Aventurier et mémorialiste italien, Giacomo Girolamo Casanova est né à Venise (Italie) le 2 février 1725.
Son père, Gaetano Casanova, un comédien, a épousé la fille d'un cordonnier, Zanetta Farussi, elle aussi comédienne. Premier enfant de cette famille roturière, il aura trois frères, dont deux, Francesco et Giovanni, seront peintres, et une soeur qui épousera un maître de clavecin à Dresde.
Giacomo Casanova est d'abord élevé par sa grand-mère maternelle, Marsia Farusso, qu'il adore. Son père meurt en 1733. Sa mère, enceinte de son cinquième enfant, continue sa carrière de comédienne hors de Venise.
De 1735 à 1742, il suit des études de droit et de théologie à l'université de Padoue. Remarquablement doué, s'intéressant à tout, grammaire, prosodie, mathématiques, droit, théologie, cosmographie, musique, il dévore les auteurs anciens et modernes: savants et philosophes, prosateurs et poètes. Comme on le destine à l'état ecclésiastique, on le place dans un séminaire de Venise où il reçoit la tonsure et les ordres mineurs, mais sa carrière de prédicateur tourne court après un sermon catastrophique. Ses moeurs déjà libertines ne tardent pas à le faire renvoyer du Séminaire. Il effectue des stages dans des cabinets d'avocat et passe son Doctorat de droit. Une liaison avec la favorite du sénateur Malipiero lui fournit l'occasion de faire connaissance avec les prisons de la République, au fort San Andrea. Relâché, il erre allors pendant plusieurs mois à travers l'Italie.
Cherchant toujours à se faire admettre dans le clergé, il réussit à obtenir chez le cardinal Acquaviva, à Rome, une place de secrétaire qui le met en relations avec le pape Benoît XIV. Il rejoint en Calabre l'évêque Bernardo de Bernardis mais il est rapidement congédié à la suite d'une étourderie, emprisonné quelque temps à Ancône, et regagne Venise où il prend du service dans l'armée.
Après une escale à Naples, Casanova s'installe à Rome au mois de juin 1744. Il y trouve un travail auprès de l'ambassadeur d'Espagne, le cardinal Acquaviva. L'année suivante, à la suite d'une affaire de rapt dont il a été complice, il doit quitter quitter Rome et abandonne tout espoir de carrière dans l'Église. Il gagne la Turquie puis revient à venise en 1746. Il doit alors se contenter d'un emploi de violoniste dans l'orchestre du théâtre San Samuele, et mène une vie médiocre jusqu'au jour où le sénateur Bagradino, ayant été frappé devant lui d'apoplexie, il parvient à le ranimer et à le ramener chez lui où il opère en quelques jours une guérison d'allure miraculeuse. Il achève de gagner la confiance absolue du rescapé en faisant mine d'être initié aux sciences occultes et en lui promettant la pierre philosophale. Casanova peut alors commencer à tenir le train fastueux d'un grand seigneur accaparé par les soupers fins, le jeu, les intrigues et surtout les femmes. Il fait la connaissance du sénateur Bragadin qui devient son protecteur. Il est mêlé à des affaires de jeu et se fait rapidement une réputation sulfureuse dans la Sérénissime. Au début de l'année 1749, il voyage dans le Nord de l'Italie et en Suisse: Vérone, Milan, Crémone, Césène, Genève... À l'automne, il rencontre et enlève la Provençale Henriette dont il est très amoureux. Le couple s'installe à Parme, mais Henriette est contrainte de le quitter au début de l'année suivante.
La grande aventure ne commence qu'en 1750, avec le départ de Casanova pour la France: à Lyon il est reçu dans la franc-maçonnerie, puis séjourne deux ans à Paris dans les coulisses de la Comédie Italienne, en particulier de la famille Balletti, faisant lui-même du théâtre. Cherchant le plaisir auprès de femmes mariées de la plus haute société, de jeunes filles sortant à peine du couvent, mais aussi bien auprès de servantes et de souillons, accumulant les scandales galants et les dettes de jeu, il est bientôt contraint de fuir la colère des dupes et des jaloux, passant alors en Allemagne, recommençant les mêmes fredaines et les mêmes indélicatesses à chacune de ses étapes: Dresde, Prague et Vienne, où il fait la connaissance du poète Métastase.
Casanova regagne Venise en 1755. Autour de lui le scandale redouble: il s'est mis à faire auprès des jeunes gens une sorte de prosélytisme pour la débauche et, d'autre part, les histoires de Kabbale et de Rose-Croix qu'il raconte complaisamment en tout lieu excitent l'intérêt des inquisiteurs. Il séduit la religieuse M. M., la maîtresse de l'abbé de Bernis, alors ambassadeur de France à Venise. Il est arrêté et condamné à cinq ans de prison pour impiété, libertinage, exercice de la magie et appartenance maçonnique. Incarcéré aux "Plombs" du Palais ducal, dans une cellule étouffante située sous un toit composé de lamelles de plomb, il réussit à s'évader le 1er novembre 1756 et quitte Venise, où il ne reviendra que dix-huit ans plus tard (v. Histoire de ma fuite des Plombs de Venise, 1788). Il reprend sa course à travers l'Europe qui lui sert désormais de patrie.
De nouveau à Paris, il trouve le moyen de s'introduire dans la meilleure société, devient même un familier du duc de Choiseul. Il fait la connaissance de la Marquise d'Urfé, passionnée d'occultisme, qu'il escroque sans scrupule, pendant qu'il vit un amour platonique avec Manon Balletti. Il effectue des missions pour le compte du gouvernement français, fonde une manufacture d'étoffes et, ayant séduit plusieurs financiers, organise une loterie dont les produits considérables permettent à l'État d'achever la construction des bâtiments de l'École militaire. Cette loterie fonctionnera jusqu'en 1836.
Tour à tour financier, diplomate, publiciste, magicien, charlatan, il n'est pas une grande ville d'Europe que Casanova ne traverse, de Madrid à Moscou, de Londres à Constantinople. De sa propre autorité, il se décerne le titre de "Chevalier de Seingalt". Toujours homme à bonnes fortunes, car ce séduisant garçon plaît aux dames et par elles il s'introduit auprès des gens en place et même des souverains, il passe de la cour de Georges II à Londres à celle de Frédéric le Grand à Berlin (qui veut le nommer gouverneur de son École des cadets) ou de celle de Catherine II à Saint-Pétersbourg (avec laquelle il a plusieurs entretiens) à la prison; de discussions avec Voltaire et Jean-Jacques Rousseau à la promiscuité avec des ruffians et des prostituées; de l'amitié de Souvaroff (rencontré à Florence) à celle de Cagliostro; d'un duel avec le général polonais Braniski à une rixe de cabaret. A Paris il se fait présenter à Mme de Pompadour et réussit à paraître à la Cour de France. A Dresde, le théâtre royal donne sa traduction du Zoroastre de Cahuzac avec la musique de Rameau. A Rome, le pape le décore, tout comme Gluck ou Mozart, de l'ordre de l'Eperon d'or. En Espagne, il intéresse les ministres, comme le fera un peu plus tard Beaumarchais, à de grands projets de mise en valeur des territoires déshérités.
Les moyens d'existence de cet infatigable globe-trotter ne sont pas toujours avouables. Il use cyniquement de ses charmes auprès des dames vieillissantes, sait fort bien, quand il le faut, corriger au jeu la fortune, paie ses créanciers au moyen de chèques sans provision, et utilise auprès des naïfs et des esprits faibles les secrets de la Kabale. Il est connu de toutes les polices de l'Europe, mais sa séduction personnelle, ses talents d'homme à projets, d'homme d'esprit et de causeur emportent tout. "Dans tout ce que Casanova produit, dit de lui le prince de Ligne, il y a du trait, du neuf, du piquant et du profond." Aussi est-il en commerce d'amitié et de correspondance avec quantité de savants et de littérateurs des deux sexes. Lui-même fait partout figure d'homme de lettres et aborde en des livres, brochures, articles de journaux les sujets les plus divers.
À la fin de l'année 1758, lors d'un séjour de quelques mois aux Pays-Bas, il fait la connaissance de la belle Esther. En août 1759, il est incarcé pendant deux jours au For-l'Evèque pour de fausses lettres de change. En 1763, à lieu à Marseille, en compagnie de la jeune Marcoline, une cérémonie avec Mme d'Urfé, qui doit conférer à celle-ci l'immortalité, et se solde pour Casanova par un transfert de cassette. En 1763, il effectue un séjour désatreux à Londres, puis se prend d'une passion suicidaire pour la Charpillon (épisode qui inspirera le récit de Pierre Louÿs, La Femme et le pantin). En 1765, il se soigne à Wesel d'une maladie vénérienne. Guéri, il se rend à Berlin, Moscou et Saint-Pétersbourg. À Varsovie, il se bat en duel contre Branicki, un des hauts personnages de la cour, avant d'être expulsé de Pologne. Il erre à Dresde, leipziz, Prague, Vienne, Munich, Mayence, Cologne et Spa, où un aventurier de ses amis lui confie sa jeune femme enceinte, Charlotte, qui meurt en couches.
En 1767, chassé de Paris par une lettre de cachet, il se rend d'abord à Munich, puis passe en Espagne où il échoue dans une prison de Barcelone. C'est là qu'en 1769, pour se concilier les bonnes grâces des autorités de la Sérénissime République, il rédige sa Réfutation de l'Histoire du gouvernement de Venise d'Amelot de la Houssaye. En octobre 1772, il s'installe à Trieste, aux portes de la Vénétie, attendant son retour en grâce. En septembre 1774, il est autorisé à rentrer dans sa ville natale. C'est, dans sa vie aventureuse, une de ces pauses pendant lesquelles Casanova, qui n'a rien d'un philosophe ni d'un esthète, qui se garde bien d'autre part de hausser son cynisme pratique jusqu'à une critique générale de l'état social, mais qui, cependant, a touché un peu à tout dans les arts, les lettres et les sciences, se délasse en se consacrant à des tentatives littéraires.
Déjà il a composé une cantate à trois voix, Le Bonheur de Trieste, il s'est essayé au roman historique avec ses Anecdotes vénitiennes d'amour et de guerre du XIVe siècle, sous le gouvernement des doges Giovanni Gradenigo et Giovanni Dolfin. En 1775, il rapporte à Venise son Histoire des troubles de Pologne. Il rencontre Lorenzo Da Ponte, traduit L'Iliade d'Homère, publie un Éloges de M. de Voltaire par différents auteurs et un Opuscoli miscellanei qui contient notamment la récit intitulé Le Duel. En 1780, il s'improvise imprésario d'une troupe de comédiens français et lance une revue de critique dramatique, Le Messager de Thalie.
En acceptant en 1781 de devenir un indicateur de l'Inquisition et de dénoncer les libraires qui se prêtent à la propagande "philosophique" des Lumières, Casanova pense avoir assuré sa sécurité à Venise. Mais un terrible libelle contre Grimani et l'aristocratie vénitienne, intitulé Ni dames ni amour, l'oblige à s'éloigner pour toujours de la lagune.
De 1783-1784, nouvelle période d'errance: on voit Casanova à Francfort, Aix-la-Chapelle, Spa, Amsterdam, Anvers, Bruxelles, Paris, Berlin, Dresde, Vienne, où il est secrétaire de l'ambassadeur de Venise Foscarini et se lie d'amitié avec le comte de Waldstein-Wartenberg, neveu du prince de Ligne, qui, par charité, le recueille en 1785 dans son château de Dux, en bohême, comme bibliothécaire.
C'est pendant ces dernières années assez humiliantes — en l'absence de son hôte, qui d'ailleurs l'exhibe comme une curiosité devant ses invités, il est obligé, par exemple, de prendre ses repas à l'office, en compagnie des valets — que l'extraordinaire aventurier entretient une dernière correspondance tendre avec une jeune fille, Cécile de Ruggendorf, qu'il ne rencontrera jamais. C'est surtout là qu'il écrit son roman fantastique Icosameron ou Histoire d'Édouard et d'Élisabeth (1788), un travail sur les mathématiques, Solution du problème déliaque, uen Lettre à Leonard Snetlage à propos de son dictionnaire sur les nouvelles expressions du peuple français, et surtout ses deux livres autobiographiques, Histoire de ma fuite des Plombs de Venise et Histoire de ma vie. Ce sont ces deux derniers livres écrits directement en français (un français toutefois non exempt d'italianisme) et publiés à titre posthume en 1822 qui font aujourd'hui sa gloire, à juste titre, car ils ne sont pas seulement le portrait d'un homme, mais le tableau de toute une époque. Ces Mémoires, dans lesquels le vrai et le moins vrai sont habilement dosés, feront alors les délices d'un Musset, d'un Stendhal, d'un Delacroix et de tous ceux enfin qui veulent y retrouver, sous les récits trop souvent érotiques de Casanova, les prestiges libertins du XVIIIe siècle européen et français, gracieusement parés d'un style aisé et pimpant révisé par Jean Laforgue.
Giacomo Casanova est mort au château de Dux (Bohême) le 4 juin 1798, à l'âge de 73 ans.
Jacques Patry,
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Paris, lundi 14 octobre 2024