Journaliste, romancier et critique d'art français, Champfleury — pseudonyme de Jules François Félix Husson — est né à Laon (Aisne) le 10 septembre 1821.
Fils d'un modeste secrétaire de mairie, il ne possède pas assez de ressources pour achever ses études, et dès son arrivée à Paris, vers sa vingtième année, il doit travailler comme commis livreur dans une librairie.
En 1840, il rejoint son père qui a racheté une imprimerie et publie Le Journal de L'Aisne. Il repart pour Paris où ses premiers articles paraissent en 1844. Après avoir adopté son pseudonyme de Champfleury sur le conseil d'Arsène Houssaye, directeur de L'Artiste, il effectue ses véritables débuts dans les lettres avec Chien-Caillou, fantaisie d'hiver (1847), qui lui vaut des éloges de Victor Hugo. La même année, suivent Pauvre Trompette et Feu miette. Il se lie d'amitié avec Baudelaire, Corot, Nadar.
Tout en donnant des pantomimes au Théâtre des Funambules (Pierrot valet de la mort, 1846; Pierrot pendu, 1847, etc.), et des critiques d'art à différentes revues (Le Salut Public, L'Évènement) où il attaque la postérité d'Ingres, les beaux-arts officiels, et défend Gustave Courbet, Champfleury continue de publier des romans qui, au lendemain du coup d'état du 2 décembre 1851, bénéficient du regain d'intérêt pour les lettres, contrepartie de l'étouffement de la vie politique.
Champfleury écrit alors ses meilleures oeuvres: Les Aventures de mademoiselle Mariette (1853), où il se révèle un peintre de la bohème supérieur à Henry Murger, Les Bourgeois de Molinchart (1854), L'Usurier Blaizot (1853), M. de Bois-dhyver (1856) — roman de moeurs cléricales —, La Succession Le Camus (1858), histoire d'un héritage, le plus construit peut-être de ses livres. Plusieurs textes, dont Le Chien des musiciens, sont réunis en 1854 dans le recueil des Contes d'Automne.
Après avoir fondé en 1856 une éphémère Gazette de Champfleury, il encourage Louis Edmond Duranty et ses jeunes amis à lancer la revue Le Réalisme, et publie lui-même sous ce titre un recueil-manifeste. En 1860, il fait paraître Les Chansons populaires des provinces de France et un Richard Wagner dont il défend avec fougue la musique en compagnie de Baudelaire.
Les années suivantes sont principalement consacrées à des critiques d'art (Les Frères Le Nain, 1862, Histoire de faïences patriotiques sous la Révolution, 1866, etc.), et à une monumentale Histoire de la caricature en plusieurs volumes publiés à partir de 1865.
Paralèlement à la littérature et à la critique d'art, Champfleury se spécialise dans l'art de la faïence. Collectionneur maladif, il évoque cette passion dans son roman autobiographique Le Violon de faïence (1862), l'un des meilleurs livres de sa deuxième période. En 1867, il épouse Marie Elisabeth Pierret, nièce d'Eugène Delacroix.
En 1869, il connaît un certain succès avec Les Chats: histoire, moeurs, observations, anecdotes, illustré de cinquante-deux dessins par Delacroix, Viollet-le-Duc, Mérimée, Prisse d'Avenne, Ribot, Kreutberger, Mind, Manet et Hokusaï.
Au cours de ses dernières années, Champfleury fait encore paraître de nombreuses études sur La Tour, Courbet, Honoré de Balzac, Gérard de Nerval, Henry Monnier, et des Souvenirs et portraits de jeunesse (1872). En 1872, sa nomination comme conservateur du musée de la Manufacture nationale de Sèvres (Seine) lui fournit l'occasion de poursuivre ses travaux sur la céramique. Sa petite fille âgée de quatre ans décède en 1874, et sa femme deux ans plus tard. Le Secret de Monsieur Landureau est publié en 1875, suivi de Surtout n'oublie pas ton parapluie en 1879.
Champfleury meurt à Sèvres le 6 décembre 1889, à l'âge de soixante-huit ans.
C'est d'un oubli assez injuste que sont victimes les romans de Champfleury, ses histoires de bourgeois de province et sa chronique laonnaise si exacte, si impitoyable, qu'elle lui valut pas mal de difficultés avec les autorités. Thibaudet les considère comme "un des tableaux les plus solides d'une vie de province par quelqu'un qui la sent, qui l'a vécue". Champfleury conserve cependant sa place dans l'histoire littéraire: passionné de vérité et d'observation, moraliste amer, il se targuait d'être l'inventeur du "réalisme", mais le génie de Gustave Flaubert l'a relégué au second plan. Il y avait chez ce "champion de France pour les fautes d'orthographe durant tout le second Empire", comme le dit encore Thibaudet, un mépris en quelque sorte doctrinal de la forme qui l'opposa toujours à Flaubert, lequel écrivit Madame Bovary comme un défi à son ami, pour lui prouver qu'on pouvait être réaliste et bien écrire. L'art vrai, soutenait au contraire Champfleury, consiste à "rendre des idées sans les faire danser sur la phrase". Ainsi s'opposait-il aussi bien aux romantiques qu'aux frères Goncourt, en prônant une "utile réaction contre les faiseurs de ronsardisme, de gongorisme, les faiseurs de mots, les chercheurs d'épithètes". Les Goncourt se vengèrent, dans Charles Demailly, en mettant en scène Champfleury sous les traits de Pommageot, homme de lettres grotesque.
Mélanie Wolfe,
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