Maurice Sachs

Biographie
Maurice Sachs
Maurice Sachs

Écrivain français, Maurice Sachs — pseudonyme de Maurice Ettinghausen — est né à Paris le 16 septembre 1906.

Ce chroniqueur brillant et amoral de l'entre-deux-guerres naît dans une famille de la bourgeoisie israélite libérale socialement déclassée. Il ne connaît rien de son père, Herbert Ettinghausen (dont il reniera le nom), qui abandonne très tôt le domicile conjugal et divorce en 1912. Sa mère, Andrée Sachs, ne se soucie pas beaucoup de lui. Elle le confie à un internat très snob de style anglais. Maurice y découvre sa judéité, son homosexualité, son attirance pour le vol et son amour de la littérature. Peu avant le baccalauréat, il est exclu de l'institution pour pratiques homosexuelles.

Jeté sans ressources dans la vie parisienne à 17 ans, Maurice Sachs rencontre Jean Cocteau, qui le fascine. Il en devient le secrétaire particulier. À son exemple, il se convertit au catholicisme en 1925 puis, sous l'influence de Jacques et Raïssa Maritain, entre au séminaire des Carmes. Il doit quitter l'établissement avant d'endosser le sacerdoce à la suite du scandale dont il est l'objet en 1926, s'étant affiché avec un très jeune Américain homosexuel à Juan-les-Pins.

Cocteau l'envoie alors à Max Jacob qui le recueille à Saint-Benoît dans le Loiret et l'encourage à écrire. L'attrait du vol que Sachs a découvert en lui dès l'enfance et différentes compulsions qui le rendent aussi odieux que malheureux lui font rencontrer le psychanalyste René Allendy, avec qui il entreprend une cure rapide. Mais il retombe bientôt dans ses errements: débauche, frivolité, snobisme, vol.

À la suite de diverses escroqueries et indélicatesses, il doit fuir ses créanciers. En 1930, il quitte Paris pour New York où il écrit son premier livre, en anglais, La Décade de l'illusion (version française publiée à titre posthume en 1950), chronique nostalgique du Paris de 1925, désormais englouti dans la crise.

En juin 1932, Maurice Sachs épouse aux Etats-Unis Glwadys Matthews, fille d'un pasteur presbytérien, après s'être converti pour elle au protestantisme, mais il abandonne bientôt sa jeune épouse au profit d'un jeune homosexuel californien qu'il ramène à Paris en 1933. Il mène alors une vie misérable jusqu'à ce qu'André Gide lui procure un emploi aux éditions de la N.r.f..

En 1935, il publie un premier roman autobiographique, Alias, où il caricature outrageusement Max Jacob, perdant ainsi l'amitié du poète. En 1936, il publie de brèves biographies à la gloire de Maurice Thorez et d'André Gide. Au théâtre, il traduit et monte la même année avec Pierre Fresnay une pièce de Terence Rattigan, L'Écurie Watson. En 1939, il publie à la Nouvelle Revue Critique (N.r.c) un livre de souvenirs plus ou moins fictifs, Au temps du Bœuf sur le toit, sous-titré Journal d'un jeune bourgeois à l'époque de la prospérité, où il relate la vie parisienne effervescente des années 1919 à 1929 et dresse les portraits des artistes et intellectuels qui fréquentaient alors ce cabaret des années folles: Jean Cocteau, André Breton, André Gide, Francis Picabia, Max Jacob, Pablo Picasso, Tristan Bernard, Louis Aragon, Igor Stravinsky, Erik Satie, Ernest Hemingway, Django Reinhardt, etc.

La même année, il écrit aussi ses mémoires, plus ou moins fictifs, mais l'ouvrage ne peut sortir en raison de la guerre. Ce livre-confession ne paraîtra qu'après guerre sous le titre Le Sabbat, Souvenirs d'une jeunesse orageuse (1946).

Maurice Sachs se réfugie à Bordeaux lors de la débâcle de mai 1940 mais rentre à Paris dès le mois de juin. Durant l'Occupation, il vit d'expédients et de divers trafics au marché noir, connaît de nombreuses aventures sexuelles, intellectuelles (rencontre avec les philosophes Ferdinand Alquié et Yvon Bélaval), voire affectives. En 1942, sans ressources et compromis dans diverses malversations, il se réfugie pendant quelques mois à Anceins, en Normandie, chez la future romancière Violette Leduc qu'il fait passer pour sa femme. Celle-ci en parlera de façon émouvante dans son roman autobiographique, La Bâtarde (1964).

En novembre 1942, aux abois et bien que juif, il s'engage comme travailleur volontaire en Allemagne nazie. Mais, tolérant mal cette vie de labeur sans gratification, il offre ses services à la Gestapo de Hambourg dont il devient un agent, espionnant et dénonçant résistants et communistes sur les chantiers: pur et simple opportunisme d'un personnage qui considère que «tout est permis» plutôt que convictions idéologiques réelles. Il fréquente la faune des milieux homosexuels et des collaborateurs, entre autres de la Légion des Volontaires Français (LVF) de Hambourg. Il est toutefois lui-même suspecté en 1943 et incarcéré à la prison de Fülsbuttel, où il restera incarcéré jusqu'en avril 1945.

Maurice sachs est évacué avec d'autres prisonniers à l'arrivée de l'armée britannique et soumis à une marche forcée en direction de Kiel mais, trop affaibli pour poursuivre, il est abattu par les soldats SS au bord du chemin le 14 avril 1945.

Sous l'impulsion de Yvon Belaval, une dizaine de ses livres paraîtront à titre posthume entre 1945 et 1960: Chronique joyeuse et scandaleuse (1948), La Chasse à courre (1949), La Décade de l'illusion (1950), Abracadabra (1952), Derrière cinq barreaux (1952), Tableau des mœurs de ce temps (1954), Histoire de John Cooper d'Albany (autobiographie romancée, 1955), Le Voile de Véronique (1959). Le Sabbat (1946) et La Chasse à courre (1948) sont sans doute les meilleurs.

Maurice Sachs, mort à trente-neuf ans en avril 1945, aura mené une vie tout à la fois picaresque et tragique, où le sordide d'un petit escroc juif homosexuel qui fréquentait le tout-Paris avant de devenir collaborateur des Nazis le dispute au désir constant de devenir un grand écrivain.

Henri Raczymow,

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Paris, samedi 20 avril 2024