Diariste, peintre et sculptrice russe, Marie Bashkirtseff — née Maria Kostantinovna Bashkirtseva — est née le 11 novembre 1860 au domaine de Gavrontsi, près de Poltava (ancien Empire russe). Son père, général dans l'armée du Tsar, est un noble fortuné. Il exerce des fonctions importantes mais l'aristocratie russe se méfie de lui. Marie a un frère, Paul, qui sombre bientôt dans la dépravation. Enfant gâtée, elle est l'espoir de la famille. On lui prédit un beau mariage et un avenir de princesse ou de duchesse.
Marie reçoit une éducation française et apprend à parler quatre langues (russe, français, anglais et italien) en plus du grec et du latin. En 1872, après quelques séjours à Vienne et Genève, sa mère, semi-française alors séparée de son mari, s'installe à Nice et continue de parcourir l'Europe avec elle. Assoiffée de connaissances, elle étudie les auteurs classiques et contemporains, se consacre à la musique et au chant, puis se lance dans des études d'art.
En 1877, elle entre à l'Académie Julian, l'une des rares grandes écoles d'art en Europe à accepter les femmes. Elle a entre autres pour compagnes d'atelier Louise Catherine Breslau et Madeleine Zillhardt. Très douée, elle s'adonne surtout à la peinture, excellant plus spécialement dans l'art du portrait de femmes, mais aussi dans le paysage et la nature morte de style naturaliste.
Elle tombe brièvement amoureuse du journaliste et député d'extrême-droite Paul de Cassagnac, farouche ennemi de la République alors que, de son côté, ses idées politiques évoluent du royalisme vers le socialisme, le républicanisme et le féminisme.
Sous le nom de Marie Konstantinovna elle expose ses œuvres pour la première fois au Salon de 1880. Elle fréquente la société Le droit des femmes et collabore à La Citoyenne, journal de la suffragette féministe Hubertine Auclert. Elle y rédige notamment, sous le pseudonyme de Pauline Orell, la critique du Salon de 1881. La même année, elle peint Dans l'Atelier, tableau représentant l'atelier des femmes artistes de l'Académie Julian.
En 1882, elle se lie d'amitié avec le peintre Jules Bastien-Lepage. Elle apprécie également beaucoup le travail et l'amitié d'Édouard Manet, achetant même son tableau intitulé Gitane avec une cigarette. Parallèlement, elle continue d'écrire son Journal et correspond régulièrement avec plusieurs écrivains qu'elle admire: Émile Zola, Guy de Maupassant, Alexandre Dumas (fils), Edmond de Goncourt,… En 1884, son tableau Un Meeting, connaît un certain succès public. Elle s'essaie également à la sculpture (Douleur de Nausicaa, 1884).
Mais Marie Bashkirtseff est surtout connue pour son célèbre Journal autobiographique. Commencé en 1873, celui-ci se poursuit jusqu'à sa mort en 1884. Dès les premières pages, on surprend l'extraordinaire vie intérieure de cette enfant de treize ans qui, déjà mûre, aborde avec une simplicité pensive les problèmes les plus graves. Puis le tableau s'enrichit d'instantanés sur son existence de jeune fille cosmopolite belle, riche, libre et courtisée, artiste cultivée à l'esprit vif et brillant, amie des écrivains et des peintres, voyageant partout en Europe. Elle séjourne avant tout à Nice qu'elle adore et décrit admirablement, mais aussi à Rome, Naples, Florence, Paris, Saint-Pétersbourg, etc., entre deux passages au domaine familial de Gavrontsi. Elle dresse les portraits de ses contemporains (Léon Gambetta, Émile Zola, les frères Goncourt, Sully Prudhomme, Guy de Maupassant, Jules Bastien-Lepage,…), rend compte de ses études et de ses lectures, confie ses révoltes, ses ambitions artistiques, ses rêves de gloire. Elle relate aussi ses histoires sentimentales avec des courtisans qu'elle rejette les uns après les autres: Émile d'Audiffret (jeune bourgeois niçois), le duc d'Hamilton (noble anglais) , Pietro Antonelli (fils d'un notable florentin), Bovidar Karageorgevitch (prince russe),… Mais sous ce voile de vie mondaine, apparait cependant une personnalité complexe, ardente et inquiète, où la passion pour l'art revêt la plus grande importance. Phtisique, elle sent déjà qu'elle n'aura pas le temps de mûrir sa recherche. Elle se débat contre l'idée de la mort, ne veut rien perdre de ce que la vie peut donner. Aussi intelligente et lucide qu'ingénue, elle confie à ce journal intime une expérience vécue avec la plus grande fraîcheur d'âme.
Minée par la tuberculose, Marie Bashkirtseff décède à Paris le 31 octobre 1884, à l'âge de 24 ans. Son tombeau, construit par Émile Bastien-Lepage (frère de son ami) au cimetière de Passy, est classé monument historique.
Outre son Journal, publié à partir de 1885, qui connaîtra plusieurs éditions différentes plus ou moins expurgées par sa famille, et sa correspondance publiée en 1891, Marie Bashkirtseff laisse une oeuvre riche d'une centaine de tableaux, 80 dessins et 5 sculptures.
Jean Bruno,
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Paris, mardi 15 octobre 2024