Écrivain français, Gérard de Nerval (pseudonyme de Gérard Labrunie) est né à Paris le 22 mai 1808. Son père était chirurgien aux armées, sa mère, née Laurent, était la fille d'un marchand linger du quartier Saint-Eustache. Elle mourut en novembre 1810 à Glogau, en Silésie, où elle avait suivi son mari.
Gérard fut élevé d'abord par un oncle, à Mortefontaine (Oise), puis externe au lycée Charlemagne de Paris, où il fut le condisciple de Théophile Gautier. À dix-huit ans, il publiait ses premiers vers: les Elégies nationales, puis la traduction du Faust de Goethe, qui lui valut une certaine renommée.
Il est présenté à Victor Hugo, se lie avec Pétrus Borel, Célestin Nanteuil, le sculpteur Jehan Duseigneur, fondant avec eux le "Petit cénacle", noyau du mouvement "Jeune France". D'esprit républicain, il participa à diverses manifestations estudiantines qui lui valurent de séjourner, en 1832, à la prison de Sainte-Pélagie. Il avait commencé des études de médecine et s'employa dans la lutte contre le choléra durant l'épidémie de 1832.
Ayant hérité de son grand-père, il fit un voyage en Italie durant l'année 1834. À son retour, épris de l'actrice Jenny Colon, il employa sa petite fortune à fonder Le Monde dramatique qui le ruina et passa en d'autres mains. C'est l'époque de la "Bohème galante", où il habite, impasse du Doyenné, avec ses amis Théophile Gautier, Camille Rogier, Arsène Houssaye, Edouard Ourliac. Il vit de collaborations à divers journaux, que Gautier, Alphonse Karr et d'autres camarades de lettres lui procurent.
En 1838, Jenny Colon, à qui il avait adressé des lettres ferventes, épouse un musicien. Désormais, dans la mémoire de Gérard, la figure de l'actrice évoluera peu à peu vers une image mythique, qui habitera toutes ses grandes oeuvres des dernières années. Cette même année, il fait avec Alexandre Dumas son premier voyage en Allemagne: c'est la patrie de Faust, le pays où est morte la mère de Gérard. De plus, les deux amis vont se documenter sur Carl Sand, le meurtrier de Kotzebue, pour un drame, Léo Burckart, qu'ils écriront en collaboration, et qui sera joué en avril 1839. Ayant obtenu une mission officielle, Gérard passe quelques mois à Vienne dans l'hiver 1839-1840 et y rencontre Franz Liszt et Marie Pleyel. Il la reverra quelques mois plus tard, ainsi que Jenny Colon, à Bruxelles, où on joue son Piquillo.
Jusque-là, Gérard de Nerval n'est qu'un agréable littérateur parisien, un peu plus poète, un peu plus solitaire que les autres. Mais sa vie va changer. En février 1841, il a sa première crise de folie et passe plusieurs mois en maison de santé. "L'épanchement du songe dans la vie réelle" a commencé; ses meilleures oeuvres seront inspirées par cette expérience.
À la fin de 1842, quelques mois après la mort de Jenny Colon, Gérard part pour son grand Voyage en Orient: îles grecques, Egypte, Syrie, Liban, Constantinople. Il travaillera longtemps aux récits de ce voyage, qui ne paraîtront sous leur forme définitive qu'en 1851. Divers voyages (Belgique, Hollande, Londres, et de nouveau l'Ailemagne), la composition de drames et de livrets d'opéra, presque tous en collaboration, les tâches du journaliste occupent les années suivantes.
Mais, à partir de 1851, les crises mentales se reproduisent, à des intervalles de plus en plus rapprochés. Nerval est interné plusieurs fois, d'abord chez le Dr Esprit Blanche, puis chez son fils, le Dr Emile Blanche, qui le soigna admirablement dans sa célèbre maison de Passy. Entre ces périodes d'internement, il continue à voyager (Belgique, Hollande, Allemagne) et s'en va souvent errer au pays de son enfance, le Valois.
Il a publié en 1852 Lorély, souvenirs d'Allemagne, et Les Illuminés, recueil d'études sur quelques initiés et quelques personnages pittoresques. Ces deux ouvrages, comme déjà le Voyage en Orient, esquissent discrètement son mythe personnel, dont les images se dessineront, plus précises, dans les chefs-d'oeuvre des trois dernières années. C'est alors, en effet, entre deux séjours à Passy ou pendant ces internements, que furent composés Sylvie et les autres Filles du feu, les sonnets des Chimères, les évocations poétiques des Petits Châteaux de Bohême, de Promenades et Souvenirs, des Nuits d'octobre, et enfin l'oeuvre testamentaire Aurélia ou le Rêve et la Vie où il essaye de reconquérir sur la confusion de la folie le monde des images qui forment son mythe personnel et qu'il tente d'élever à la signification d'une "vita nova" ou d'une "descente aux enfers".
Il a écrit cette grande oeuvre durant son dernier voyage en Allemagne, en 1854, qui l'a peut-être mené jusqu'à la tombe de sa mère, en Silésie, il l'a continuée chez le Dr Blanche. Mais, à force de démarches et de sollicitations, il a obtenu une intervention de la Société des gens de lettres pour le faire sortir de la maison de santé. Son dernier hiver fut tragique. Démuni de ressources sûres, sans domicile fixe, sentant faiblir sa faculté d'écrire, il sombrait peu à peu dans le désespoir dont il croyait avoir triomphé en composant Aurélia.
Vers la fin de janvier 1855, son dénuement est total. Il fait de discrètes visites à quelques amis, laisse chez sa tante un mot laconique: "Ne m'attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche". Et le 26 janvier 1855 au matin on le trouve pendu à une grille dans la rue de la Vieille Lanterne, au Châtelet. Le suicide ne fait pas de doute, en dépit des efforts de ses amis pour accréditer l'hypothèse d'un meurtre. Gérard de Nerval laissait, outre les oeuvres précédemment citées, plusieurs récits comme La Main enchantée et un roman inachevé, Le Marquis de Fayolle.
Albert Béguin,
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