Marcel Mauss

Biographie
Marcel Mauss
Marcel Mauss

Sociologue et anthropologue français, Marcel Mauss, considéré comme le père de l'ethnologie française, est né à Épinal le 10 mai 1872 dans une famille de rabbins.

Durant ses études de philosophie à Bordeaux, sous l'autorité de son oncle Émile Durkheim, il suit l'enseignement de Octave Hamelin et d' Alfred-Victor Espinas dont il retiendra l'importance qu'on doit attacher à l'origine collective des arts, des coutumes et de la technologie. il s'intéresse aussi beaucoup au néokantisme.

Agrégé de philosophie en 1895, il entend se consacrer à la recherche. Installé à Paris l'année suivante, il est chargé de la rubrique "Histoire des religions" de la revue L'Année sociologique, fondée par Durkheim. Il fréquente l'École Pratique des Hautes Études, apprend le sanskrit, lit James George Frazer, assemble des matériaux pour une thèse sur la prière qu'il n'achèvera jamais. À Oxford, il approfondit sa réflexion anthropologique à l'école de Sir Edward B. Tylor.

En 1901, Marcel Mauss est nommé à la chaire d'"Histoire des religions des peuples non civilisés", titre qu'il récuse dans sa leçon inaugurale en revendiquant l'émancipation de l'ethnologie dont il s'attache à déterminer la place par rapport à la sociologie ainsi qu'à définir les principes de méthode. Il prend une part importante à la rédaction de l'Année sociologique, tant par ses articles que par ses longs comptes rendus des travaux de collègues étrangers, situant ainsi la réflexion anthropologique française dans un contexte international.

Parmi ses oeuvres antérieures à la Première Guerre mondiale, on trouve notamment son Essai sur la nature et la fonction du sacrifice (1889), Esquisse d'une théorie générale de la magie (1902), en collaboration avec Henri Hubert, Quelques formes primitives de classification (1903) et l'Essai sur les variations saisonnières dans les sociétés Esquimaux (1904), en collaboration avec Henri Beuchat.

Après la mort de Durkheim en 1917 et la fin de la Première Guerre mondiale qui décima le groupe, Marcel Mauss se donne tout entier à L'Année sociologique, qui ne reparaît toutefois qu'en 1925, et s'efforce de publier les travaux de ses compagnons disparus. Durant l'entre-deux-guerres, il mène une activité intense d'essayiste et d'enseignant. L'importance de son mode global d'appréhension des comportements humains est clairement mise en lumière par la richesse de la pensée de ses collaborateurs. Parmi eux, on compte Georges Gurvitch, Marc Bloch, Lucien Febvre ou encore Georges Dumézil. Élu au Collège de France en 1931, il consacre cinq années à l'exposé de la thèse inachevée de Robert Hertz sur "Le Péché et l'expiation dans les sociétés primitives".

Fondateur, avec Lucien Lévy-Bruhl et Paul Rivet, de l'Institut d'ethnologie en 1925, il y donne de 1926 à 1940 des "Instructions d'ethnographie descriptive" qui sont au coeur de l'enseignement de l'ethnologie en France.

Outre sa carrière académique, Marcel Mauss se consacre également politique. Adhérant très tôt au Parti Socialiste, il milite parmi les dreyfusards, fréquente Jean Jaurès et Lucien Herr, prend part en 1904 à la fondation du journal L'Humanité. Il donne aussi beaucoup de temps aux universités populaires et aux mouvements coopératifs. La couleur pluraliste et libérale de son socialisme est sensible dans la conclusion de son célèbre Essai sur le don, forme archaïque de l'échange (1924) où il souligne ce qui se perd dans la qualité des rapports humains quand l'échange devient purement économique.

C'est dans cet Essai sur le don que sa notion de "fait social total" revêt sa forme la plus élaborée. Toute son oeuvre tend à unir sous une même interprétation les phénomènes sociaux et les phénomènes clairement religieux comme le sacrifice. Selon lui, les sociétés primitives sont moins des organisations élémentaires que des sociétés d'une complexité différente de la nôtre et le champ du Sacré est celui où l'on trouve les expressions les plus explicites et en même temps les plus symboliques et transcendantes du tissu psychosociologique d'un groupe. C'est donc dans cette direction qu'il oriente ses recherches. La bipolarité sacré-profane théorisée par Durkheim en 1912 apparait déjà chez lui, dès 1889, dans son interprétation du sacrifice comme l'union du sacré et du profane par le biais d'une victime.

Par la suite, il se sert abondamment du concept de mana, c'est-à-dire d'une force qui contient le sacré et qui est pour lui présente dans toutes les formes archaïques de don et d'échange. Que ce soit dans le processus d'accumulation et de destruction de biens (le potlatch des populations indigènes d'Amérique du Nord) ou dans les échanges de dons de l'aire polynésienne (le kula décrit par Bronislaw Malinowski), il s'agit d'identifier "quelle force présente dans l'objet donné pousse le donateur à le rendre". Cette force n'est pas une valeur matérielle ni économique, mais elle est en elle-même la raison d'être de l'échange. Et comme l'échange fondamental se fait avec les esprits des morts et avec ceux des dieux, "la destruction sacrificatoire vise un don qui devra nécessairement être rendu".

L'une des autres originalités de son oeuvre est d'avoir mis aussi en lumière l'importance des codes sociaux concernant l'expression des sentiments et même les attitudes corporelles: L'Expression obligatoire des sentiments (1921), Les Techniques du corps (1936).

Mis à la retraite en 1940, Marcel Mauss ne surmonte pas l'occupation et l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, notamment l'exécution par les Allemands de deux de ses élèves les plus chers, Boris Vildé et Anatole Levitzki, fusillés comme résistants. Intellectuellement diminué, il meurt à Paris le 10 février 1950. Divers essais seront rassemblés après sa mort sous le titre Sociologie et Anthropologie (1950).

Marcel Mauss n'a jamais écrit un seul livre où seraient exposées les lignes directrices de sa pensée. Il n'est non plus jamais allé sur le terrain. Une grande part de son oeuvre a été écrite en collaboration, traduisant, avec une éthique collective de la recherche, une conscience aiguë du caractère provisoire des théories anthropologiques. Faite d'intuitions plus que d'assertions, son oeuvre prête à des interprétations multiples, son influence déborde le cadre strict de l'anthropologie. Elle est sensible sur des écrivains comme Roger Caillois, Georges Bataille, Raymond Queneau. Ses articles sur la magie, le sacrifice, les classifications primitives, font partie d'un héritage désormais commun. Bon nombre des thèmes abordés par lui (la notion de personne, les techniques du corps, le sacrifice, la prière,...) demeurent encore ouverts à la réflexion des chercheurs. Son apport nuance la sociologie de Durkheim, son esprit trop systématique et son optique génétique.

Denise Paulme,

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Paris, jeudi 28 mars 2024