Écrivain français, Maurice Leblanc est né à Rouen le 11 novembre 1864.
Issu d'une famille bourgeoise, il est poussé par son père, armateur et négociant en charbon, vers une carrière industrielle. Mais il ne rêve que littérature et monte à Paris où il commence des études de droit.
Il collabore très vite à différents journaux, du Gil Blas au Figaro, fréquente la faune artistique du Chat noir et se lie d'amitié avec quelques écrivains dont notamment Guy de Maupassant, qui le soutient dans ses débuts, et Maurice Maeterlinck, qu'il admire depuis longtemps et rencontrera par l'intermédiaire de sa sœur Georgette, devenue la compagne et l'interprète du poète.
Ses premiers écrits exploitent avec succès la veine psychologique à la Paul Bourget. Romans: Une femme (1893), L'Œuvre de mort (1896), Armelle et Claude (1897), Voici des ailes (1898), L'Enthousiasme (1901) ou recueils de nouvelles: Des couples (1890), Ceux qui souffrent(1894), Les Lèvres jointes (1899). Il s'y montre influencé par Guy de Maupassant et Gustave Flaubert (qu'il a connu étant enfant). Léon Bloy et Jules Renard le complimentent chaudement pour sa finesse d'analyse, et Antoine, le fondateur du Théâtre Libre, accepte sans réserve sa pièce La Pitié (1904).
Sa carrière d'écrivain va pourtant prendre un tour inattendu lorsqu'en 1905, l'éditeur Pierre Lafitte lui demande une nouvelle «policière» pour son magazine Je sais tout. Ce sera L'Arrestation d'Arsène Lupin qui marque la naissance d'un des plus extraordinaires aventuriers de la littérature dite populaire. Devant le succès du récit, Maurice Leblanc se voit contraint par son éditeur de prolonger la vie de son héros. Neuf autres nouvelles suivent, bientôt reprises dans un recueil au titre emblématique: Arsène Lupin, gentleman cambrioleur (1907). Le romancier vient de créer un personnage qui dominera toute sa carrière: «Je suis le prisonnier d'Arsène Lupin», constatera-t-il non sans agacement. «Il me suit partout. Il n'est pas mon ombre, je suis son ombre.»
La première nouvelle d'Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, L'Arrestation d'Arsène Lupin, est peut-être la plus belle réussite de Maurice Leblanc, non seulement parce qu'elle impose en quelques lignes la silhouette de celui qui deviendra le plus célèbre des aventuriers, mais surtout pour sa maîtrise narrative: au terme d'un brûlant exercice en énonciation, et bien avant Le Meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie, c'est la grammaire qui donne la solution de l'intrigue policière. Mais toutes les nouvelles font preuve d'une même virtuosité stylistique. Aux multiples déguisements du gentleman maître en trucages et mystifications, répondent les astuces d'un auteur habile à prendre au piège son lecteur. La figure d'Arsène Lupin n'est pas seulement celle d'un séducteur et aristocrate du crime qui envoie sa carte de visite au baron qu'il va dévaliser (Arsène Lupin en prison) ou le prestidigitateur du cambriolage qui résout une énigme de plusieurs siècles au nez et à la barbe d'un célèbre détective (Herlock Sholmès arrive trop tard), mais aussi un être aux mille visages, génie de la métamorphose à l'identité toujours fugace (L'Évasion d'Arsène Lupin, Le Collier de la Reine, Le Sept de cœur). Au cours de ses tribulations, le héros collectionne les identités en traversant sans peine tous les degrés de l'échelle sociale, aussi à l'aise en petit employé étriqué qu'en prince russe (813) ou en grand d'Espagne (Les Dents du tigre). C'est plutôt aux lignées aristocratiques que va sa préférence, justifiant ainsi son surnom de gentleman: «Marquis, baron, duc, archiduc, grand-duc, petit-duc, contre-duc, tout le Gotha, quoi! On me dirait que j'ai été roi, ventre-saint-gris, je n'oserais pas jurer le contraire.» Signes particuliers permettant de l'identifier: charme irrésistible (on ne compte plus ses conquêtes féminines), cœur d'or (il ne vole qu'aux riches et, tel Robin des Bois, se fait le défenseur de la veuve et de l'orphelin) et surtout verve intarissable — ses tirades échevelées, alliant un lyrisme volontiers épique à la gouaille d'un gamin de Paris, sont l'un des grands attraits de la saga. Bandit dilettante, héritier des dandys nihilistes fin de siècle, aventurier mondain du Paris des Années 1900, Arsène Lupin procède ici d'un anarchisme mondain caractéristique de la Belle Époque, aussi habile que primesautier.
Aventures et volumes d'Arsène Lupin vont désormais se multiplier: Arsène Lupin contre Herlock Sholmès (1908), L'Aiguille creuse (1909), 813 (1910), Le Bouchon de cristal (1912), Les Confidences dArsène Lupin (1913), L'Éclat d'obus (1915), Le Triangle d'or (1917), L'île aux trente cercueils (1919), Les Dents du tigre (1920), Les Huit Coups de l'horloge (1923), La Comtesse de Cagliostro (1924), La Demoiselle aux yeux verts (1927), L'Agence Barnett et Cie (1928), La Demeure mystérieuse (1928), La Barre-y-va (1930), La Femme aux deux sourires (1932), Victor de la Brigade mondaine (1934), La Cagliostro se venge (1935)…
La réussite du cycle Arsène Lupin tient à l'aisance de sa composition. Habile manieur d'intrigues, Maurice Leblanc met une plume alerte au service d'un héros inoubliable à qui sa verve gouailleuse et ses qualités surhumaines ont valu d'entrer dans la légende. En témoignent plusieurs adaptations au théâtre: Arsène Lupin, nouvelles aventures et Le Retour d'Arsène Lupin écrits par Leblanc lui-même en 1908 et 1911, ou Arsène Lupin banquier, opérette policière de 1930, au cinéma (entre autres incarnations, citons John Barrymore, Jules Berry, Robert Lamoureux,…), et en séries (Georges Descrières, Omar Sy,…).
Cette immense popularité du gentleman cambrioleur éclipse le reste de la production de son créateur, qui a laissé d'autres ouvrages non dénués d'intérêt: outre des romans mondains teintés d'érotisme léger (L'Image de la femme nue, 1934; Le Scandale du gazon bleu, 1935), mentionnons aussi un roman pour enfants (La Forêt des aventures, 1932), d'excellents récits où l'auteur imite non sans ironie le style du cycle Lupin (Dorothée danseuse de corde, 1923; La Vie extravagante de Balthazar, 1925) et deux très curieux romans d'anticipation (Les Trois Yeux, 1919; Le Formidable Evénement, 1920).
Maurice Leblanc est mort à Perpignan le 6 novembre 1941, à l'âge de 76 ans.
Laurent Bazin,
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