Écrivain, journaliste et polémiste français, Antoine Rivaroli (ou Rivarolo), dit Comte de Rivarol, est né le 26 juin 1753 à Bagnols-sur-Cèze (Languedoc).
Fils de Jean Rivarol, aubergiste, et de Catherine Avon, roturière. Le père d'Antoine Rivarol fut un singulier personnage qui possédait une culture qui l'élevait bien au-dessus de sa condition sociale. C'était un excellent latiniste, féru, par surcroît, d'histoire ancienne et de littérature. Il tâtait même de la poésie et connaissait l'italien. Il se disait issu d'une famille noble du Piémont, avait été, outre cabaretier, fabricant de soie, maître d'école, percepteur et édile, et eut seize enfants. Il fut contraint de fermer son auberge pour avoir, semble-t-il, pratiqué des tarifs abusifs. C'est donc dans l'atmosphère d'une famille nombreuse où règne l'amour des lettres mais d'où n'est peut-être pas absent un esprit de bravade que le jeune Rivarol passe son enfance, une enfance heureuse même si le maître de maison est loin de suffire toujours aux besoins d'une progéniture affamée.
Formé sans doute d'abord par son père, puis par l'école paroissiale, il entre au collège des Joséphites de Bagnols, où il se révèle un sujet brillant et ouvert aux disciplines les plus diverses. Et comme tous les enfants pauvres qui font paraître de réelles capacités, il se voit destiné à la prêtrise. Après un passage chez les sulpiciens de Saint-Andéol, il est reçu au séminaire de Sainte-Garde, à Avignon vers 1770.
Antoine Rivarol, bien pris, suscite l'enjouement des Avignonnaises, qui l'appellent "le bel abbé". Mais bretteur redoutable par l'esprit, il préfère briller dans les conversations plutôt que dans les alcôves. À Avignon, toutefois, l'art de la parole ne se monnaie guère. Antoine rompt ses liens avec Sainte-Garde et prend, sans doute à pied, la route de Paris qui, espère-t-il, rendra justice à ses dons de bel esprit et de causeur éblouissant. Arrivé à Lyon, il reprend haleine et se trouve, pour un temps indéterminé, un emploi de clerc chez un procureur.
À Versailles, peut-être parce qu'il est sans ressources, il se fait entretenir par une bourgeoise en mal d'amour qui pourrait être sa mère. Chassé peu après par le mari, il arrive à Paris en 1777. Pour faire figure dans le monde, il s'y présente comme le chevalier de Parcieux, s'autorisant d'une lointaine parenté avec le célèbre géomètre Deparcieux. Grâce à Cubières, il est introduit dans plusieurs salons, notamment dans celui de Mme Geoffrin.
Il entre en relation avec Jean le Rond D'Alembert, Georges-Louis Leclerc de Buffon, Denis Diderot, avec Voltaire, qui l'engage à donner de La Divine Comédie une traduction digne de l'original: il ne traduira, avec une peine infinie et sans trop respecter le texte de Dante Alighieri, que L'Enfer.
Entre-temps, le "vrai" chevalier de Parcieux fait signifier au "faux" de mettre fin à son usurpation. Celui-ci, sans hésiter, se rebaptise "comte de Rivarol".
Il collabore pour un temps au Mercure de France et fait un "sot mariage" avec une Anglaise, Louise Mather-Flint, qu'il abandonnera sans ressources, quasi à la misère, après lui avoir donné un fils. Cependant, il s'attire par son esprit ironique et cinglant nombre d'ennemis.
Le prix de l'Académie de Berlin, qu'il remporte avec son Discours sur l'universalité de la langue française, prix partagé avec un obscur Allemand, Jean-Christophe Schwab, publié en 1784 et qui ne fait aucune part à la satire, n'adoucit pas, bien qu'il accroisse le prestige de la France, les haines que Rivarol a déchaînées contre lui. Il a beau n'avoir qu'une passion dans sa vie: la langue française, il n'en témoigne pas moins une disposition à l'affront gratuit qui suscite la révolte de ses victimes.
Comme pour enchérir sur son persiflage, il publie, en collaboration avec Champcenetz, un Petit almanach de nos grands hommes (1788), "panorama satirique de la vie littéraire de son temps", satire où sont mis à bas même des auteurs comme Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Pierre Choderlos de Laclos et Nicolas Edme Restif de La Bretonne.
Rivarol est alors au faîte de sa célébrité. Il fréquente intimement Louis-Léon de Brancas de Lauraguais, se lie avec une grisette complaisante et sans instruction, Manette, puis soudain, changeant de ton et de discours, adresse coup sur coup à Jacques Necker deux lettres où il dénonce en voltairien les principes moraux qu'avait posés a priori, dans son Importance des opinions religieuses, le financier passé homme d'État.
Désormais, Rivarol se donnera presque entièrement à la politique et à une enquête sur les causes de la Révolution prochaine. Conservateur par respect pour des institutions et des traditions productrices de civilisation, de progrès et d'excellence langagière, et faisant fond sur une "fixité" seule apte à garantir l'épanouissement de l'homme dans un monde enclin à l'éclatement et à la barbarie, il se révèle, tout en invoquant la nécessité de réformes en profondeur, le défenseur le plus intelligent et le plus vigoureux du régime.
Disciple de Montesquieu, il estime qu'il n'y a que la monarchie qui puisse convenir à un grand État. Posant le principe d'une relation objective entre les phénomènes sociaux, il commente, sur le mode analytique des sciences humaines, l'actualité politique dans les trois séries du Journal politique national (12 juillet 1789 — 3 novembre 1790), fondé par l'abbé Sabatier de Castres. Il collabore aux Actes des Apôtres, sacrifie même ses liens amicaux avec Mirabeau, Chamfort, Talleyrand et l'abbé Sieyès, passés du côté des libéraux.
En 1790, pour abattre le camp républicain et démocrate, il use dans un Petit dictionnaire des grands hommes de la Révolution de l'arme du rire, qui lui avait si bien réussi. Mais les événements se précipitent. Rivarol, qui s'emploie encore, au reste inutilement, à jouer auprès du roi un rôle de conseiller secret, se sent menacé. Prétextant des affaires de famille à régler en Angleterre, il quitte Paris en juin 1792 pour Ostende, en Belgique.
Dès lors, il ne sera plus que l'émigré inassimilable par l'étranger et trop xénophobe pour y fixer sa demeure: après Ostende, Bruxelles, d'où il adresse une Lettre à la noblesse française (1792), d'une haute élévation morale et politique; puis Rotterdam, où il séjourne chez son brave et généreux ami, le Juif Cappadoce Pereira; puis Londres, où il a mission de travailler les esprits tories contre la République; puis Hambourg où, hâbleur frôlant l'escroquerie, il se fait grassement payer un projet de dictionnaire chaque jour plus évanescent: il ne complétera qu'un Prospectus et le Discours préliminaire, mieux connu sous le titre De l'homme intellectuel et moral (1797); enfin Berlin, où il mourra loin de sa famille, loin même de Manette, le 11 avril 1801, après s'être vu refuser l'accès à la cour de Prusse. Ses fragments, Maximes et pensées, anecdotes et bons mots, paraîtront posthumes.
Antoine de Rivarol a écrit: "C'est dans la parole que se fait la véritable génération de la pensée." Parce que sa propre parole, fruit de la rencontre unique d'une histoire et d'une terre, fut pour lui nationale et universelle, il l'a logée au cœur de sa triple réflexion littéraire, morale et politique, dans l'infinie ivresse de la langue française, pour lui sacrée.
Henri Mydlarski,
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