Romancier polonais, Henryk Sienkiewicz est né à Wola Okrzejska (Pologne russe) le 5 mai 1846.
Il appartient à une famille de noblesse terrienne et grandit à la campagne, dans un milieu où les traditions polonaises sont très vivantes. Il fait de brillantes études universitaires à Varsovie et se consacre ensuite au journalisme. Actif collaborateur de la Gazette polonaise, critique littéraire avisé, fin et intelligent, possédant de surcroît une large connaissance des littératures étrangères, familier des questions sociales, il conquiert bientôt les premières places dans la presse polonaise.
Sienkiewicz aborde alors la littérature. Ses premières nouvelles, En vain (1870), Le Vieux Serviteur, Annette, Selim Mirza, Pièces humoristiques, se ressentent encore de l'influence des grands écrivains polonais du milieu du XIXe siècle: Joseph Ignatius Kraszewski et Michal Czajkowski.
De 1876 à 1879 il voyage en Californie, en France et en Italie. Plus tard ce sont l'Espagne, la Grèce, la Turquie et l'Amérique. C'est pendant son séjour aux États-Unis que s'opère l'éclosion de son individualité. Il y écrit une quinzaine de Lettres d'Amérique—sans doute le plus beau livre de voyages de la littérature polonaise—et des nouvelles, parmi lesquelles Le Gardien du phare.
Un premier roman, Esquisses au fusain, satire sanglante de l'ignorance et de la grossièreté des paysans polonais, met le jeune journaliste en vedette. Dans ce livre, l'auteur faisait une peinture vigoureuse de la vie du peuple, et montre un sens rare de la satire et de l'envolée poétique. Cependant le livre est surtout resté vivant grâce à l'évocation d'une figure de simple paysanne polonaise.
En Californie, au bord du Pacifique, l'écrivain sent monter en lui une inspiration riche et nouvelle, comme le révèlent ses pages autobiographiques. À la recherche du pain est un livre inspiré par l'existence des premiers colons polonais. À travers les steppes est l'histoire d'une délicate idylle américano-polonaise. Il décrit la vie des cirques américains dans Orso, celle des colons avec leurs conflits tragiques et comiques dans La Comédie des erreurs où, comme le fit Mérimée, il sait caractériser chacun de ses personnages complexes par des traits particuliers à son origine et à sa race. Le voyage en Amérique aura pour lui la même importance que celui de François-René de Chateaubriand au bord du Meschacébé et celui de Goethe en Italie.
De retour en Pologne, Henryk Sienkiewicz reprend son activité de journaliste et de conteur. Paraissent alors Yanko, le musicien, L'Organiste de Ponikla, Bartek le vainqueur et Extraits du journal d'un maître d'école de Poznan. Un roman en quatre volumes, Par le fer et le feu (1884), inaugure une série d'œuvres nées de la même préoccupation. Ce dernier livre, qui met en scène une foule de personnages avec chacun son caractère et son activité personnelle, illustre la lutte de la Pologne du XVIIe siècle contre les cosaques zaporogues. Il remporte un immense succès et devient, avec Messire Thadée d'Adam Mickiewicz, l'évangile de la nation polonaise.
Sienkiewicz abandonne dès lors le journalisme et se consacre uniquement à la littérature. Deux autres romans suivent, puisés dans l'histoire des guerres du XVIIe siècle, l'un dans celle de la guerre contre les Suédois: Le Déluge (1886), l'autre dans celle de la lutte contre les Turcs: Messire Wolodyjowski (1888). Les trois romans sont réunis sous le titre de Trilogie. Paraît ensuite Sans dogme (1891), roman psychologique sur "l'improductivité slave" et sur le dilettantisme, puis La Famille Polaniecki (1894), où l'auteur préconise un retour à la simple religion d'autrefois.
Sienkiewicz se tourne ensuite vers l'âme de l'ancienne Rome. Le conflit entre le christianisme naissant et l'État romain le captive. Il le décrit dans son célèbre Quo Vadis? (1894), qui, traduit dans toutes les langues, sera tiré à plusieurs millions d'exemplaires. L'œuvre est qualifiée de tendancieuse envers le christianisme. Elle n'est pourtant pas écrite dans une intention de propagande, et elle est infiniment supérieure à la Fabiola ou l'église des catacombes du cardinal Wiseman.
De 1897 à 1900, il revient au passé douloureux de la Pologne en écrivant Les Chevaliers teutoniques.
L'automne littéraire de l'écrivain se caractérise par une activité vigoureuse. Il publie une série de contes philosophiques, un roman pour la jeunesse, Au Désert et dans la brousse, traduit en français en 1934, sous le titre Le Gouffre noir, souvenir d'un voyage en Afrique effectué en 1891, et une œuvre sur la période de la participation de la Pologne à la Révolution française et aux guerres de la première République: Les Légions.
En 1905, Henrik Sienkiewicz reçoit le prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son œuvre. Devenu célèbre, il défend la cause de son pays devant l'Europe. Il adresse une lettre ouverte à Guillaume II afin de protester contre l'oppression prussienne. En 1905, il est élu à la présidence de la "Mère des écoles", société qui réunit de l'argent pour la fondation de nouvelles écoles polonaises avant d'être dissoute par le gouvernement tsariste. À la déclaration de la Première Guerre mondiale, l'écrivain est en Suisse. De Lausanne, il vient en aide à ses compatriotes éprouvés par la guerre.
C'est en pleine activité que Sienkiewicz meurt à Vevey (Suisse), emporté par l'artériosclérose, le 15 novembre 1916, à l'âge de 70 ans. Ses restes sont solennellement transférés à Varsovie en octobre 1924.
L'édition critique complète de ses œuvres, publiée entre 1948 et 1955 sous la direction de Julian Krzyzanowski, compte soixante volumes.
Marina Bersano Begey,
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Paris, mercredi 11 septembre 2024