Écrivain grec, Georges Cheimonas est né le 16 mars 1938 à Kavàla (Thrace). Après avoir grandi à Thessalonique, puis étudié la médecine à Paris, Cheimonas a longtemps vécu à Athènes, où il a exercé le métier de neuro-psychiatre.
Son oeuvre, totalement isolée dans son époque, tient pour l'essentiel dans une dizaine de récits dont un seul dépasse les cinquante pages. Pisistrate, qu'il écrit à 19 ans, est déjà d'une force étonnante, mais c'est en 1964, dans L'Excursion, que s'affirme la voix de Cheimonas, avant d'atteindre sa pleine maturité avec Roman (1966), Le Docteur Ineotis (1971) et la trilogie Le Mariage (1974), Le Frère (1975) et Les Bâtisseurs (1979) — publiée en français sous ce dernier titre. Chacun de ces livres est un cortège de visions étranges et violentes, rapportées dans une langue torturée, brisée.
Pourtant, si cette oeuvre exploratoire semble tournée vers le futur, on y reconnaît vite, plus ou moins déformés, les mythes et les voix de trois mille ans d'histoire grecque: Cheimonas, l'iconoclaste apparent, est en même temps l'héritier d'Héraclite, des grands tragiques, de saint Jean de Patmos, des auteurs byzantins, des chants populaires, et des deux pères fondateurs de la littérature grecque moderne, Macriyànnis et Solomos. Plus près de nous, il ne se reconnaît que des maîtres étrangers: Nietzsche, Kafka, et surtout Dostoïevski ("Nos fièvres sont parentes").
On a beaucoup insisté parfois sur la noirceur et le nihilisme de sa vision; c'est là, sans doute, une erreur de perspective, car ses livres sont comme des roues tourbillonnantes qui ne s'arrêtent jamais à un sens définitif: ils sont champ de ruines mais aussi chantier; mort et vie, extase et horreur s'y rejoignent et s'échangent, d'apocalypses en cosmogonies, emportées dans un éternel retour. Et si Cheimonas, ce visionnaire du XXe siècle, est en fin de compte un prophète sans message, le désespoir qui hante ses écrits est contrebalancé par l'amour: amour des morts, respect d'une tradition, amour des vivants aussi — sous la cruauté des scènes se cache une profonde compassion. L'autre évidence est celle de la musique, du souffle: cette écriture est en même temps une parole; il suffit d'avoir entendu Cheimonas, admirable lecteur, pour s'en convaincre. Et c'est là aussi un trait profondément grec.
Ses oeuvres suivantes, Mes voyages (1984) et L'Ennemi du poète (1990), deux recueils de nouvelles, marquent un retour, sans concessions, à des formes moins extrêmes.
Parallèlement, Cheimonas a écrit des essais, dont Six leçons sur le langage (1984) et La Renaissance morose (1987), ainsi que des traductions — très libres en apparence, mais d'une force et d'une fidélité extrêmes — de Sophocle et Euripide, ainsi que de Shakespeare avec Hamlet.
Georges Cheimonas est mort à Paris en janvier 2000, à l'âge de 62 ans.
Michel Volkovitch,
Copyright © La République des Lettres, Paris, vendredi 13 décembre 2024
républiquedeslettres.fr/cheimonas.php
Catalogue • Nouveautés • Auteurs • Titres • Thèmes
Histoire de la République des lettres • Chez votre libraire
Recherche • Contact & Mentions légales
Droits réservés © La République des Lettres
Paris, vendredi 13 décembre 2024