Écrivain et philosophe américain, Henry David Thoreau est né à Concord (Massachussets, Etat-Unis) le 12 juillet 1817. Longtemps considéré comme un naturaliste, comme un apôtre de la désobéissance civile, ou tout simplement comme un excentrique, il est aujourd'hui compté parmi les plus grands auteurs américains du XIXe siècle.
Fils d'un modeste fabricant de crayons, Henri David Thoreau suit des études classiques à Harvard (1833-1837), puis revient à Concord, paisible bourgade dont Ralph Waldo Emerson allait faire un centre culturel important. Il devient très vite l'ami et le disciple du philosophe qui l'incite, par exemple, à tenir un journal, et qui encourage sa vocation littéraire.
C'est ainsi qu'il peut publier ses premiers essais dans l'organe du Transcendantalisme, le Dial, de 1840 à 1844. Peu enclin à s'engager dans une profession, Henri David Thoreau se contente, après avoir mené pendant trois ans (1838-1841) une expérience pédagogique originale dans une école qu'il avait créée avec son frère, d'être le factotum d'Emerson de 1841 à 1843, puis de se partager entre l'atelier de son père et une activité épisodique d'arpenteur-géomètre, tout en passant des journées entières à observer la nature. Ce choix, peu conforme à l'éthique protestante du travail, ne lui fait pas gagner l'estime de ses voisins, d'autant plus qu'il met malencontreusement le feu à un bois en 1844.
Le 4 juillet 1845 — date symbolique — Henry David Thoreau s'installe au bord du petit lac de Walden, non loin de Concord. Il y passe deux ans, dans une cabane qu'il a construite lui-même, se consacrant aux promenades, à l'observation, à la lecture et à l'écriture. Deux livres naissent de cette retraite.
Le premier, Une semaine sur les rivières Concord et Merrimack, écrit à Walden et publié à compte d'auteur en 1849, est un échec cuisant. C'est le récit d'un voyage en barque fait avec son frère John, mort tragiquement depuis, sur lequel se greffent diverses réflexions sur l'amitié, la religion, le conflit de la nature (incarnée par l'Indien) et de la technologie.
Le second ouvrage, Walden, où la vie dans les bois, son chef-d'oeuvre, est commencé avant 1847 et publié, après de nombreuses révisions, en 1854.
De retour à Concord, Thoreau s'installe dans la maison de ses parents, où il restera et ne cessera d'écrire jusqu'à sa mort.
Cet anticonformiste notoire avait pour stratégie de cultiver l'image de marginal qu'il s'était faite. Ainsi, pendant et après son séjour à Walden, il fait presque annuellement à Concord et dans la région des conférences dont les textes sont ensuite repris, développés et transformés soit en chapitres (par exemple le premier chapitre de Walden, "L'Économie"), soit en essais. C'est le cas de la conférence sur la désobéissance civile, qu'il a rédigée après une nuit passée en prison pour avoir refusé symboliquement de payer ses impôts. Elle est publiée en 1849 sous le titre La Résistance au gouvernement civil, puis rebaptisée ultérieurement La Désobéissance civile (v. Essais politiques). Dans ces textes, le "Diogène américain", comme l'appela un critique lors de la publication de Walden, attaque avec un réel talent de pamphlétaire et de satiriste les travers de la société américaine.
Mais le polémiste se double d'un naturaliste. Ses promenades quotidiennes dans les bois de Concord nourrissent son Journal, où il consigne ses observations sur la flore, la faune, le cycle des saisons, tantôt en poète, voire en mystique, tantôt avec la précision d'un entomologiste ou d'un ornithologue. Ces notes sont alors remaniées et intégrées à des conférences ou essais, commes ceux réunis à titre posthume sous le titre d'Excursions.
Enfin, Thoreau fait plusieurs escapades dans des parties plus sauvages de la Nouvelle-Angleterre, et tire de ces voyages des récits inégaux, mais qui contiennent certaines de ses plus belles pages: Les Bois du Maine (1864), Le Cap Cod (1864).
Lorsqu'il meurt de tuberculose à quarante-quatre ans, le 6 mai 1862, Henri David Thoreau laisse une oeuvre à son image, multiple et inclassable, dont la modernité ne cesse de s'imposer à notre temps.
Yves Carlet,
15 février 1998
Les hippies se sont choisi un maître à penser et un maître à vivre: Henry David Thoreau. Ce fils de modestes commerçants de la Nouvelle-Angleterre, descendant de huguenots français, est un personnage fascinant et un des tout premiers classiques de la littérature des États-Unis. Né en 1817, il n'a guère connu de son vivant une gloire semblable à celle de son ami Emerson.
Flâneur génial, Thoreau disait que sa vocation était de marcher; il semble aujourd'hui plus vivant, plus actuel, plus présent qu'aucun des écrivains de sa génération. Les exégèses, les biographies, les études de plus en plus nombreuses qui lui sont consacrées en Amérique témoignent de l'intérêt croissant qu'il suscite. Les jeunes générations se reconnaissent en lui. En juillet dernier, pour commémorer le 150e anniversaire de la naissance de l'auteur de Walden ou la vie dans les bois, les postes des U.S.A. émirent un timbre à son effigie: l'événement fit grand bruit. Au lieu du portrait attendu, l'auteur du timbre avait gravé un "Thoreau sauvage", une figure barbue insolite, en qui les jeunes en révolte à New York, à San Francisco, reconnurent un frère. Un frère aîné certes, mais tout proche. Des nomades fleuris vinrent en foule au pèlerinage annuel de Concord. Les "straights", les "squares", en un mot les bien-pensants, saisirent par les cheveux — si j'ose dire — l'occasion de dénoncer publiquement l'influence pernicieuse de l'auteur de Walden.
Ainsi en est-il de Thoreau: porté aux nues par les uns, décrié par les autres, il refuse toujours à sa manière d'être pris pour un père tranquille des lettres américaines. Écoutons Henry Miller: "Dans l'histoire des États-Unis, il y a à peine une demi-douzaine de noms qui aient une signification pour moi: Thoreau est de ceux-là."
Thoreau n'est si provoquant que parce qu'il se place bien au-dessus du domaine appelé "littérature". Grand liseur, il fut assurément un des esprits les plus curieux et les plus cultivés de son temps; il pensait que l'éducation d'un homme n'était jamais terminée et qu'il "était temps que les villages fussent des universités". Il écrivait: "Aucune méthode, aucune discipline, ne pourra remplacer la nécessité d'être toujours en alerte". Il voulait d'abord se laisser "continuellement irriguer et submerger par la réalité qui nous entoure". Réalité que les hommes aveuglés, endormis par la routine, ne voient plus. Thoreau, lui, a cultivé "le don de perpétuelle rencontre" qui est celui des héros-poètes, des novateurs.
Il est "le père de la non-violence". C'est dans La Désobéissance civile de Thoreau que Gandhi a trouvé le mot-clé de son action. Martin Luther King s'est abreuvé à la même source. A ce titre, Thoreau a sa place dans l'histoire de la philosophie politique. Mais son actualité dans les contestations du moment ne doit pas faire illusion. Thoreau n'est pas un homme de parti. Sa force est issue d'une vision cosmique où le souffle de la nature absorbé par toutes les fibres de l'être devenait, à travers lui, l'expression des "lois supérieures". "Si un arbre ne peut vivre selon sa nature, il dépérit; un homme de même", écrit-il dans La Désobéissance civile et il pensait que, tel un arbre, l'homme n'était si solidement enraciné dans la terre que "pour s'élever dans la même proportion vers les cieux au-dessus". C'était cela la loi morale.
Déjà Socrate, passant par le marché d'Athènes et voyant à profusion étalées toutes les marchandises que les hommes recherchent, s'était écrié: "Que de choses dont je n'ai pas besoin !". Thoreau en simplifiant sa vie, en réduisant ses besoins à l'essentiel — il ne prenait ni café ni thé, ne mangeait pas de viande — se donnait le "luxe" de cultiver ses aspirations les plus hautes, d'être ainsi pleinement homme, selon son génie.
Pour accomplir son dessein, il ne rétrécissait pas sa vie, bien au contraire. Cet homme qui passa presque toute sa vie au village natal, disait: "J'ai beaucoup voyagé à Concord." Il en fit un port d'attache, un embarcadère. Il a décrit dans Walden comment il concevait l'exploration des "continents que nous portons en nous".
Il avait découvert dans la bibliothèque d'Emerson le Baghavad-Gîta. Profondément remué par cette lecture, il fut sans doute avec Emerson le premier Occidental à comprendre la stimulante possibilité qui s'offrait au monde "civilisé" héritier des Grecs, des Hébreux et des Chrétiens d'aller à la rencontre de la mystique d'Orient. Lorsqu'on parlait à Thoreau des "Écritures", il ne manquait pas de demander: "Lesquelles ?", car pour lui le message des hommes inspirés et des initiés de tous les temps était la preuve que "l'univers est une sphère dont le centre est partout où il y a de l'intelligence". Mais il ne croyait pas non plus que la raison humaine fût le dernier mot de l'intelligence. Si notre civilisation matérielle cherche vraiment aujourd'hui ce "supplément d'âme" dont parlait Theilhard de Chardin, alors ce "Yankee cosmique" nous sera un guide précieux car il a été à la pointe de la recherche dont nous pressentons l'urgence et la valeur pour la sauvegarde de notre intégrité humaine. "Il y a plus de religion dans la science qu'il n'y a de science dans la religion", écrivait-il. Toute sa vie a été une démarche pour réconcilier le divin et le quotidien, pour vivre en communion étroite avec l'esprit des choses et "parler divinement des choses naturelles". "Il y a bien longtemps, lisons-nous dans Walden, j'ai perdu un lévrier, un cheval bai et une colombe et je suis toujours sur leur trace." Ne sommes-nous pas, nous gens du XXe siècle, concernés par cette quête, lancés sur le sillage d'une fuyante énigme ? Qui est Henry David Thoreau ? Pour le saisir voyons-le vivre dans son temps.
Thoreau, d'abord, est un Américain et dans la bonne tradition, puisqu'il est d'origine écossaise par sa mère et normande par son père. C'est de plus un Yankee, né dans l'un des États les plus typiques de la Nouvelle-Angleterre, le Massachusetts, à quelques kilomètres à l'ouest de Boston, citadelle du conformisme américain.
De nos jours encore, Concord, cette petite bourgade qui l'a vu naître, vivre et mourir et qui est devenue tout entière son "monument", s'enorgueillit de posséder quelques-unes des familles qui descendent en droite ligne des pères pèlerins; ces protestants austères partis en 1620 sur le Mayflower avaient scellé un pacte, fondement d'une société nouvelle où, loin des persécutions religieuses du Vieux Monde, à force de poignets et à force d'âme, ils pourraient librement pratiquer leur puritanisme sur une terre qu'il leur restait à conquérir.
Au moment où Thoreau arrive à l'âge d'homme, Concord est déjà célèbre. Car c'est là qu'a éclaté le premier coup de feu de la guerre d'Indépendance. De plus Emerson, le philosophe transcendantaliste, s'était fixé définitivement dans cette bourgade où il avait rallié à lui nombre d'esprits originaux comme Bronson Alcott, le père des Quatre filles du docteur March, George Ripley, disciple de Fourier, et Hawthorne qui fut pour quelque temps proche voisin de Thoreau, ainsi que Margaret Fuller, l'égérie du groupe, la "George Sand américaine". Ils formaient à Concord un cénacle intellectuel, en marge du courant populaire de l'époque, mais un foyer rayonnant. C'est dans leur revue, Dial, que Thoreau publiera ses premiers écrits. Il est malaisé de définir en quelques mots les transcendantalistes, ces romantiques de Concord. "Chercheurs d'infini à travers le fini", selon le mot de Bazalgette, ils incarnent un aspect essentiel de l'idéal américain.
Dickens, à qui l'on demandait à son retour des États-Unis ce qu'était le transcendantalisme, répondait: "Tout ce qui est obscur est transcendantal". Boutade péremptoire, digne de l'Occidental de "bon sens" qu'il était; une certaine incapacité à saisir des formes de pensée autres que logiques et calculantes fait partie de notre bagage. La spiritualité de la jeune avant-garde américaine d'aujourd'hui se heurte auprès du public à la même incompréhension. Leur effort pour "communier avec le grand Tout", pour "trouver Dieu", pour accéder à une forme de connaissance étrangère aux spéculations métaphysiques et scientifiques traditionnelles, pour se désolidariser des idéologies courantes est une résurgence du transcendantalisme émersonien que la guerre civile et le triomphe du matérialisme semblaient avoir tari. En fait, tel une nappe d'eau souterraine, il n'a pas cessé d'alimenter la conscience collective des États-Unis.
Emerson était l'idole d'une génération avide de rompre les amarres avec le Vieux Monde. Thoreau écrivait: "L'Angleterre est un Vieux gentleman qui se déplace avec beaucoup de bagages." Emerson avait canalisé les désirs d'un peuple en l'invitant à trouver en lui-même les sources vives d'une culture originale issue du terroir. "Nous avons assez écouté les Muses raffinées de l'Europe... Insistez sur vous-même, n'imitez jamais", et il élevait cette idée au rang d'une règle morale: "Celui qui veut être un homme doit être un non-conformiste."
Thoreau, à vingt ans, était déjà bien fait pour répondre à cet appel. Il avait laissé entendre à ses maîtres et à ses condisciples de Harvard de quel bois il entendait se chauffer lorsqu'à la cérémonie finale il présenta un essai où il écrivait: "Pour un homme qui aura les yeux ouverts à la beauté du monde qui l'entoure, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui gratteront de leurs ongles la surface pour en extraire de l'or. L'ordre des choses devrait être inversé: le septième jour devrait être pour l'homme celui du travail où il gagnerait son pain à la sueur de son front et les six autres, son dimanche, consacré à ce qu'il aime et à son âme." On comprend quelles résonances ce chant de jeune coq transcendantaliste peut éveiller chez les hippies: même rejet du travail et de l'argent qui aliènent, même accent mis sur les valeurs spirituelles.
De retour au pays, Thoreau, confronté avec la nécessité de gagner sa vie, se présenta comme instituteur à l'école de Concord. Au bout de quelques jours, le Conseil intérieur le convoqua. Motif: M. Thoreau refusait de battre les enfants. C'était immoral. Comment, sans le martinet, inculquer les bons principes ? Henry écouta sans rien dire. Rentré dans sa classe, il choisit au hasard six élèves qu'il fouetta rituellement. Après quoi, devoir accompli, il rédigea sa lettre de démission. Avec son frère John, il décida de créer sa propre école. Les deux jeunes gens appliquant d'emblée une méthode "nouvelle" inspirée des principes du Suisse Pestalozzi, virent en trois ans le nombre de leurs élèves s'accroître sans cesse. Ce fut un succès. Malheureusement, John mourut en 1842 et cette fin prématurée, qui bouleversa Henry David, mit un terme à sa carrière d'enseignant.
Son journal à cette époque témoigne d'un certain désarroi. Le jeune homme avait vite compris que la sagesse de ses compatriotes signifiait l'enlisement dans la routine, l'étouffement de la liberté individuelle, l'endormissement à la joie du monde. Ce qu'il fallait, c'était vivre une "existence poétique". Mais comment ? "Ma vie est le poème que j'eusse voulu écrire, mais je ne pouvais à la fois et le vivre et le dire". Comme Arthur Rimbaud, il cherchait la "vraie vie". Le charme de Concord, de sa lente rivière, de ses forêts et de ses collines d'airelles, évita à Thoreau l'échec, le renoncement du poète du Bateau ivre. "Sondez la terre pour voir jusqu'où plongent vos racines !" écrivait ce coureur des bois. Ses racines, il les a à Concord. Il a épousé la nature. De petite stature, les épaules tombantes, les traits taillés à coups de hache, ce n'est pas un Américain tel qu'on l'imagine, mais il a une originalité qui lui attire l'amitié des hommes, et aussi des femmes. Il fut probablement amoureux à deux reprises. Mais en fait, dès cette époque, il est bien résolu à ne pas se marier; l'indépendance totale qu'il se ménageait lui permettait — car il n'exerça guère de profession fixe — de vivre en accord avec ses principes. Déjà, il a l'intuition que le cours de son destin va prendre tout son sens à Walden. Il en rêvait depuis le jour où, à l'âge de cinq ans, pour la première fois, il avait vu le site de l'étang frangé de sapins. Le livre où nous est racontée l'étonnante expérience de vie solitaire, c'est Walden. Ce chef-d'oeuvre a été publié en près de cent quarante éditions différentes dans le monde. Comme Robinson, Thoreau abattit des arbres pour construire de ses mains sa demeure et y vivre.
On a beaucoup épilogué sur le sens de cette retraite. Pourquoi se retirer ? D'abord pour écrire. Thoreau en sentait en lui l'impérieuse, l'urgente nécessité. Il lui fallait aussi entendre en soi et hors de soi des choses qui se dissipent dans les parlotes du village. "Notre vie s'effrite par le détail !" Un remède: "Simplifiez ! Simplifiez ! Simplifiez !" A quoi sert l'immense gaspillage d'énergie que déploient les hommes pour acquérir le confort ? En sont-ils plus heureux ? Ne mènent-ils pas plutôt "une vie de morne désespoir" ? Il a donné lui-même ses raisons. "Je gagnai les bois parce que je voulais vivre à bon escient, n'affronter que les données essentielles de la vie et voir si je pouvais apprendre ce qu'elle avait à enseigner et non pas découvrir à l'heure de la mort que je n'avais pas vécu. Je ne voulais pas vivre ce qui n'était pas la vie; la vie est si précieuse! ni pratiquer la résignation, à moins que cela ne fût tout à fait nécessaire. Ce que je voulais, c'était vivre à fond et sucer la moelle de la vie, vivre assez énergiquement et en Spartiate pour mettre en déroute ce qui n'était pas la vie, faucher un large andain, bien à ras, acculer la vie dans ses derniers retranchements, la prendre à bras le corps..."
Entendez ce Puritain: il use pour décrire son expérience de "survie" des mots crus que d'autres, les jouisseurs, les conquistadors, les "affreux" emploient pour parler de possessions physiques et de violences. Notre vieux monde païen est accordé à ce langage. Or, ce n'est pas l'avoir que Thoreau recherche, mais l'être. À l'heure où les "frontiermen" s'en allaient toujours plus loin vers l'Eldorado, il savait, lui, que "les vraies richesses" étaient là, à l'intérieur de lui-même. A Walden, Thoreau donne libre cours à son génie: il est le "scribe des dieux", il lit, il excursionne, il bine par tous les temps un champ de haricots, il complète son livre Une semaine sur les rivières Concord et Merrimac en souvenir d'une équipée avec son frère en bateau. Et, jeune Bouddha de 28 ans, il médite. L'ermite s'en va, si le coeur lui en dit, écouter une conférence au village ou se replonger dans la chaude atmosphère familiale. Thoreau consigne soigneusement dans son Journal la moisson de deux ans, deux mois, deux jours, d'où sortira la forme achevée de Walden.
Les hippies, on le sait, vivent "à la Walden". A une heure de route au nord de San Francisco, se trouve un de ces phalanstères qui, aujourd'hui en Californie comme autrefois en Nouvelle-Angleterre ceux de Brookfarm ou de Fruitlands du temps d'Emerson, défraient la chronique. Un des plus connus parmi ces kibboutz californiens, s'appelle "Morning Star", nom tiré de la dernière phrase célèbre de Walden: "Le soleil n'est qu'une étoile du matin".
Rien n'explique mieux l'actualité permanente de Thoreau que son esprit ouvert: la latitude qu'il se donne à lui-même de changer. Lorsque vint le moment de quitter les bois, il le sentit à la faveur de la même impulsion profonde qui l'avait amené à donner corps à son rêve. "Je n'ai prêté nul serment. Je n'ai nul dessein à l'égard de la société, de la nature ou de Dieu." Il avait "d'autres vies à vivre". Il n'y manqua pas.
En 1959 — Thoreau avait 42 ans —, les États-Unis étaient déchirés par un conflit qui secouait sur ses bases la Constitution de 1787: l'antagonisme entre le Nord et le Sud à propos de l'esclavage créait au Massachusetts un climat de lutte et de contestation qui n'est pas sans évoquer les États-Unis de 1968 à l'heure du Vietnam et de la "colère noire". Les amis d'Emerson étaient naturellement contre tout asservissement et la pension de famille que tenait à Concord la mère de Thoreau était un lieu de rencontre pour les abolitionnistes de passage: l'un de ceux-ci, le farouche John Brown, "l'étoile la plus brillante au firmament de notre brève histoire" dit Henry Miller, croisa le destin de Thoreau. Le vieux lutteur attaqua avec une poignée d'hommes l'arsenal de Harper's Ferry pour tenter de débouter l'esclavage des Noirs. John Brown échoue, il est pris, jugé, et au terme d'un procès retentissant, condamné à la potence. De toutes les voix, la première à s'élever en faveur du justicier et presque la seule — même dans les États du Nord —, c'est celle de Thoreau qui, sans vouloir écouter les conseils de prudence de ses amis, n'hésite pas à parler haut à Concord, puis jusqu'à Boston pour défendre la "réputation immortelle" de John Brown, ce libérateur. Dans son Plaidoyer pour John Brown, Thoreau a mis tant de flamme, il s'est jeté avec une telle colère au premier rang de la mêlée que ses lecteurs, qui ne voyaient en lui qu'un homme des bois et un non-violent, en restent saisis: c'est qu'il reconnaît en ce "guérillero", un frère, une image de lui-même, "l'homme de principes" pénétré jusqu'à la moelle de l'idée que la dignité de la personne humaine est plus précieuse que sa vie ici-bas.
John Brown fut finalement exécuté. Thoreau, miné par la tuberculose, mourut à 44 ans, le 6 mai 1862, sans avoir achevé un livre sur les Indiens qu'il projetait depuis longtemps d'écrire. À une voisine venue lui demander s'il avait fait sa paix avec Dieu, il répondit: "Nous ne nous sommes jamais querellés, que je sache". Il n'a pas eu le temps de vieillir; il a laissé une oeuvre qui a lentement germé et qui fait de lui — on commence à s'en apercevoir — un grand, un très grand précurseur.
L'effort de Thoreau pour retourner à la vie naturelle est une réaction contre la technologie envahissante que la masse et les dirigeants d'alors saluaient comme "le Progrès". Aujourd'hui, nous avons fait le bilan et l'évasion des week-ends vers quelque ferme du Beauvaisis, la création des espaces verts, les campagnes contre le bruit, contre la pollution de l'air, l'empoisonnement des rivières, nous rendent aptes à saisir le point de vue de Thoreau qui n'est pas d'un "naïf", mais d'un clairvoyant. Charles Péguy, dans une formule de visionnaire, parlant des dangers de la civilisation moderne, dénonçait "son énorme ventre de barbarie". Thoreau déjà l'avait pressenti.
Vers le milieu du siècle dernier, un vent de réforme venu de l'Europe, alors en pleine tempête révolutionnaire, apportait en Nouvelle-Angleterre des graines d'utopie qui poussaient dru au Nouveau Monde. Fourier y était — déjà — à l'ordre du jour et son disciple, Victor Considérant, avait choisi les États-Unis pour y tenter de multiples expériences. Elles ne réussirent guère. Hawthorne revint échaudé de Brookfarm fondé par George Ripley, un parent d'Emerson, et le Fruitlands de Bronson Alcott ne fit pas long feu. Thoreau était trop individualiste — trop perspicace aussi — pour se prêter à ces idées fumeuses. Des "gens de Concord", il est le seul habitué aux évaluations précises.
Comment l'homme doit-il aménager sa conquête ? Déjà en 1896, un critique français montrait que le retour à la nature selon Thoreau n'impliquait pas "un rejet correspondant de la civilisation" (comme chez Rousseau), mais une tentative pour "s'assurer tous les bénéfices de la civilisation sans pâtir de ses inconvénients actuels". "Comment aménager notre conquête ?" Thoreau a médité cette question que nous nous posons aujourd'hui. Il a songé à la réponse avant que les données du problème n'aient été explicitement analysées. On ne confond plus aujourd'hui les dithyrambes sur le "bon sauvage" avec l'effort d'un Lévi-Strauss pour retrouver "l'homme naturel", en quoi il rejoint tout naturellement la vision de Thoreau. La manière qu'a ce dernier de considérer les villageois, ses voisins, exactement comme s'il observait une organisation tribale prête à sourire. Cependant, sous l'humour affleure la préoccupation de l'anthropologue moderne à la recherche des structures immuables méconnues par l'orgueil du "civilisé". "Je serais content de rencontrer l'homme dans les bois. Si seulement je pouvais le croiser comme l'élan ou les caribous sauvages !"
Une attention soutenue aux conditions de la vie sur terre, étayée par la précision extrême du naturaliste (il était le correspondant de nombreuses sociétés savantes), fait de Thoreau un précurseur de l'écologie. "Il existe une similitude entre les opérations de la nature et l'art de l'homme, même dans les détails les plus infimes". Peut-être la source de son génie tient-elle à cette faculté rare qu'il a de remarquer des choses que tout le monde voit sans les voir, parce que "l'esprit est ailleurs". Thoreau, lui, est présent. L'accumulation des détails concrets aperçus par "les terribles yeux bleus" est le signe d'une plongée imminente au-delà de "la surface des choses" d'où la pensée émerge soudain avec l'intuition fulgurante du sens caché; qu'il s'agisse de la marmotte, du regard d'un enfant, d'un vagabond rencontré ou "des rides laissées par la marée sur le sable", il veut happer l'essence, voir, toucher "les lois supérieures" dont les phénomènes de ce monde-ci ne sont que des reflets: "Le temps est le cours d'eau où je m'en vais péchant. Je me baisse pour y boire et le sable m'apparaît dans le cours peu profond. Glisse et passe le courant, l'éternité demeure. Je voudrais y boire profond, jeter mes filets dans le ciel dont le lit est caillouté d'étoiles". Il voulait exprimer "ce que le corps a pensé, ce que le cerveau a senti". C'est ainsi que le savant et le poète se rejoignent et s'accordent chez Thoreau. Vision spirituelle et concrète à la fois qui fait de l'homme de science, tel qu'il le conçoit, un penseur et parfois un rebelle, mais toujours un "voyant".
Certes, un tel effort pour vivre en profondeur ne rend pas la vie facile. Beaucoup de gens gardent de Thoreau l'image du récalcitrant qui se plante là en défi aux idées reçues. Thoreau négligeant de retirer son diplôme universitaire, refusant de fouetter les élèves, de payer l'impôt, d'assister aux offices religieux, de manger de la viande, Thoreau naturiste et objecteur de conscience, voilà qui frappe l'imagination populaire.
Ses premiers biographes, Emerson en tête, lui ont fait grand tort en le présentant à la postérité comme l'homme qui dit "non". Un critique a dit, avec plus de justesse, que "son désir tenace de vivre sa vie le tient en lutte constante contre le milieu". Cette tension une fois effacée, nous percevons mieux le sentiment qui la sous-tend et l'anime et nous voyons se dessiner la personnalité de quelqu'un qui dit "oui". Il apparaît comme l'arpenteur des "dimensions essentielles de l'homme". "Nous avons besoin du tonique de la vie sauvage", écrivait-il; mais cette nature n'a de sens que par rapport à l'homme. "Si je n'ai pas d'amis, elle cesse d'avoir un sens moralement parlant." C'est l'homme qui préoccupe Thoreau au premier chef. Il n'est ni un misanthrope, ni un anarchiste, mais un individu qui donne la primauté au jaillissement continu et spontané du moi: l'adhésion essentielle de Thoreau, la barre d'appui de son engagement est là. Il se jettera le premier dans l'arène — ses rapports avec le gouvernement le prouvent — quand les grands, les éternels principes sont en cause. Car "n'y-a-t-il pas effusion de sang quand la personne humaine est blessée ? Par une telle blessure s'écoulent la dignité et l'immortalité véritable de la personne humaine qui meurt vidée de son sang pour l'éternité. Je vois ce sang-là couler aujourd'hui". Si Thoreau est révolutionnaire, ce n'est pas au sens politique. S'il invite à la révolution, ce ne peut être qu'au sens astronomique, où l'on parle de révolution des planètes dans le système solaire ou, ce qui revient au même, de la révolution autour de l'atome. Le moi réel de l'individu est le noyau au centre, véritable parcelle d'énergie et de lumière cosmique, rayonnant à l'entour. Être libre, pour Thoreau, ce n'est pas donner sa préférence à quelque plate-forme électorale, c'est être disponible pour répondre aux appels de la réalité intérieure — la seule vraie, la seule du moins dont nous ayons, face au monde, la responsabilité plénière et le mandat. Il sait bien qu'il ne s'agit pas là d'une spéculation philosophique, mais d'une attitude intérieure qui permet "de résoudre quelques-uns des problèmes de la vie, non pas en théorie mais en pratique".
"Je suis simplement ce que je suis... Je vis dans le présent." Il était un homme en état d'éveil qui avait conçu très jeune le projet de vivre par inspiration, ce qui est autre chose que le caprice. Il n'est pas aisé de ne compter que sur soi, de ne vivre qu'en soi dans la fidélité absolue à son devenir. Thoreau, malgré lui, connut l'amertume de l'isolement. Ses livres ne se vendaient pas. L'amitié d'Emerson s'effritait avec le temps. Ces deux êtres si bien faits pour se comprendre en vinrent à des silences lourds. Le disciple reprochait maintenant au maître d'accepter le compromis; l'homme célèbre inconsciemment reprochait à son cadet d'aller trop loin et de se prêter à "des excentricités de mauvais goût".
Après Walden cependant, publié avec un relatif succès en 1854, Thoreau eut la certitude que ce n'était "pas en vain que l'homme parle à l'homme". Il trouva un réconfort dans l'espoir assuré que son Journal trouverait un écho dans la postérité. Et il a sans doute, dans sa brève existence, connu une joie de vivre que ceux qu'on appelle les "bons vivants" ne peuvent concevoir. La nature de Thoreau était ainsi faite qu'il vibrait comme une harpe éolienne à tous les souffles et cela avec une intensité sans égale. Son oeuvre en témoigne: "Ce qu'on appelle le génie, c'est une abondance de vie ou de santé qui fait que tout ce qui s'adresse aux sens, la saveur de ces baies, le meuglement de la vache qui résonne comme s'il était renvoyé par le flanc d'une montagne juste avant la nuit, quand des rosées embaumées parfument l'air et qu'il règne une force, une sérénité éternelle et l'attente de ce matin qui ne sera jamais terni, tous les objets, les sons, les odeurs, les saveurs grisent d'une ivresse de santé... Je me sens transporté quand je pense que je dois une perception à ce sens grossier et commun du goût, que c'est à travers mon palais que l'inspiration m'est venue, que ces baies ont nourri mon cerveau. Après avoir mangé les fruits simples, sains et exquis de la colline, j'ai senti mes sens stimulés. J'étais devenu jeune, et, assis ou debout, ne me sentais plus le même".
Ces lignes nous donnent l'idée d'une hyperesthésie toute particulière. On a pu parler pour expliquer Thoreau de "sensualité polymorphe": c'est-à-dire d'une vibration simultanée de toutes les antennes de la sensibilité; elle répondrait assez bien à l'étrange silence sexuel que Thoreau lui-même reconnaît comme une de ses particularités; disposition qui lui permet de transcender son puritanisme et de le sublimer dans un amour qui ne se limite pas aux rapports entre l'homme et la femme, mais s'étend à tous les êtres, à la nature, aux arbres, aux animaux, aux paysages, une intense participation à la vie du monde. Ainsi son Journal devient-il un poème, un hymne à la beauté de Concord, symbole visible, palpable du cosmos tout entier.
Aujourd'hui, de plus en plus de gens se tournent vers le Journal pour y puiser de l'inspiration. "Si je ne suis pas moi, qui le sera ?" Cette devise de Thoreau est la question fondamentale à laquelle l'homme et la femme d'aujourd'hui, pris entre la machine qui aliène et le collectivisme qui uniformise, se sentent appelés à répondre. Des personnalités aussi diverses que Léon Tolstoï, André Gide, Marcel Proust, Ernest Hemingway, le poète iliam Butler Yeats, le théologien Martin Buber, le président John F. Kennedy, le naturaliste Jean Rostand et bien d'autres ont eu et ont encore pour Thoreau, comme Henry Miller, "une admiration sans limite": il est plus qu'un maître à penser; il est un maître à vivre. Il n'y a guère eu dans l'histoire des États-Unis de grand homme qui ait suscité autant d'imitateurs. Mais Thoreau, pas plus qu'Emerson, ne se pose en chef de file. Il ne veut pas de disciples. Comme Krishnamurti, il renvoie chacun à soi-même: "Je ne désire pas que quiconque adopte ma manière de vivre en aucune manière, car, avant qu'il l'ait bien apprise, j'aurai pu en trouver une autre qui me convienne davantage; mon souhait, c'est qu'il y ait dans le monde autant de personnes différentes que possible; mais je voudrais que chacun se préoccupe de découvrir sa propre voie et de la suivre au lieu de suivre celle de sa mère, de son père ou de son voisin".
La force de Thoreau, de sa pensée toujours vivante, c'est dans un accord entre le fait et le verbe qu'il faut en chercher la raison. Derrière Walden, il y a "la vie dans les bois", derrière La Désobéissance civile, il y a une nuit en prison, derrière chaque ligne, l'homme tout entier, un homme qui a su mettre son génie dans sa vie et qui, liberté suprême, se donne même le droit, s'il le juge bon, de mener "la vie sans principes". Il ne se soucie guère du côté "moral" de la vie telle que les hommes l'entendent, les hommes dont "l'esprit est macadamisé". "Ne vous contentez pas d'être bons, soyez bons à quelque chose". Il lance aussi cette idée que l'expérience des aînés ne nous sert à rien: "A générations nouvelles, méthodes nouvelles."
Sorte de Gulliver égaré à Lilliput, il voit plus profond et plus loin que les nains; il perce à jour l'absurdité des poursuites humaines; il voit une épopée dans une bataille de fourmis, "un monde d'innocence" dans l'oeil d'une perdrix et un jour, en collant l'oreille au poteau télégraphique, il capte ce message des agences célestes: "Garde présent à l'esprit, enfant, et n'oublie pas une seconde qu'il y a des plans de vie plus élevés que celui sur lequel en ce moment tu voyages. Sache que le but est lointain et qu'il va vers le haut et que toute ta vie vaut d'être un effort pour l'atteindre".
Étrange compagnon de promenade, "il entendait comme avec un stéthoscope, voyait comme avec une loupe, déterminait la température sans instrument de mesure". Il semblait doué d'un sixième sens. Rentrant à Walden le soir par les nuits sans lune, il retrouvait son chemin au toucher de l'écorce des arbres. Tel Krishna, il joue de la flûte et les animaux charmés lui répondent. Emerson encore nous raconte que "les poissons nageaient dans sa main, les oiseaux le suivaient dans ses promenades". Il trouvait sans effort les vestiges déjà rares du passé indien, comme si sa pensée aimantait à ses pieds les pointes de flèches qu'il désirait trouver. Il y a vraiment quelque chose du yogi chez ce Yankee.
Rien pourtant de l'illuminé empêtré dans ses songes. L'humour est présent à toutes ses épiphanies. Il fait des déclarations à la lune par les beaux soirs d'été, fascine une marmotte sortie du fourré à son appel, tombe amoureux d'un nénuphar ou d'une génisse ("Belle génisse, adieu ! Bien que tu m'aies oublié, fasse le ciel que tu ne t'oublies pas toi-même"), mais il reste les deux pieds plantés sur la terre qu'il habite. "Un monde à la fois", disait-il lorsqu'on lui parlait de la vie future. C'était un artisan né: "J'ai autant de métiers que de doigts." Vers la fin de sa vie, il devint l'arpenteur attitré de Concord et des environs et sa réputation s'étendait à des lieues à la ronde. Il savait tout bricoler à la perfection, que ce fût un bateau, une maison, des crayons. Il avait l'intelligence technique; une de ses inventions donna un second souffle à l'entreprise paternelle de crayons qui périclitait et lui valut un prix régional.
Henry David Thoreau était un actif, en prise directe sur le réel; mais l'idéal et l'action avaient conclu en lui une étonnante alliance et le mariage du mysticisme oriental et de l'ingéniosité yankee trouve une de ses expressions les plus merveilleuses dans cette pensée: "Bâtissez des châteaux en Espagne, c'est là qu'ils doivent être, mais maintenant mettez les fondations dessous". Il était aussi un homme de courage. Cette dimension est essentielle pour comprendre la fascination spirituelle qu'exerce cette personnalité intense, comme consumée de l'intérieur. Il nous montre ce que l'homme pourrait faire s'il faisait confiance à son génie. "L'homme, assure-t-il, est né pour réussir et non pour déchoir."
La réévaluation de Thoreau par les jeunes générations américaines et sa découverte par les Français ne doit pas faire illusion: Thoreau n'avait pas attendu les hippies ni les événements que l'on sait pour vivre sa vie posthume qui n'est peut-être pas son aventure la moins curieuse. Un témoignage nous permet de juger de sa présence. Vers 1900, Léon Tolstoï prit connaissance de l'oeuvre de Thoreau; il en fut frappé au point qu'il écrivit une lettre à la North American Review où il demandait au peuple américain "pourquoi il n'accordait pas une attention plus soutenue à la voix de Thoreau au lieu d'écouter celle des trusts de la finance et de l'industrie, celle des généraux ou des amiraux triomphants". Aujourd'hui une grande partie de l'Amérique se pose la même question. La voix de Thoreau est devenue un signe de ralliement pour la conscience américaine, et elle peut à tout moment le devenir pour notre conscience occidentale tout entière.
Micheline Flak,
15 février 1998
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