Romancier américain, Nathaniel Hawthorne est né le 4 juillet 1804 à Salem (Massachusetts, Etats-Unis).
Comme il le rappelle dans La Douane, le texte semi-autobiographique qui sert d'introduction à La Lettre écarlate, Hawthorne eut une enfance doublement marquée par l'ombre du passé: d'une part Salem, port naguère prospère, était alors en plein déclin; d'autre part, la situation de sa famille (sa mère, veuve dès 1808, devait compter sur l'aide familiale pour élever ses trois enfants) contrastait avec la gloire d'ailleurs suspecte de ses premiers ancêtres américains, juges célèbres en leur temps pour leur sévérité (ils avaient participé respectivement à la persécution des Quakers et des "sorcières de Salem"). D'où une relation indissoluble, mais complexe et souvent trouble avec l'histoire puritaine.
Après quatre ans d'études supérieures à Bowdoin College (Maine), le jeune homme préféra les incertitudes de la vocation littéraire au choix d'une profession. Il passa donc douze ans de relative solitude dans la maison maternelle (1825-37), à lire et à écrire. En 1828, il publia anonymement un roman, Fanshawe, dont il fut si peu satisfait qu'il tenta de détruire les quelques exemplaires existants. Il écrivit également des Contes, qui parurent souvent dans divers journaux et revues, avant d'être réunis en 1837 et publiés sous le titre Contes deux fois contés. Malgré l'accueil généralement favorable de la critique — en particulier de Henry Longfellow, qui avait été son camarade d'études à Bowdoin —, le livre n'eut qu'un succès modeste, et la deuxième édition, amplifiée, eut encore moins de lecteurs, en dépit d'un compte rendu élogieux d'Edgar Poe.
Clairement, Hawthorne ne pouvait espérer vivre de sa plume. Heureusement, il obtint, grâce à un soutien politique, un emploi à la douane de Boston (1839-40), puis à celle de Salem (1846-49). Entre-temps, il passa quelques mois dans la communauté utopique de Brook Farm (1840), expérience qui devait lui inspirer un roman, Valjoie, puis trois ans ( 1842-45), avec la jeune femme qu'il venait d'épouser, dans l'ancien presbytère de Concord, à proximité de Ralph Waldo Emerson et de Henry David Thoreau: d'où le titre de son second volume de contes, Mousses d'un vieux presbytère (1846).
En 1849, les fluctuations de la vie politique lui coûtèrent son emploi à la douane de Salem. Six mois plus tard, sa mère mourait. Ce double choc provoqua un regain d'énergie créatrice qui lui permit d'écrire trois romans et un recueil de contes en trois ans. De cette production multiple, la postérité n'a retenu — outre quelques contes — que La Lettre écarlate (1850), son chef-d'œuvre incontesté. Les deux romans suivants, La Maison aux sept pignons (1851), et Valjoie sont des œuvres intéressantes, mais inégales, de même que La Petite Fille de neige, et autres contes deux fois contés (1852). Ces années virent également la rencontre fortuite de Hawthorne et de Herman Melville, qui venait d'écrire anonymement un compte rendu très élogieux des Mousses.
En 1852, Nathaniel Hawthorne écrivit une biographie de son ancien camarade d'études, Franklin Pierce, candidat à la présidence des Etats-Unis. Une fois élu, ce dernier le remercia en lui procurant un poste de consul à Liverpool, ce qui lui permit de passer quatre ans en Angleterre (1853-57), suivis d'un séjour à Rome et Florence (1857-59). De ces six années, l'écrivain ne devait rapporter qu'un roman, Le Faune de marbre (1860), et un livre d'essais sur l'Angleterre, Notre vieille patrie (1863). Il faut ajouter à cela quatre manuscrits inachevés qui révèlent l'épuisement de ses facultés créatrices. Après son retour en Nouvelle-Angleterre (1859), il sombra dans la maladie et la dépression.
Lorsqu'on compare la carrière de Hawthorne à celle de Henry James ou de Ernest Hemingway, on voit d'emblée ce qui distingue son œuvre de la leur: l'exil, pourtant volontaire, n'a entraîné chez lui ni découverte d'une autre culture, ni redécouverte de sa culture d'origine. Tout se passe comme si le romancier, en s'éloignant de ses racines, s'était condamné à la stérilité. Pourtant — et nous touchons peut-être ici du doigt le drame intime de cet écrivain — sa relation à sa propre culture rendait cet éloignement inévitable: son domaine réservé était en effet un univers crépusculaire, où l'ombre du passé menaçait sans cesse le présent, où la filiation était porteuse de souffrance, bref, un univers marqué par une sorte de malédiction. Ce n'est sans doute pas un hasard si les quatre récits inachevés qu'il laissa à sa mort avaient trait à l'héritage.
L'introduction à La Lettre écarlate commence par un dialogue imaginaire des deux ancêtres fondateurs de la lignée Hathorne (le w fut ajouté par Nathaniel, pour qui il constitua l'embryon d'un nom de plume). Ils sont indignés de voir leur descendant s'engager dans la voie de la fiction: "Il aurait aussi bien pu être violoneux !" s'écrie l'un d'eux. Or l'œuvre, que ce dialogue introduit, a précisément pour but, comme le confirme la suite du texte, de "lever la malédiction" née de la faute ancestrale. On ne saurait mieux dire que l'imaginaire hawthornien se nourrit de ce qui le tue.
De ces deux fautes — celle de l'ancêtre maître de la Loi, et celle de l'écrivain coupable d'activités ludiques —, laquelle vient la première ? La promesse solennelle du romancier, s'engageant à laver la famille, la cité, la province, la nation de la souillure originelle ressemble fort à une riposte de celui qui se sait toisé — comme Hester et Pearl dans l'antichambre du gouverneur — par le regard réprobateur des ancêtres. C'est en fait la fiction qui est d'emblée en position d'accusée; d'ailleurs, chacune des préfaces est prétexte à l'autodénigrement.
L'un des écrivains dont la dette envers Hawthorne était pourtant la plus lourde, Henry James, a souligné la pâleur et l'évanescence de son univers. Hawthorne lui-mème lui avait en quelque sorte montré la voie, lorsqu'il regrettait, à la fin de La Douane, d'avoir créé dans La Lettre écarlate une "bulle de savon" condamnée à se briser au premier contact avec la réalité. La critique américaine lui a souvent attribué la paternité de ce genre romanesque autochtone, la romance; mais sa propre définition est beaucoup moins ambitieuse: il évoque dans La Douane "un territoire neutre, quelque part entre le monde réel et le monde féerique, où le réel et l'imaginaire peuvent se rencontrer". Seuls des antagonistes ont besoin d'un terrain neutre pour entrer en contact: preuve que chez Hawthorne, la création littéraire est encore une activité illicite.
Nathaniel Hawthorne est mort à Plymouth (New Hampshire, Etats-Unis) le 10 avril 1864, à l'âge de 59 ans.
Yves Carlet,
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