Choderlos de Laclos

Biographie

Écrivain, homme politique et militaire de carrière français, Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos naît à Amiens le 19 octobre 1741. Sa famille, de petite noblesse récente, est établie en Franche-Comté. À Amiens, son père est secrétaire de l’intendance militaire de Picardie et Artois.

Le Ier décembre 1759, Choderlos de Laclos entre à l’école royale d’artillerie de La Fère. Promu sous-lieutenant, il est affecté à la brigade des Colonies. Pendant vingt années, sa vie s’écoule dans des garnisons de province, notamment à Grenoble, où il passe six années de sa jeunesse, puis à Toul, Strasbourg, Besançon, Valence. Il devient capitaine commandant en 1771. D’un caractère énergique et aventureux, ses supérieurs lui donnent des notes excellentes, le jugent « plein de talent et de mérite », mais il ne parvient pas à obtenir comme il le souhaite un poste aux Indes ou au Canada. Elève de Montalembert, il se distingue par ses travaux techniques mais, sans protection à la cour, aucune occasion ne s’offre à son ambition.

Vers 1779, le capitaine de Laclos se morfond donc à l’île d’Aix et à l’île de Ré, employé à la défense des côtes mais sans jamais voir paraître un navire anglais. C’est alors que, désespérant de jamais réaliser son ambition militaire, il décide d’écrire, selon sa propre expression, « un livre qui retentît encore sur la terre après qu’il y serait passé ».

Rédigé entre 1779 et 1782 à l’île d’Aix puis à Paris, Les Liaisons dangereuses, ou Lettres recueillies dans une Société et publiées pour l’instruction de quelques autres, par Ch. de L. sort chez le libraire parisien Durand Neveu au mois d’avril 1782. L’auteur ne signe ce roman épistolaire de 175 lettres que de ses initiales, Ch. de L.. Inconnu, il n’avait jusqu’alors publié que quelques poèmes et deux contes libertins, Procession et Le Bon Choix, publiés dans L’Almanach des Muses. Cette première œuvre romanesque, qui sera aussi la dernière, connaît immédiatement un retentissement considérable, jouissant surtout d’un succès de scandale.

Le succès du roman attire l’attention sur le capitaine de Laclos. En 1783, il rédige trois essais en réponse à un sujet de concours de l’Académie de Châlons-sur-Marne : « Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? » Il s’y révèle féministe avant l’heure, relevant d’abord que les femmes sont esclaves de la société puis, inspiré par le Discours de Jean-Jacques Rousseau (Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la Loi naturelle ?), que le société doit en faire des êtres libres, et dressant enfin un programme pratique de lectures sur le sujet. Cette dissertation a été rééditée en 1903 sous le titre De l’Éducation des femmes (Édouard Champion éditeur).

En 1786, il déchaîne un nouvel orage en adressant à un concours d’éloquence de l’Académie française – et en publiant sans autorisation officielle – une Lettre sur l’Éloge du maréchal de Vauban. Jugeant inefficaces les fortifications de la science militaire officielle, il y attaque frontalement les idées de Vauban, ce qui lui vaut un désaveu du Maréchal de Ségur, ministre de la guerre. Disgracié, il est affecté en garnison à Metz. En octobre 1788, il prend congé de l’armée pour entrer au service du duc d’Orléans comme « Secrétaire aux commandements ». Il a alors quarante-sept ans. Par une singulière fortune, Laclos, qui aurait pu s’illustrer dans les lettres, devient dès lors un des acteurs cachés de la Révolution française.

Le duc d’Orléans aspire à la régence du royaume en cas de déchéance de Louis XVI. Il regroupe autour de lui tous les opposants, les amis des réformes et des Lumières, les grands seigneurs qui rêvent d’une Constitution à l’anglaise, les parlementaires, les gens de lettres, les libellistes et nombre d’obscurs agitateurs. Il est grand maître de la franc-maçonnerie française, en rapports habituels avec les loges anglaises. Il s’affiche d’ailleurs comme anglophile, ami du prince de Galles, et fait de fréquents séjours à Londres. Ses rapports sont peu confiants avec le roi et très mauvais avec la reine. Mais il est attaché à ses plaisirs et incapable de desseins suivis. Laclos, avec son intelligence pénétrante, son caractère actif et froid, domine bientôt le prince et devient l’âme de son parti.

Il rédige pour lui un programme de réformes où il se montre attaché aux principes de la justice et de la liberté. Selon toute vraisemblance, les subsides de l’Angleterre et du duc d’Orléans financent les premières émeutes révolutionnaires lors de l’affaire Réveillon (26-28 avril 1789), le 14 juillet 1789, et les 5 et 6 octobre 1789. Choderlos de Laclos, après s’être entendu avec Mirabeau, est le distributeur de l’argent aux agitateurs. Les papiers trouvés au Palais­Royal, qui compromettent de nombreux révolutionnaires ralliés plus tard à l’Empire, seront brûlés plus tard par Savary sur l’ordre de Napoléon.

Après les émeutes des 5 et 6 octobre, le duc d’Orléans, soupçonné de les avoir provoquées pour amener l’abdication du roi, est exilé à Londres sous le couvert d’une mission diplomatique. Laclos l’accompagne et rédige toutes les lettres que le prince écrit au comte de Montmorin, ministre des Affaires étrangères, pendant la durée de son séjour en Angleterre. Dans ces lettres, il s’efforce, en précurseur de Talleyrand, de convaincre le gouvernement des Tuileries de la nécessité d’une alliance avec l’Angleterre.

En juillet 1790, Laclos revient à Paris avec le duc d’Orléans et se jette dans la politique avec une ardeur nouvelle. Il s’affilie à la « Société des amis de la Constitution », plus connue ensuite sous le nom de « Club des Jacobins ». Il en devient un orateur écouté, dirige bientôt son Journal et règle les relations de la Société de Paris avec les clubs de province. Après l’épisode de Varennes, il redouble d’efforts en faveur de Philippe d’Orléans devant l’Assemblée nationale, tentant de provoquer l’abdication de Louis XVI, mais il échoue et le duc se sépare de lui.

Après la journée du 10 Août 1792, Laclos reprend du service dans l’armée en tant que commissaire du pouvoir exécutif, aux côtés du ministre de la guerre Servan. Il s’efforce d’organiser la seconde ligne de défense qui, sans la victoire de Valmy, aurait protégé Paris contre l’envahisseur. Le 22 septembre, il est envoyé à Toulouse avec le grade de général de brigade chef d’état-major de l’armée des Pyrénées. Sur sa demande, il est nommé six mois plus tard gouverneur général des établissements français en Inde.

Puis, bientôt de nouveau en disgrâce, il cherche à quitter la France quand, le 31 mars 1793, il est arrêté en même temps que le duc d’Orléans et plusieurs de ses partisans. Pour sauver sa tête, il fait parvenir au ministre de la Marine une proposition relative à l’emploi de boulets creux, c’est-à-dire d’obus, qui n’était pas encore employés contre les obstacles. Laclos se révèle inventeur militaire. Il peut sortir de prison pour procéder à ses expériences à Meudon. Mais, le 5 novembre, il est de nouveau incarcéré, deux jours avant l’exécution du duc d’Orléans, et il n’échappe que de peu à la guillotine. Il est probable qu’il utilise pour cela des documents compromettants pour certains conventionnels. Il est libéré le 3 décembre 1794, ainsi que son frère, ancien consul en Orient. Il est alors nommé conservateur des hypothèques et rédige en 1795 un article,  De la guerre et de la paix , qui contient nombre de vues pertinentes sur un plan non seulement militaire et politique, mais aussi économique et moral. À partir d’octobre 1795, il devient un ardent partisan de Napoléon Bonaparte.

Laclos vit ensuite dans l’intimité des siens. Il avait épousé en 1786 à La Rochelle Solange Duperré, fille d’un receveur des tailles de La Rochelle et sœur du futur amiral Guy-Victor Duperré. Celle-ci lui a donné trois enfants dont l’un, devenu officier, mourra en 1814 pendant la campagne de France. Jusqu’à sa mort, il se montrera le plus tendre des époux et des pères.

Il se rallie avec enthousiasme au Coup d’État du 18 Brumaire. Bonaparte le réintègre alors à son grade de général de brigade et l’emploie à l’armée du Rhin, puis à celle d’Italie. En 1803, il est nommé au commandement de l’artillerie de Naples.

Choderlos de Laclos meurt de la dysenterie à Tarente (Italie) le 5 septembre 1803, à l’âge de soixante-deux ans.

Émile Dard,

Choderlos de Laclos en librairie

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