Écrivain français, Jules Renard est né le 22 février 1864 à Châlons-sur-Mayenne.
L'enfance de Jules Renard, c'est un grand silence roux, une fuite à rebours vers les endroits les plus sensibles de l'accablante solitude qui prend tout individu au sortir même de la nuit des premiers balbutiements. Il donnera toute sa vie l'impression d'avoir été frustré, dès l'abord, dans l'exploration "caressante" de son corps. En friche.
Cadet de trois enfants, donc en état d'infériorité — c'est souvent le contraire —, il se trouve tout de suite coincé entre deux êtres profondément malheureux, on pourrait dire comme les pierres, et irréductibles comme elles: ses parents. Là, dans une immobilité végétale, Jules Renard se noue, s'étrangle, isolant autant qu'il est possible son âme, d'une maigreur hivernale, dont il parviendra, tout le long de son assez courte existence, à tirer l'élément nécessaire à la justification de sa seule passion — réduit, région, île où pouvoir respirer, fût-ce quasiment dans l'ankylose —, la littérature.
C'est au mot qu'il demandera la transfusion d'un sang plus vif, c'est le tunnel du langage qu'il empruntera volontairement. Mais dans ce tunnel, quoi qu'il fasse, il ne percevra jamais que le même petit point, la même petite paillette de lumière. Il y fixera son oeil comme un fou, et décrira sans lassitude tout ce qui traversera ce rayon de soleil. Hommes, bêtes, arbres, passeront par là. C'est au moyen de mot-filets qu'il en prélèvera la substance "renardienne", très proche d'un essentiel qui serait le silence; très loin de ce qui meut comme amoureusement ce même silence: la poésie.
En 1881, Jules Renard quitte Chitry-les-Mines, dans la Nièvre, où ses parents s'étaient réinstallés peu après sa naissance. Chitry-les-Mines, où "de huit à dix, lèvres serrées, yeux troubles, oreilles endormies déjà, vie suspendue, toute la famille, pour savoir qui se taira le mieux, fait, sans bruit, sa quotidienne partie de silence". Il vient à Paris, prépare l'École Normale Supérieure, y renonce, prend le parti de la littérature. Il écrit des vers, Les Roses, et va les lire dans les salons. Interrompu dans ces charmantes vanités par le service militaire qu'il fait à Bourges.
De retour à Paris, il cherche un emploi, en trouve plusieurs, très modestes. C'est la misère. Entre 1887 et 1889, Jules Renard écrit Les Cloportes qu'il ne publiera pas, et se marie, le 28 avril 1888, avec Mlle Marie Morneau. Installation dans la maison de sa femme, 44 rue du Rocher. Il publie Crime de village, Sourires pincés. Deux enfants naissent: Pierre et Marie, qu'il appellera plaisamment Fantec et Baïe. Période de production: L'Écornifleur (1891), Poil de Carotte (1894), Le Vigneron dans sa vigne (1894), Histoires naturelles (1894), La Maîtresse (1896)...
Il fréquente Alfred Capus, Alphonse Allais, Lucien Guitry, Sarah Bernhardt, Marcel Schwob. Tâte à Mallarmé. Se pâme et s'irrite devant Edmond Rostand. Chante et siffle les louanges de Victor Hugo. Se fait des petites misères: "Jules Renard, ce Maupassant de poche [...] On dira de lui qu'il était le premier des petits écrivains". Accumule les proverbes à ras de terre, avec lesquels il bourre, jusqu'à l'indigestion, ce qui deviendra son célèbre Journal, note, prélève, s'ausculte, se visite, pas en touriste — il est le contraire d'un touriste — mais en licencié ès introspection. Fait la navette entre Paris et Chaumot, où il a loué "La Gloriette", et où il est conseiller municipal. Se permet la Légion d'Honneur. S'en raille doucement, comme une taupe revenue de tout.
Les choses du théâtre le requièrent. Son goût de l'anecdote, du mot pris au piège, de l'instant épinglé, lui donne envie d'écrire des pièces: Le Plaisir de rompre (1897) et Le Pain du ménage (1898), deux parfaites mises en scène de ses petites obsessions.
En 1904, Jules Renard est élu maire de Chitry, en 1907 à l'Académie Goncourt. On dirait presque qu'il a réussi. Il n'en est rien. Il se découvre une âme vaguement sociale: "Ce qui m'amuse, c'est d'écrire pour rien de petits articles moraux dans un petit journal de la Nièvre". On est maire ou on ne l'est pas. Entre 1898 et 1908: Les Bucoliques, dont on peut faire son chef-d'oeuvre, et Monsieur Vernet. En 1897, son père s'est tué. En 1909, sa mère se noie dans le puits. On ne saura jamais s'il y eut suicide. Antoine présente La Bigotte à l'Odéon.
Enfin, le 22 mai 1910, après bien des alarmes — il note, le six du même mois: "Je veux me lever cette nuit. Lourdeur. Une jambe pend dehors. Puis un filet coule le long de ma jambe. Il faut qu'il arrive au talon pour que je me décide. Ça séchera dans les draps, comme quand j'étais Poil de Carotte" — Jules Renard meurt, atteint d'artériosclérose.
Paraîtront après sa mort: L'Oeil clair (1913), Les Cloportes (1919), le Journal et la Correspondance (1925-1927).
Georges Perros,
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Paris, mardi 15 octobre 2024