Virginia Woolf

Biographie
Virginia Woolf
Virginia Woolf

Romancière et essayiste anglaise, Virginia Woolf est née à Londres (Royaume-Uni) le 25 janvier 1882.

Sa mère meurt lorsqu'elle a treize ans. Son père, sir Leslie Stephen, est connu comme l'une des figures les plus originales de l'Angleterre victorienne. Successeur de Thackeray à la direction du Cornhill Magazine, il s'attelle à de nombreux travaux philosophiques et littéraires, est l'un des premiers membres du Club alpin, et l'auteur de la fameuse Histoire de la pensée anglaise au XVIIIe siècle. Ce "vieux monsieur adorable et un peu terrible" eut sur sa fille cadette une influence décisive. C'est avec lui qu'elle lut Platon et Baruch Spinoza, Michel de Montaigne et David Hume, car une santé fragile lui interdisait de suivre un cycle normal d'études.

Après sa mort, en 1904, les enfants de sir Leslie prirent l'habitude de recevoir leurs amis dans leur maison de Bloomsbury, qui donna bientôt son nom au groupe. Parmi eux se trouvaient les membres de la "Société de minuit", association universitaire de Cambridge d'où étaient sortis la plupart des amis d'Adrian et Thoby Stephen. Au cours des années, le "Bloomsbury Group" réunit des écrivains (Roger Fry, Duncan Grant), des historiens et des économistes (Lytton Strachey, J. Maynard Keynes), des critiques (Clive Bell, Desmond McCarthy). Vanessa Stephen, sœur de Virginia, ne tarda pas à devenir Mrs. Clive Bell, tandis qu'en 1912 Virginia épousait Leonard Woolf. Le groupe se dissocia au début de la Première Guerre, puis se reconstitua avec de nouveaux éléments, mais l'idéal restait le même, vérité et libre parole, amour de l'art et respect de la morale, goût de la tradition et culture de l'individu.

En 1917, Virginia Woolf fonda avec son mari une maison d'édition, la "Hogarth Press", qui ne comportait au début qu'une machine à main, mais grandit rapidement. L'une des premières publications fut Prélude, de Katherine Mansfield. Suivirent des poèmes de T. S. Eliot, des nouvelles de Virginia Woolf, des œuvres de romanciers français et russes, de psychologues allemands. Le succès vint non du grand public, mais de cette petite aristocratie intellectuelle de "highbrows", dont Virginia Woolf resta toujours l'un des plus éminents spécimens.

L'histoire de sa vie est alors indissociable de l'histoire de ses œuvres. Partagée entre ses occupations de directrice de maison d'édition et ses activités critiques (elle est correspondante de grands journaux londoniens), entre ses romans et ses amis, ses voyages et ses séjours sur la côte d'Ecosse et de Cornouailles, elle publie, en vingt-six années, neuf romans, cinq essais importants et laisse — ils furent publiés après sa mort par Leonard Woolf — trois recueils d'essais, un de nouvelles, un roman posthume et le fameux Journal, qui permet de suivre la genèse de cette œuvre abondante.

Le nom et l'exemple de Samuel Johnson paraissent avoir inspiré le titre de ses deux volumes d'essais les plus célèbres: Le Lecteur ordinaire. La fantaisie critique de Virginia Woolf s'exerce sur de grands auteurs anglais comme sur quelques figures féminines oubliées. Elle prend prétexte de l'un ou de l'autre pour exprimer ses idées sur le féminisme contemporain, idées qui sous les déguisements du roman se retrouvent dans toute son œuvre.

Réunies sous le titre Une chambre à soi et publiées en 1929, les conférences qu'elle prononce devant les étudiantes des grands collèges féminins de Cambridge analysent la transformation des mœurs dans le domaine politique et économique, et préconisent une évolution semblable dans celui de l'indépendance matérielle et de l'émancipation intellectuelle. Les deux premiers romans, Croisière et Nuit et Jour, sont publiés en 1915 et 1919. Ils doivent beaucoup encore au Bloomsbury Group pour le choix des personnages, le reflet des conversations et des préoccupations intellectuelles ou artistiques. Mais l'objet du roman apparaît déjà comme un désir d'éclaircir le mystère individuel d'une âme au moyen d'une description d'expériences psychologiques privilégiées, et les héroïnes sont comme les premières représentations de la figure féminine centrale qui anime d'un bout à l'autre son œuvre romanesque.

En 1922, 1925, 1927, Virginia Woolf abandonne progressivement la théorie du roman conventionnel doué d'une intrigue, de personnages bien individualisés, auxquels il arrive quelque chose à un moment précis. Jacob Flanders, dans La Chambre de Jacob, qui rappelle singulièrement le plus jeune frère de Virginia, Thoby, mort accidentellement en 1906, est moins un héros qu'une suite d'impressions multiples se déroulant à un rythme plus ou moins accéléré. Et Clarissa, dans Mrs. Dalloway, n'est pas la plus parfaite hôtesse de Londres sans qu'on lise derrière sa vitalité indomptable une tristesse, une insensibilité et déjà une fascination de la mort.

La Promenade au phare, qui devait valoir à la romancière, en 1927, le prix Fémina-Vie heureuse, étudie aussi le problème de la réalité de l'existence. Qu'est-ce que la vie ? Comment pénétrer "dans les galeries de l'esprit et du cœur", comment croire à une réalité extérieure, alors qu'elle est sans cesse modifiée par le flux de la vie intérieure ? C'est à ces questions qu'essaye de répondre Virginia Woolf, influencée par les notions de durée bergsonienne, par l'exemple de Marcel Proust et de James Joyce, autant que par la méthode des philosophes empiristes anglais.

Orlando (1928) est une allégorie romanesque d'un genre unique dans la littérature anglaise et dont la signification dépasse de loin l'apparente fantaisie. En imaginant un héros homme puis femme, mais surtout homme et femme, Virginia Woolf essaye de se libérer de l'espace et du temps, elle croit retrouver derrière la diversité des modes d'existence l'être continu, le "moi" présent, total. Qu'est-ce que la vie, qui suis-je ? "Des pièces, des morceaux, des fragments" qu'il est impossible de réunir.

Pas davantage de solution dans Les Vagues (1931), le plus important et le plus difficile de ses romans. Rien ne permet ici de différencier les six personnages dont l'histoire individuelle est à peu près semblable, ainsi que le langage dans lequel ils l'expriment. Puisque la vie n'est qu'un tissu hâtif fait de pièces rapportées, Virginia Woolf romancière ne cherche pas une structure, une logique romanesque artificielle; elle s'emploie à donner la même impression de discontinuité, d'incohérence que nous procure la vie de "lundi ou mardi". Elle choisit dans la succession des instants le "moment d'être" qui cristallise une réalité mouvante. Son effort ne se porte pas sur la construction du roman, mais sur sa signification. Comme tant de ses contemporains, elle abandonne le roman panoramique pour le roman descriptif. D'où l'usage, sur le plan des techniques, du monologue intérieur, sonde de notre inconscient, d'une composition musicale, comme dans la Promenade au phare, autour d'un leitmotiv, de soliloques lyriques auxquels se mêlent des descriptions impersonnelles — d'où le manque apparent de cohérence, d'une écriture aussi décousue que les impressions fugitives qu'enregistre, comme une plaque sensible, la plume du romancier.

C'est ainsi que, d'autant plus audacieuse que le roman est devenu après la Première Guerre mondiale le genre littéraire le plus malléable, le plus souple qui soit, Virginia Woolf renverse la conception traditionnelle du roman, celle que les grand romanciers victoriens avaient mise à l'honneur. L'intrigue s'amenuise au point de disparaître tout à fait, le "character" s'évanouit: "La vie n'est pas une série de lanternes disposées symétriquement; la vie est un halo lumineux, une enveloppe à demi transparente où nous sommes enfermés depuis la naissance de notre conscience jusqu'à la mort." En faisant du monde invisible, celui qui habite le plus profond de notre conscience et aussi de notre inconscience, l'essence du roman, Virginia Woolf atteint à l'essence de la poésie. On trouvera dans cette appréhension "poétique" du monde les caractéristiques du roman de Virginia Woolf comme de celui de Marcel Proust avec lequel elle a beaucoup en commun: intérêt pour les problèmes de la durée romanesque et souci d'une forme d'art qui puisse redessiner, recréer le monde discontinu de la vie.

Deux autres romans importants sont publiés: Flush en 1933, et Années en 1937.

Cette recherche tenace d'une forme de plus en plus souple, rompant chaque fois avec la précédente, amène Virginia Woolf, dans Entre les actes, à faire une espèce de synthèse de toutes les techniques précédemment utilisées. Elle est à l'œuvre lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale.

Déjà victime de dépressions assez graves et ayant à plusieurs reprises tenté de se suicider, elle supporte avec peine l'isolement né de la guerre, les raids quotidiens, et surtout elle est hantée par l'idée que cette fois-ci elle ne se remettra pas d'une crise semblable aux précédentes. Elle a alors près de soixante ans. Deux mois après la disparition de Joyce, au même âge que lui, fidèle à cet appel de l'eau qui s'entend à travers toute son œuvre, elle met fin à ses jours le 28 mars 1941 à Lewes (Sussex), laissant un nombre considérable d'essais inédits, une correspondance, un Journal et le roman inachevé Entre les actes qui paraîtra à titre posthume.

Monique Nathan,

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Paris, samedi 20 avril 2024