Charles Nodier

Biographie
Charles Nodier
Charles Nodier

Écrivain français, Charles Nodier est né à Besançon le 29 avril 1780. Fils de l'avocat Antoie-Melchior Nodier et de Suzanne Pâris, il ne fut légitimé qu'à l'âge de onze ans. La Révolution marquera profondément son enfance. Dès sa douzième année, il appartient à la société locale des jacobins. Éloigné de Besançon pendant la Terreur, il habite alors Novillars, chez un ami de son père, le naturaliste Girod de Chantrans qui l'initie à la botanique et à l'entomologie. Puis il est envoyé à Strasbourg auprès de l'accusateur public Euloge Schneider, bientôt guillotiné.

Après le 9 Thermidor (1793), il retourne dans sa ville natale et, lors d'une fête de la jeunesse, prononce un éloge de Barra et d'Agricol Viala, deux jeunes victimes de la guerre civile. Mais, de nouveau, on juge bon de l'éloigner de la cité. En 1796, le régime politique étant plus stable, il y revient et suit les cours de l'École centrale. L'année suivante, il fonde une sorte de club, comme il y en avait tant alors: la Société des philadelphes, et publie en 1798 une Dissertation sur l'usage des antennes dans les insectes. Conjointement, il rédige un essai d'autobiographie, Moi-même. Le coup d'État du 18 brumaire ayant mis en place le Consulat, il prend bientôt position contre Bonaparte. Politique et littérature l'accaparent, et les philadelphes signalent leur existence en publiant un ouvrage collectif, Essais littéraires par une société de jeunes gens.

Charles Nodier est attiré par Paris où il séjourne de décembre 1800 à mars-avril 1801. Il réintègre ensuite la cité bizontine où il devient bibliothécaire adjoint et publie deux opuscules tirés à un petit nombre d'exemplaires, une Petite bibliographie des insectes et Pensées de Shakespeare. Dès octobre, il regagne Paris et fréquente le groupe naturiste des méditateurs, inspiré par la pensée de Pythagore. Il s'éprend de l'une de ses adeptes, Lucile Franque, qui mourra l'année suivante.

Charles Nodier commence à donner ses premiers romans: Les Proscrits, fortement marqués par le Werther de Goethe, Le Peintre de Salzbourg, suivi des Méditations du Cloître et, sous l'anonymat, un roman libertin, Le Dernier Chapitre de mon roman. Il compose un très savoureux Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises et rime une ode contre le premier consul, La Napoléone, ouvrage dont il ne tarde pas à révéler qu'il est l'auteur (peut-être par désespoir, Lucile Franque venant de mourir).

Arrêté le 23 décembre 1803, il est remis en liberté trente-six jours plus tard, mais on l'assigne à résidence à Besançon. Il y compose ses Essais d'un jeune barde. Bientôt son antibonapartisme l'incline à participer à la conspiration dite de l'Alliance. La plupart de ses amis sont arrêtés. À temps, il prend la fuite et vit clandestinement jusqu'en octobre 1805 où de nouveau il peut s'installer sans inquiétude à Besançon. Il trouve, en effet, en la personne du préfet du Doubs Jean de Bry un sûr protecteur. En 1806 un volume, où passe l'ombre de la défunte Lucile Franque, naît de sa plume, Les Tristes, ou Mélanges tirés des tablettes d'un suicide. Il y insère son premier récit fantastique, Une heure, ou la Vision.

Toujours grâce à l'appui de Jean de Bry, il ouvre à Dôle en 1808 un cours public de philosophie, belles-lettres et histoire naturelle qui obtient un vif succès. Cette même année, il épouse Désirée Charve, fille du juge Claude Charve qui avait eu pour fille d'un premier mariage Lucile Franque. Marié, Charles Nodier cherche un emploi moins aléatoire et devient secrétaire à Amiens de sir Herbert Croft, un érudit anglais; mais bientôt, Herbert Croft étant ruiné, il doit quitter cette trop brève sinécure et revient dans la famille de sa femme, à Quintigny, près de Lons-le-Saunier.

Il publie alors Archéologue, ou Système universel et raisonné des langues (1809), qui témoigne de sa profonde passion pour la philologie. Sa fille Marie naît en 1810. Tout en s'intéressant aux problèmes les plus variés, dont le plagiat (Questions de littérature légale), il se met en quête d'un nouveau poste et finit par obtenir l'insolite emploi de bibliothécaire de Laybach (Lubjana), capitale des provinces illyriennes du premier Empire. Il entre en fonction en janvier 1813 au pays des vampires et s'occupe du journal tétraglotte Le Télégraphe officiel. Toutefois, les Autrichiens s'étant emparés de l'Illyrie, il quitte son poste en septembre, rejoint Quintigny, puis s'installe à Paris (1813) où il commence à collaborer au Journal de l'Empire (qui deviendra le Journal des Débats) et fréquente certains écrivains: Ballanche, Millevoye, Désaugiers.

En 1814, Napoléon fait ses adieux à Fontainebleau et gagne l'île d'Elbe. Charles Nodier affirme son allégeance au nouveau roi Louis XVIII. Un fils lui naît, Térence, qui mourra en 1816. Pendant les Cent Jours qui voient le retour de l'empereur, il doit se réfugier chez son ami le duc de Caylus. À cette époque, il fait paraître, sans nom d'auteur, Les Philadelphes, Histoire des sociétés secrètes de l'armée.

Après les Cent Jours, de nouveau parisien, il continue de donner des articles au Journal des Débats et, en 1818, publie un roman, Jean Sbogar, qui attire sur lui l'attention du public. Pressenti pour enseigner à l'université d'Odessa, il ne parvient pas à obtenir le passeport nécessaire. Il s'adonne donc de plus en plus à sa tâche de journaliste, multiplie les articles (dans Le Drapeau blanc, Le Défenseur, etc.), écrit des romans: Thérèse Aubert, Adèle, s'intéresse au genre frénétique anglais (sans l'approuver de front), compose en collaboration un mélo-drame, Le Vampire, signe du pseudonyme de "Cyprien Bérard" un roman de même inspiration, Lord Ruthwen, ou les Vampires, propose en deux volumes des Mélanges de littérature et de critique et préface les remarquables Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, ouvrage qui formera la sensibilité de la nouvelle génération.

Fort de sa naissante réputation, Charles Nodier présente en 1821 un récit débordant d'imagination emphatique, Smarra ou les Démons de la nuit, adapte pour le théâtre le Bertram de l'Irlandais Charles Robert Maturin, célèbre auteur de Melmoth. D'un voyage entrepris avec Taylor, Cailleux et le peintre Isabey, il rapporte sa Promenade de Dieppe aux montagnes d'Ecosse.

Son nouveau fils, Amédée, ne survit que de quelques mois à sa naissance. Touché de ces deuils, il fait de plus en plus du monde des livres son vrai monde et développe son oeuvre selon des voies variées: fantaisie, érudition, rêveries. Il écrit tout aussi bien d'abondantes préfaces (pour les oeuvres traduites de Lord Byron, par exemple) qu'un Essai sur la théorie des langues, un recueil d'histoires terrifiantes, Infernaliana, ou un conte d'une surprenante teneur, Trilby.

Les romantiques, groupés autour de Victor Hugo, le tiennent en haute estime, d'autant plus que dans La Quotidienne du 12 mars 1823 il a soutenu le Han d'Islande du jeune maître. Une vive amitié s'ensuivra entre les deux hommes. Nommé le 3 janvier 1824 bibliothécaire du comte d'Artois à l'Arsenal, Charles Nodier habitera désormais en ces lieux qui seront définitivement liés à sa mémoire. Il y tient salon, y accueille les romantiques. En 1824, le comte d'Artois, sous le nom de Charles X, est couronné roi de France. Hugo et Nodier assistent au sacre; l'été, ils voyagent ensemble en Savoie et en Suisse. Charles Nodier fait alors figure de parrain du mouvement romantique.

Toujours féru de philologie, il publie en 1828 son Examen critique des dictionnaires de langue française. L'année suivante, la création de La Revue de Paris marque pour lui le début d'une collaboration qui durera jusqu'à sa mort. Il y donne en feuilleton ses Souvenirs et portraits de la Révolution.

L'an 1830, celui de la bataille d'Hernani et des Trois Glorieuses, voit sa plus bizarre publication, l'Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux, délectable fantaisie où l'auteur, inspiré de Laurence Sterne, laisse toujours attendre l'essentiel du récit et joue de maints artifices typographiques. Certains événements ébranlent sa sensibilité presque maladive, et d'abord le mariage de Marie, sa fille chérie, dont il refuse, en définitive, l'éloignement, puisque le couple résidera toujours, selon ses propres voeux, à l'Arsenal.

En juillet, Louis-Philippe est proclamé roi des Français. Charles Nodier conserve son emploi. Ce sceptique, cet inquiet se replie sur lui-même. Son tempérament de rêveur s'exprime dans De quelques phénomènes du sommeil, sa fantaisie dans le "type" célèbre du Bibliomane (qu'il donne au Livre des Cent-et-un), son goût pour l'histoire dans ses Mémoires de Maxime Odin (devenus plus tard Souvenirs de jeunesse).

De plus en plus la mélancolie s'empare de lui; elle nous vaut sa méditation De la palingénésie et de la résurrection. Mais la fiction le requiert parallèlement, qu'il s'agisse de romans: Mademoiselle de Marsan, ou de contes: Histoire d'Hélène Gillet, Le Songe d'or, L'Amour et le Grimoire. Renduel, le grand éditeur des romantiques, commence à publier ses oeuvres complètes (elles compteront douze volumes), et l'adorable Fée aux miettes y prend place.

En 1833, il donne quantité de textes d'inspiration fort diverse: des fantaisies (Hurlubleu et Léviathan- le-Long), des contes fantastiques (Jean-François les Bas-Bleus, La Combe de l'Homme mort, Les Fiancés), des fables ou des apologues (Trésor des Fèves et Fleur des Pois, L'Homme et la Fourmi), une nouvelle mystique (Sybille Mérian), une mise en scène historique (Le Dernier Banquet des girondins).

Élu à l'Académie française cette même année, il connaît cependant une période où la maladie commence à le miner. Sa passion pour la linguistique et surtout pour les livres ne s'en exprime pas moins dans le Bulletin du bibliophile qu'il fonde en 1834. Immergé dans l'univers de l'étrange, il compose encore des contes notoires comme Paul, ou la Ressemblance. Si Inès de Las Sierras relève assurément d'un fantastique combiné, d'autres nouvelles, en revanche, sont inspirées par une pure vision de l'au-delà: La Légende de soeur Béatrix (1837), Lydie et la Résurrection (1838).

Sans désemparer, ce rêveur obstiné continue de faire maintes préfaces (ainsi, pour l'édition du théâtre complet de Pixérécourt) et stigmatise plaisamment les excès du modernisme sociétaire qu'il nargue dans Voyage pittoresque et industriel dans le Paraguay-Roux. Il ne dédaigne pas, au besoin, de livrer quelques réflexions sur des sujets mineurs comme les marionnettes (dans La Revue de Paris en 1842). Malgré la présence d'amis fidèles, ses dernières années sont placées sous le signe du désenchantement.

Le 27 janvier 1844, Charles Nodier meurt dans son fief onirique de l'Arsenal au moment même où l'on publie sa dernière oeuvre, Franciscus Columna, beau récit d'amour mystique qu'admirera Gérard de Nerval.

Tenu pour l'exemple même du conteur fantastique, il a cependant souffert d'une telle caractérisation et, si son nom apparaît dans toute rétrospective de la littérature romantique, il ne s'ensuit pas que ses oeuvres ont, de nos jours, le public qu'elles méritent. Leur mise en forme de la folie, leur élégance désarment des lecteurs qui se plaisent désormais à de plus brutales étrangetés. Les surréalistes, attentifs à la vie du rêve, ne l'ont pas revendiqué comme précurseur, même si quelques-uns (Lise Deharme, André Pieyre de Mandiargues) ont dit en quelle estime ils le tenaient. À côté de l'oeuvre fantastique (le quart de l'iceberg !), les ouvrages du polygraphe sont aujourd'hui réédités pour les amateurs de curiosa. L'attention de plus en plus soutenue qu'ils rencontrent semble devoir ménager à Charles Nodier une destinée posthume jusqu'alors imprévisible, aux dépens même de son oeuvre de fiction.

Jean-Luc Steinmetz,

Charles Nodier en librairie

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Paris, mardi 15 octobre 2024