Laurence Sterne

Biographie

Écrivain anglais, Laurence Sterne est né à Clonmel, en Irlande du Sud, le 24 novembre 1713.

Son père est officier subalterne dans l'armée anglaise, aussi les dix premières années de sa vie s'écoulent-elles de ville en ville et d'un coin de l'Irlande à l'autre au gré des changements de garnison.

De dix à dix-huit ans, Sterne suit les cours d'une école d'Halifax, puis est envoyé au Jésus College de Cambridge. Il entre alors dans les ordres et se voit attribuer, grâce à l'influence de son oncle qui est chanoine d'York, la cure, proche de cette ville, de Sulton-in-the-Forest.

En 1741, il épouse Elizabeth Lumley et reçoit deux ans plus tard la cure de Stillington qu'il administre en même temps que la première. Il est aussi prébendier de la cathédrale d'York mais a fait de Sutton sa résidence habituelle. Il y vit durant vingt ans une vie exempte d'événements importants.

Sterne est loin d'être un pasteur zélé. Il lui arrive d'oublier les offices pour chasser la perdrix. Surtout, il rend de fréquentes visites à l'un de ses anciens condisciples de Cambridge avec lequel il mène joyeuse vie en compagnie d'un cercle de bons vivants qui se sont surnommés "les démoniaques". Cet ami, John Hall-Stevenson, laisse quelques œuvres qui, tout en leur étant très inférieures, rappellent celles de Sterne et nous renseignent sur les circonstances de leur inspiration.

Sa première publication, en 1747, est celle d'un sermon prêché à York sous le litre de The Case of Elijah. Il donne ensuite, en 1750, The Abuses of Conscience, qu'il reprendra plus tard dans Tristram Shandy. En 1749, il écrit, à propos d'une querelle survenue au sein du chapitre de la cathédrale d'York, un sketch comique qui témoigne de toutes les possibilités de son talent d'humoriste. Ce texte alors intitulé A Political Romance, ne paraîtra qu'en en 1769, après sa mort, sous le titre de History of a Warm Watch-Cout.

Entre-temps, Laurence Sterne s'est brouillé avec son oncle et protecteur. Il a alors quarante-six ans et rien ne semble devoir venir l'arracher à sa petite vie de province lorsque la publication, à la fin de 1759, des deux premiers volumes de son roman Vie et Opinions de Tristram Shandy, le rend brusquement et immédiatement célèbre. Les lecteurs d'York sont scandalisés par l'indécence de leur clergyman, ceux de Londres sont charmés par son audace et son esprit.

Il vient à Londres en mars 1760 et découvre qu'il est devenu une figure du monde, qu'il est partout invité à dîner et que même les princes se font un honneur de le recevoir. Une réédition des deux premiers tomes de son roman étant déjà devenue nécessaire, il fait paraître en même temps deux volumes de sermons, sous le titre de Sermons de M. Yorick, qui deviennent eux aussi très populaires bien que son talent de prédicateur soit très inférieur à son talent d'humoriste.

Lord Fauconberg lui fait alors obtenir l'importante cure de Coxwold, et il s'y installe avec la ferme décision d'écrire activement afin de pouvoir donner deux volumes de Tristram Shandy par an. Il se tient parole et publie les volumes III et IV en 1761, les volumes V et VI en 1762, mais l'état de sa santé ne lui permet plus ensuite de travailler à ce rythme.

Son médecin lui recommande d'aller se reposer dans le sud de la France et il part. À son passage à Paris, les cercles littéraires le reçoivent avec enthousiasme et il connaît partout un accueil au moins aussi chaleureux que celui dont il a bénéficié à Londres, ce qui lui permet d'acquérir une profonde connaissance de la "bonne société" française. Malgré les fêtes dont on l'entoure et la faiblesse de sa santé, il continue à bâtir l'histoire de sa famille Shandy mais ce n'est qu'en 1765 qu'il peut faire paraître les volumes VII et VIII. Il vient de rentrer en Angleterre après une absence de deux ans et demi et raconte, dans une longue digression qui occupe pratiquement tout le volume VII, ses voyages en France à la recherche de la santé.

II donne en même temps deux nouveaux recueils de sermons mais la maladie l'oblige à quitter de nouveau l'Angleterre et il part pour l'Italie qu'il visite jusqu'à Naples. À son retour, il publie le neuvième et dernier volume de Tristram Shandy et se tourne vers un nouveau projet qu'il entend traiter très longuement. C'est son fameux Voyage sentimental en France et en Italie, dont les deux premiers tomes sortent en librairie au début de 1768. Il ne peut malheureusement mener plus loin son projet car une attaque d'influenza qui dégénère en pleurésie l'emporte trois semaines après cette publication.

Laurence Sterne meurt à Londres le 18 mars 1768, à l'âge de 54 ans. Sa mort solitaire est diversement commentée car il ne s'entendait pas avec sa femme et ses nombreux succès féminins avaient fait scandale tout au long de sa carrière d'homme célèbre. C'est d'ailleurs à ses lettres que nous devons le meilleur de ce que nous savons sur son caractère et en particulier à celles qu'il adressa à une jeune Française, Catherine de Fourmantelle, qui habitait York avec sa mère, ainsi qu'à son dernier amour, Elizabeth Draper, lettres qui furent publiées en 1775 sous le titre de Letters From Yorick to Eliza (1766-1767). Sterne avait également tenu un Journal to Eliza (1767) sur ses rapports avec Elizabeth Draper, journal qui va d'avril à août 1767, jusqu'au départ d'Eliza pour les Indes avec son mari.

En fait le talent de Sterne défie tous les commentaires et toutes les analyses, comme s'il n'avait jamais existé d'homme si libre et si anticonventionnel. Il faut lire et relire ses œuvres pour découvrir, derrière le jeu amusant des descriptions, des dialogues et des caractères, sa véritable profondeur qui est faite d'une incomparable connaissance de la condition humaine et d'une telle science de la langue qu'on commence à découvrir en lui le lointain précurseur de James Joyce. Célèbre dans un siècle qui abondait en hommes célèbres, il s'impose désormais comme l'un des premiers écrivains de langue anglaise.

Bernard Noël,
(sans date)

  1. Laurence Sterne - Tristram Shandy

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