comme volontaire. Il est blessé et perd son bras droit en 1915. L'expérience du combat et de la mort réapparaîtra constamment dans son oeuvre future, mais au début l'horreur de la guerre le réduit au silence. D'origine Suisse, il est naturalisé Français.
De retour à Paris, il boit beaucoup et mène une vie violente et suicidaire. En 1917 (17 deviendra son chiffre mythique), il vit une double illumination, liée d'une part à la blessure et au passage de l'écriture à la main gauche, d'autre part à la rencontre avec Raymone Duchâteau, jeune comédienne avec laquelle il entretiendra des rapports aussi profonds que platoniques, et qu'il finira par épouser en 1946.
Après cette double expérience, renouvellement de l'écriture et rencontre fulgurante de l'amour qui tisseront plus où moins secrètement la trame de ses oeuvres essentielles, il écrit, sur commande du couturier et mécène Jacques Doucet, L'Eubage (1917), voyage interstellaire en prose poétique, puis, l'année suivante, Le Panama ou les aventures de mes sept oncles et, en 1919, publie les Poèmes élastiques, écrits pour l'essentiel avant la guerre.
Blaise Cendrars cherche une voie nouvelle et croit d'abord la trouver dans le cinéma. Il collabore avec Abel Gance, rencontre Jean Epstein, puis part pour Rome tourner un film, mais son entreprise se soldera par un échec. Il conservera toutefois de son expérience un grand pouvoir d'évocation visuelle.
Avec son époque, il s'intéresse aux civilisations orales négro-africaines et publie des recueils de contes: Anthologie nègre (1921), Petits contes nègres pour les enfants blancs (1928), Comment les blancs sont d'anciens noirs (1930).
En 1924, Blaise Cendrars part pour le Brésil, qui restera un pôle d'attraction et un réservoir de thèmes et d'images jusqu'à sa mort. À son retour la même année, il rédige en quelques semaines L'Or (1925), épopée californienne de la recherche du métal précieux et histoire "merveilleuse" du général Johann August Suter devenu richissime puis ruiné par la découverte dans sa terre des premières pépites. Ce récit, syncopé comme du jazz, fiévreux comme la grande Amérique, reste son ouvrage le plus célèbre.
De la hantise de la folie et de la rencontre avec un singulier personnage sorti de prison, naîtra Moravagine (1926), double négatif de L'Idiot de Dostoïevski, roman iconoclaste et délirant, aussi complexe et exubérant que L'Or était linéaire et simple. Paraissent, en 1927, Le Plan de l'Aiguille et, en 1929, Les Confessions de Dan Yack, romans de l'attraction vertigineuse du néant et de la sublimation de l'amour, où Cendrars rompt avec la structure linéaire et annonce ce qui sera la construction de la tétralogie.
Pour des raisons d'ordre économique, Blaise Cendrars se consacre ensuite au reportage et à la publication de nouvelles: Rhum (1930), Histoires vraies (1937), La Vie dangereuse (1938), D'oultremer à indigo (1940). La Seconde Guerre mondiale éclate et il se porte à nouveau volontaire, non pour combattre mais pour témoigner et raconter en qualité de correspondant de guerre. Après l'armistice, il se réfugie à Aix-en-Provence et n'écrit plus jusqu'en 1943.
Il reprend la plume en composant, entre 1943 et 1949, les quatre grands volets de ce que l'on peut considérer comme une tétralogie semi-autobiographique: L'Homme foudroyé (1945), qui a pour thèmes le double foudroiement de l'écriture et de la guerre, la blessure, l'expérience de 1917 et les figures de gitans. Le texte est écrit dans un style déroutant qui brise la structure traditionnelle du récit, reconstruit comme une "rhapsodie". La Main coupée (1946), dénonciation de l'ignominie de la guerre, en est aussi le bouleversant récit.
Bourlinguer (1948) offre le parcours sinueux de onze ports. Le plus significatif, Gênes, racontre l'expérience mytho-biographique de l'enfance et de la jeunesse. Cette invitation au voyage fait "bourlinguer" le lecteur parmi les lieux, les livres et les souvenirs. Le Lotissement du ciel (1949), livre d'oiseaux, d'aviateurs et de saints, tresse les différents fils d'une incessante quête spirituelle, achevée sur l'image d'un trou noir sans transcendance, la nuit, le silence et la solitude, illustrant l'oscillation perpétuelle entre l'infini du Verbe et la décomposition universelle.
L'écrivain a le sentiment d'avoir donné le meilleur de lui-même avec ces quatre ouvrages où l'imaginaire se mêle au réel, mais il continue à caresser le vieux désir d'une littérature de l'oralité. Après La Banlieue de Paris (1949), né de la collaboration avec le photographe Robert Doisneau, il publie Film sans images (1959), qui réunit trois pièces radiophoniques. Son dernier récit, Emmène-moi au bout du monde (1956), est l'histoire caricaturale du théâtre parisien, de la Légion étrangère et de l'amour.
Frappé de plusieurs attaques successives, Blaise Cendrars meurt le 21 janvier 1961 à Paris.
Conteur extraordinaire, auteur d'une oeuvre foisonnante et complexe, Blaise Cendrars n'a eu peut-être qu'un seul projet: embrasser l'univers, le démonter, le remonter et en dresser l'inventaire. Cette volonté cosmique explique l'impression de "désordre" et d'incessant mouvement, qui sont en réalité le fruit d'un travail lucide et exigeant aboutissant à une oeuvre qui n'est qu'apparemment éclatée en mille itinéraires: ils conduisent tous, selon le titre sous lequel il a recueilli ses poèmes, Au coeur du monde.
Anne-Marie Jaton,
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