Robert Desnos

Biographie
Robert Desnos
Robert Desnos

Écrivain français, Robert Desnos est né à Paris le 4 juillet 1900 dans une famille enrichie dans le commerce, installée près des Halles, où son père est mandataire.

Il quitte l'école après l'enseignement primaire supérieur, rompt avec ses parents et vit de petits travaux: commis chez un droguiste ou courtier de publicité. Devenu en 1919 secrétaire du journaliste mondain Jean de Bonnefon, il est introduit dans les milieux d'avant-garde par Louis de Gonzague Frick.

Robert Desnos écrit ses premiers poèmes sous l'inspiration de Guillaume Apollinaire et de Laurent Tailhade. Oscillant entre mythologie burlesque (Le Fard des argonautes) et fantaisie quotidienne (Prospectus). Il rencontre dès 1919 Roger Vitrac et Benjamin Péret mais il ne s'intègre au groupe de la revue Littérature qu'en 1922, à son retour du service militaire. André Breton vient de rompre avec Tristan Tzara, et Desnos lui apparaît comme l'incarnation même du "lyrisme nouveau" qui est le premier visage du surréalisme.

Il collabore à La Révolution surréaliste et commence par un roman automatique, Nouvelles Hébrides, dont il ne publiera que le début (publication posthume définitive en 1978); comme sur un film mental défilant à toute allure, on y voit ses amis qui s'agitent, aux prises avec des diamants volés, des femmes fatales et des métamorphoses. C'est un prélude à l'épisode des "sommeils": devant le groupe dont il est le médium, Desnos, tout en dormant, "parle surréaliste", dessine et écrit. Il s'approprie l'invention et le pseudonyme de Marcel Duchamp: Rrose Sélavy, et compose sous ce nom une série d'"étonnantes équations poétiques", où la contrepèterie donne naissance à des aphorismes ou des fables.

Il expérimente aussi de façon systématique les ressources des jeux de langage, en mettant en oeuvre une nouvelle machine rhétorique: la "rime portée à son comble" dans L 'Aumonyme, la manipulation des expressions toutes faites et des relations grammaticales dans Langage cuit. L'équation formelle se développe en poème en prenant appui sur quelques scénarios marqués par un érotisme masochiste, allant d'une rencontre à un naufrage; une fantasmagorie très intime, que l'on retrouve tout au long de l'oeuvre, s'objective ici à la faveur du procédé.

Robert Desnos a contribué plus que tout autre à cristalliser le surréalisme encore flou autour de la notion d'"automatisme psychique". Il a porté à un moment décisif l'élan vital du mouvement. Lorsque Breton met fin en février 1923 à l'expérience des sommeils, il le dépossède du rôle de sa vie.

L'oeuvre de Desnos se développe cependant sur cette lancée, tandis que les relations avec Breton se distendent. Cette oeuvre comprend un versant narratif: Deuil pour deuil (1924) est une suite d'historiettes issues de l'écriture automatique. Un petit nombre de motifs et de personnages semblent se recroiser sur des spirales invisibles autour d'un invisible dolman bleu. L'automatisme se déploie à l'intérieur de longues phrases où la syntaxe multiplie les possibilités de rencontre tout en maintenant un fil narratif. Desnos usera du même style dans La Liberté ou l'amour ! (1927), mais il s'agit d'un roman découpé en épisodes et construit autour d'un couple héroïque, Louise Lame et Corsaire Sanglot. C'est une des belles réussites de l'érotisme surréaliste, malheureusement en partie censurée par les tribunaux pour cause d'érotisme.

Pour gagner sa vie, Desnos travaille comme comptable des publications médicales de la Librairie Baillère, écrit sur commande De l'érotisme considéré dans ses manifestations écrites et du point de vue de l'esprit moderne (1923) pour le mécène Jacques Doucet, devient courtier de publicité pour un annuaire industriel, puis caissier du journal Paris-Soir. En 1924, il écrit le scénario du film de Man Ray, L'Étoile de mer. À partir de 1925, il devient journaliste d'abord à Paris-Soir puis aux quotidiens Le Soir et Paris-Matinal.

Parallèlement naît une oeuvre lyrique mince et fragile, où le deuil de la "voix" surréaliste qu'il a incarnée se formule à travers un amour sans espoir pour la chanteuse Yvonne George. À la mystérieuse (1926) et Les Ténèbres (1927) renferment quelques poèmes admirables qui mettent en évidence les "balances sentimentales" du réel et du désir.

Mais la poésie de Desnos traverse ensuite une crise profonde, qui touche son écriture même, et qui se manifeste dans des poèmes comme Sirène-Anémone (1928) ou The Night of Loveless Nights (1929) par les alexandrins "faux, chevillés et creux", le développement confus d'une mythologie personnelle et une impudeur gênante dans l'effusion.

Il reprend ses poèmes de 1919 à 1929 dans Corps et biens (1930), au moment même où André Breton l'exclut du groupe surréaliste avec la charrette du Second Manifeste. À Breton, qui lui reproche de déroger aux principes de l'avant-garde (notamment par ses vers), il répond avec une justesse prémonitoire que "le surréalisme est tombé dans le domaine public".

La vie de Robert Desnos change à ce tournant des années 1930. Yvonne George est morte, et Youki, ex-femme du peintre Foujita, est devenue sa compagne. Ce sont des années d'activité intense, mais où la littérature a peu de place. Il travaille avec Paul Deharme. Avec son ami Alejo Carpentier, il crée des slogans publicitaires pour les produits pharmaceutiques de Salacrou, produit des émissions de radio (Le Salut au monde, adaptation de Walt Whitman, La Clé des songes), et écrit des chansons pour Fréhel et Damia, des livrets pour Darius Milhaud (Cantate pour l'inauguration du Musée de l'Homme, 1937), des scénarios d'opéras, dont un Fantômas.

Pendant cette période, il ne publie qu'un bref recueil poétique, Les Sans-cou (1934). Il y fait l'essai d'un ton "à la fois familier et lyrique", mais sous un populisme de surface le recueil est incertain et amer. Les sans-cou sont le fruit monstrueux de la guillotine; ils représentent aussi l'innocence d'un corps sans mémoire, mais le motif est traité dans le registre du grand-guignol, comme si le désir d'idéalisation faisait long feu. À travers la figure de Don Juan (La Ville de Don Juan) l'éthique individuelle est atteinte par la même dépression. Il réunira en 1940 les essais inégaux et dispersés de cette décennie dans un second recueil, Fortunes.

Le dernier visage de Desnos est celui d'un poète renaissant. De cette période on ne connaît guère que les Chantefables (1944), maintenant intégrées au folklore enfantin. Issue de la comptine, la chantefable se déploie dans une structure simple, entre un appel et un écho. La légèreté désintéressée de ces textes contraste avec la "manie des moralités" qu'il se reproche lui-même. En revanche le grand lyrisme de Calixto ou de Contrée est resté dans l'ombre. Ces textes écrits en 1943-1944 n'ont paru qu'au début des années 1960. Il y raffermit son vers, moins pour renouer avec la tradition comme Louis Aragon, que pour affirmer par son beau langage la dignité du poète. Dans ses "odes", Calixto et Le Bain avec Andromède, se mêlent vers et vers libre, langage noble et argot. L'argument est tiré des Métamorphoses d'Ovide: captivité, délivrance, métamorphose, font du texte une allégorie de circonstance. Mais c'est une poésie de l'Occupation plus qu'une "poésie de la Résistance". Elle dit que nous sommes "dans le bain", que l'ennemi et la délivrance sont en nous. Desnos, qui travaillait au quotidien Aujourd'hui fondé par Henri Jeanson sans "collaborer" pour autant, savait de quoi il parlait. Dans les poèmes clandestins qu'il écrit sous des pseudonymes, il use au contraire de l'éloquence unanimiste dont il avait trouvé le modèle chez Walt Whitman. Le lyrisme se détache alors du discours amoureux pour devenir, comme dans l'exemplaire Sol de Compiègne, la présence de tous. Nul ne peut dire où cet effort aurait abouti.

Robert Desnos participait au réseau de Résistance AGIR pendant la Seconde Guerre mondiale et publiait, sous le pseudonyme de Cancale, des brochures anti-allemandes clandestines. Il fut arrêté le 22 février 1944, détenu à Compiègne, puis déporté à Auschwitz, Buchenwald, Flossenburg, Floha. Épuisé, il meurt du typhus à Térézin (Tchécoslovaquie) le 8 juin 1945, peu après sa libération. Son dernier poème, adressé à sa femme, sera recueilli par un infirmier tchèque qui le découvre, mourant, au moment de l'avance victorieuse des armées soviétiques: "Il me reste d'être ombre parmi les ombres..."

Michel Murat,

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Paris, samedi 20 avril 2024