Peintre, graveur et écrivain français, Odilon Redon est né à Bordeaux le 20 avril 1840.
Fils de Bertrand et Odile Redon, il a cinq frères et soeurs. Il passe son enfance entre Bordeaux et la propriété viticole de son père près de Peyrelebade, dans le Médoc. De 1844 à 1850, il souffre de graves crises d'épilepsie. À partir de 1855, il prend des cours de dessin et d'aquarelle avec Stanislas Gorin, puis rencontre le botaniste Armand Clavaud qui l'initie aux sciences, lui faisant découvrir entre autres le microscope.
À Paris en 1857, il commence des études d'architecture mais s'intéresse plus à la peinture. Partageant sa vie entre Bordeaux et Paris, il se forme à la peinture et à la gravure mais échoue au concours des Beaux-Arts en 1862. Il devient l'élève du peintre Jean-Léon Gérôme puis du graveur Rodolphe Bresdin sous la direction de qui il réalise en 1866 une série de onze eau-forte d'inspiration orientaliste et romantique, Le Gué. Puis c'est Henri Fantin-Latour qui l'initie à la lithographie.
Pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871, Odilon Redon sert comme simple soldat. Entre 1872 et 1877, il vit dans le quartier parisen de Montparnasse mais retourne chaque été à Peyrelebade. Il rencontre Fantin-Latour, Paul Chenavard, Ernest Chausson. Il séjourne un temps à Barbizon puis voyage en 1878 en Belgique et en Hollande. En 1880 il épouse à Paris Camille Falte, originaire de l'île Bourbon (aujourd'hui l'île de La Réunion).
À partir de cette époque et dans les années qui suivent, Odilon Redon réalise près de deux cents fusains et lithographies de scènes oniriques, baptisées les «Noirs», dont des séries intitulées Dans le rêve (1879), Les Origines (1883), À Edgar Poe (1882), Hommage à Goya (1885) et La Nuit (1886). Artiste singulier, il s'affirme alors sous de nombreux aspects comme anti-impressionniste, même s'il participe en 1886 à la huitième et dernière exposition des impressionnistes. Jusqu'en 1890, il refuse l'utilisation de la couleur, faisant de ses «noirs» les instruments privilégiés de l'exploration d'un fantastique royaume intérieur. Joris-Karl Huysmans le cite, avec Rodolphe Bresdin et Gustave Moreau, parmi les peintres favoris de Des Esseintes, le héros de son célèbre roman A rebours, publié en 1884. En 1886, son premier fils naît mais décède six mois plus tard. Son second fils, Arï, naît en 1889.
Contemporain des impressionnistes, Odilon Redon n'en affirme pas moins son indépendance sous l'influence de Gustave Moreau, dont il admire l'œuvre et qui, par son Œdipe et le sphinx, lui permet de découvrir sa voie solitaire: d'abord en effectuant des copies de tableaux de maître, puis à partir de 1890 en tentant une transposition colorée des Noirs dans des peintures telles que Les Yeux clos ou des fusains rehaussés de pastel.
Parallèlement à sa carrière artistique, il fait aussi œuvre de critique d'art et s'engage dans la défense des artistes. C'est notamment sous sa présidence qu'est fondée en 1884 la Société des artistes indépendants. En 1894, une grande rétrospective chez Durand-Ruel lui permet d'élargir le cercle de ses «amateurs», suivant sa propre expression, dont il cherche toujours à faire des amis.
Après la série de lithographies intitulée L'Apocalypse de saint Jean (1899), il se dit incapable de revenir au fusain de sa jeunesse. Maurice Denis le présente au groupe des nabis et le peint dans l'Hommage à Cézanne (1900), entouré de Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Paul Sérusier, André Mellerio et Ambroise Vollard.
Dans la période suivante, il adopte le pastel, l'aquarelle et la peinture à l'huile. Il emploie également ces techniques pour faire naître l'irrationnel (Les Yeux clos, 1890) et le mystère des sujets les plus simples (la série des Anémones, 1900-1910). Ses motifs végétaux imaginaires éclatent en chatoiements (Décoration de salle à manger, 1901).
En 1901, Odilon Redon participe au salon de la Libre Esthétique à Bruxelles et au salon de la Société nationale des beaux-arts à Paris. En 1904, il réalise Ève, son premier nu féminin d'après modèle. La même année, il reçoit la légion d'honneur et une salle exposant soixante-deux de ses œuvres lui est consacrée au Salon d'automne de Paris.
En 1908, il voyage en Italie avec sa femme, son fils et son mécène Arthur Fontaine. Il réalise ses premiers cartons de tapisserie pour la manufacture des Gobelins. En 1913, quarante de ses œuvres sont exposées sur le continent américain à New York, Chicago et Boston.
Adopté par les symbolistes, il est proche d'écrivains comme Elémir Bourges et Emile Verhaeren. Il se lie d'amitié avec J.-K. Huysmans, Stéphane Mallarmé, André Gide, Henry James et Paul Valéry, mais surtout avec Francis Jammes et Paul Claudel. Il illustre de nombreux livres, entre autres de Stéphane Mallarmé, Joris-Karl Huysmans, Charles Baudelaire, Edgar Poe, et réalise même trois versions de la Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert. Les tendances littéraires perceptibles dans son œuvre sont le fait de l'importance primordiale qu'il attache à l'écriture. Selon lui, «Écrire est le travail le plus noble que puisse faire un homme. Écrire est le plus grand art. Il traverse le temps et l'espace, supériorité manifeste qu'il a sur les autres.» Il écrit lui-même, depuis son «Livre de raison», qu'il tient scrupuleusement dès l'âge de 25 ans, jusqu'à son Journal qu'il commence en 1867 et qu'il poursuit parallèlement à ses carnets de notes. Après sa mort, une partie importante de ses écrits sera publié en recueil sous le titre A soi-même, Journal 1867-1915, Notes sur la Vie, L'Art et les Artistes (1922). Sa Correspondance sera de même partiellement réunie en un volume, Lettres d'Odilon Redon, 1878-1916 (1923). En 2005, une chercheuse, Claire Moran, rassemble et publie en volume une édition critique de dix de ses Écrits jusqu'alors inconnus du public: Un séjour dans le Pays basque, Une histoire incompréhensible, La Ronde d'amour, Nuit de fièvre, Il rêve, Le Cri, Perversité, Le Fakir, 1870 Décembre et Le Récit de Marthe la folle (MHRA Critical Texts, Cambridge, 2005).
Sur le plan proprement pictural, Odilon Redon marquera moins son époque que les générations suivantes. Cependant Émile Bernard, Maurice Denis et Paul Gauguin reconnaîtront leur dette envers lui tandis qu'il comptera parmi ses amis les nabis, en particulier Pierre Bonnard et Édouard Vuillard. Avec son iconographie très personnelle fondée sur l'étrange, le bizarre, le chimérique, cherchant à rendre l'invisible par le visible, proche parfois du grotesque romantique, les artistes surréalistes salueront également en lui l'un des précurseurs du mouvement surréaliste. La critique le place aujourd'hui, aux côtés d'Eugène Delacroix et d'Eugène Fromentin, parmi les meilleurs peintres écrivains de son époque.
Odilon Redon est mort à Paris le 6 juillet 1916 à l'âge de 76 ans.
Pierre-Emmanuel Dauzat,
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Paris, lundi 14 octobre 2024