Philosophe, historien et critique littéraire français, Hippolyte Adolphe Taine est é le 21 avril 1828 à Vouziers (Ardennes).
Après avoir obtenu le premier prix de composition française au concours général de 1847 et poursuivi ses études à l'École Normale Supérieure, il se trouve après le coup d'État du 2 décembre 1851, en butte à l'hostilité de l'Empire autoritaire, qui persécute les intellectuels indépendants: lui-même, ses amis Edmond About, Sarcey, Challemel-Lacour, Prévost-Paradol.
Nommé d'abord professeur de philosophie à Nevers, puis de rhétorique à Poitiers, Hippolyte Taine se voit relégué à une chaire de Besançon. Il abandonne alors l'enseignement. Il passe son doctorat ès lettres le 30 mai 1853, avec une thèse, non sur le sujet des "sensations", qui n'a pas eu l'agrément de l'Université, mais sur un sujet littéraire, Essai sur les fables de La Fontaine, auquel se joint une thèse latine intitulée De personis platonicis.
Un voyage dans le sud-ouest de la France lui inspire son célèbre Voyage aux Pyrénées (1855 — la seconde édition, révisée et complétée, publiée en 1858, inclut notamment Vie et opinions philosophiques d'un chat, destiné à amuser le lecteur). L'année suivante, l'Essai sur Tite-Live, écrit pour un concours de l'Académie française, subit une vive critique de la part de certains académiciens. Néanmoins, à partir de 1857, Taine devient un collaborateur assidu de La Revue des Deux-Mondes, de La Revue de l'Instruction publique, du Journal des débats, et se lie d'amitié avec Ernest Renan.
Les Essais de critique et d'histoire témoignent, dès 1857, de la sûreté de son jugement, mais il est attiré par la philosophie. Au cadre académique, alors dominé par le spiritualisme éclectique de Victor Cousin, il oppose une critique circonstanciée et virulente dans son ouvrage Les Philosophes français du XIXe siècle, qui suscite un intérêt considérable.
En 1858, Hippolyte Taine séjourne en Angleterre. Il visite ensuite les Pays-Bas et l'Allemagne. Il soumet à une refonte complète l'Essai sur les fables de La Fontaine, le complétant par des articles parus dans le Journal des débats à l'occasion de la troisième édition de cette étude.
En 1863, l'Empire évoluant vers un certain libéralisme, Taine est nommé examinateur d'histoire et de langue allemande à l'École militaire de Saint-Cyr, mais il est destitué en 1865. Toutefois, les protestations de l'opinion publique contraignent le gouvernement à le réintégrer dans ses fonctions. Viennent ensuite des années particulièrement fécondes.
Son voyage en Angleterre l'a orienté définitivement vers la pensée, la littérature et les coutumes de ce pays dont le libéralisme l'attire. Il publie successivement L'Idéalisme anglais, Etude sur Carlyle, Le Positivisme anglais, Stuart Mill, et une Histoire de la littérature anglaise (1863), œuvre qui lui vaut la chaire d'esthétique et d'histoire de l'art de l'École des Beaux-Arts de Paris en 1864.
Mais voici qu'en cette même année 1864 un voyage en Italie lui fait découvrir un monde complètement différent qui lui inspire divers essais. Dans le Voyage en Italie, il rapporte ses impressions sur Naples, Rome, Florence, Venise. L'année suivante paraît une Philosophie de l'art en Italie, à laquelle succèdent, sur les mêmes thèmes, De l'idéal de l'art dans les Pays-Bas (1868), Philosophie de l'art dans les Pays-Bas, et Philosophie de l'art en Grèce, ensemble qui sera réédité en 1882 en complément de la Philosophie de l'art, publiée en 1865.
Pour Taine, L'œuvre d'art n'est pas un produit accidentel, mais le fruit du climat, de la situation économico-géographique, et de la vie socio-politique. Comme tous les phénomènes examinés de la philosophie de l'histoire, la "faculté dominante" de l'artiste est une fusion de la race, du cadre physique et social et du moment, c'est-à-dire de la somme des forces historiques et naturelles qui agissent de façon déterminante sur les individus. Les limites de cette thèse — qui constituent par ailleurs un des exemples les plus significatifs d'esthétique positiviste — se révèlent surtout dans ses tentatives classificatrices opérées selon les trois critères de la généralité de l'idée, de la valeur morale et de la plénitude de l'expression, critères qui permettent de disposer les œuvres d'art en une échelle idéale des valeurs, à moins que ce ne soit dans la prétention de rendre périodiques les époques de l'histoire de l'art sur les bases des catégories hégéliennes de thèse, d'antithèse et de synthèse. Ces analyses, si elles ont le mérite d'élever la critique esthétique au rang de critique historico-scientifique, laissent toutefois par ailleurs irrésolu le problème philosophique de l'essence de l'œuvre d'art. De l'idéal dans l'art lui permet de résumer, avec la méthode, l'ordre et la précision qui lui sont habituels, ses idées sur ce sujet. Il en fait aussi le thème d'un cours à l'École des beaux-arts de Paris, ce qui ne l'empêche pas de continuer à s'occuper de critique littéraire. En 1865 paraissent les Nouveaux essais de critique et d'histoire.
Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1866, Hippolyte Taine épouse, en 1869, la fille d'un architecte, Mlle Denuelle. Désormais, il est presque célèbre. Il prend part aux dîners des Goncourt qui réunissent Charles-Augustin Sainte-Beuve, Ernest Renan, Marcellin Berthelot et peu après Émile Zola et Ivan Tourgueniev. Il s'essaie à des sujets plus mondains, plus légers, et donne à la revue La Vie Parisienne Vie et opinions de Frédéric-Thomas Graindorge, docteur en philosophie de l'université d'Iéna, principal associé commanditaire de la maison Graindorge et Cie (huile, porc salé à Cincinnati, U.S.A.). A la même époque, il travaille à un roman qui restera inachevé: Étienne Mayrau. Entre-temps, il reprend, sous une forme plus systématique, les conceptions chères au sensualisme et à l'associationnisme anglais dans les deux volumes De l'intelligence (1870) où il défend la célèbre thèse sur "la race, le milieu, le moment", qui met en doute la liberté et n'accepte que la responsabilité sociale — thèse qui sera adoptée avec enthousiasme par Émile Zola pour son oeuvre. En dehors du fait de critiquer les doctrines psychologiques contemporaines, Taine tente une synthèse originale de l'idéalisme hégélien avec le phénoménisme de John Stuart Mill et le positivisme évolutionniste de Herbert Spencer. Sa tentative principale est la réduction de la philosophie à la psychologie (incluant l'anthropologie et la linguistique), à laquelle est appliquée la méthode de décomposition des images qu'il considère aussi scientifique que la décomposition, d'un point de vue physiologique, de l'organisme en cellules.
Les Notes sur l'Angleterre paraissent en 1872, faisant pressentir ce que sera son œuvre capitale, Les Origines de la France contemporaine, dont le premier volume (L'Ancien Régime) paraît en 1876, le second (La Révolution, subdivisé en trois tomes: L'Anarchie, La Conquête jacobine, Le Gouvernement révolutionnaire), de 1878 à 1884. La dernière partie de l'ouvrage demeurera inachevée (Le Régime moderne, tome I paru en 1891; tome II, L'Empire, publié en 1893 par Sorel).
Après un échec en 1874, Taine est élu, le 4 novembre 1878, membre de l'Académie française. À partir de 1870, il partage sa vie entre Paris et sa retraite de Menthon-Saint-Bernard, sur le lac d'Annecy. En philosophie, son continuateur sera Théodule Ribot, tandis qu'en littérature Émile Zola et, en un premier temps, Paul Bourget s'inspireront de ses idées. Dans le domaine de l'histoire, il orientera Fustel de Coulanges, avant la rencontre de celui-ci avec l'œuvre de Vico.
Hippolyte Taine est mort à Paris le 5 mars 1893, à l'âge de 65 ans.
Jules Chaix-Ruy,
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