Écrivain français, Raymond Radiguet est né à Saint-Maur-des-Fossés, près de Paris, le 18 juin 1903. Aîné de sept enfants, il est le fils du caricaturiste Maurice Radiguet.
Il passe son enfance en banlieue et entre, en 1909, à l'école communale de Saint-Maur où il fait de rapides progrès qui lui permettent d'obtenir une bourse pour être reçu, en 1914, au lycée Charlemagne de Paris.
Une véritable rage de lecture lui fait délaisser ses études pour se plonger dans les œuvres des écrivains du XVIIe et du XVIIIe siècle. Il a en particulier une passion pour La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette. Plus tard, il dévore Stendhal et Marcel Proust, puis Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé et Lautréamont. Inquiet pour son avenir, son père essaie de lui donner des leçons de grec et de latin, mais il doit y renoncer: seule la littérature intéresse Raymond Radiguet, qui commence à composer de courts poèmes. Absent des cours, il est renvoyé du lycée.
En 1917, il a alors quinze ans et vit son premier amour avec une jeune femme de vingt-quatre ans nommée Alice. André Salmon, qu'il rencontre dans les locaux de L'Intransigeant où il apporte les dessins satiriques de son père, lit ses premiers poèmes et l'encourage. Radiguet décide d'abandonner ses études et de vivre en faisant du journalisme.
Il écrit de petits reportages, des échos et des enquêtes pour L'Éveil et L'Heure. Durant six mois il est secrétaire de rédaction au Rire. Ces divers travaux lui permettent d'entrer en contact avec les cercles littéraires parisiens et de s'y faire des amis. Il est mal reçu par Guillaume Apollinaire mais, parrainé par André Salmon, il lit ses premiers poèmes à Max Jacob qui devine immédiatement son talent et se lie d'amitié avec lui. Il l'envoie à Jean Cocteau qui le fait travailler et lui permet de collaborer à Sic et à Littérature, la revue des premiers surréalistes. Il y publie, sous le pseudonyme de Raimon Rajky, des articles, des poèmes et quelques dessins. Un de ses poèmes paraît le 6 mai 1918 dans Le Canard enchaîné.
A Montmartre, l'adolescent fait la connaissance de Pierre Reverdy et du peintre Juan Gris. Goûtant la vie de bohème, il couche de temps à autre chez ses nouveaux amis au lieu de rentrer en banlieue au domicile familial. Sa liaison avec Alice s'achève en août 1918. À cette époque, il est journaliste à L'Éveil et à L'Heure.
En 1919, il entre en relations épistolaires avec Tristan Tzara et participe à l'Anthologie Dada. Jean Cocteau lance son protégé dans les milieux mondains parisiens. Côtoyant avec une parfaite aisance artistes en vue et grands couturiers, le jeune homme correspond régulièrement avec le couturier et mécène Jacques Doucet qui lui achète les manuscrits, illustrés à l'aquarelle, de deux poèmes: Le Bonnet d'âne et Couleurs sans danger. Écrits pour la plupart en vers libres, ces poèmes se situent dans la mouvance de l'Esprit nouveau et de la poésie cubiste. Il compose aussi en novembre 1919 Les Pélicans, une pièce en deux actes qui sera représentée en mai 1921 au Théâtre Michel : cette comédie bouffonne qui tourne en dérision le lyrisme conventionnel d'Alfred de Musset et les mœurs dissolues d'une famille bourgeoise rappelle la verve cocasse des Mamelles de Tirésias et d'Ubu.
En novembre de la même année, Radiguet rencontre Edith et Étienne de Beaumont qui l'invitent en compagnie de Jean Cocteau, Pablo Picasso, Erik Satie et Tristan Tzara à des soirées dans leur hôtel particulier ainsi qu'au Théâtre de la Cigale. Selon ses Carnets, il fréquente aussi beaucoup les cafés de Montparnasse, les cours de dessin de l'Académie Colarossi et de la Grande Chaumière, les ateliers de Amedeo Modigliani et de Pablo Picasso, où il croise entre autres Marie Laurencin, Vassily Kandinsky et Constantin Brancusi. Il participe aux dîners du samedi, aux côtés de Jean Cocteau, de Paul Morand et des musiciens du Groupe des six.
Ayant assisté en janvier 1920 aux préparatifs de la première manifestation Dada à Paris, il en condamne les facilités dans un texte daté de mai: Dada ou le cabaret du néant, qu'il adresse à la fois à André Breton et à Jacques Doucet. Il fréquente plus assidûment que jamais les spectacles de variétés, de cirque et les fêtes foraines. Le Bœuf sur le toit, une pantomime qu'il écrit en collaboration avec Cocteau, est joué en février 1920 par les Fratellini, sur une musique de Darius Milhaud. En mars, il part se reposer avec Cocteau à Carqueiranne. De retour à Paris, ils fondent ensemble une revue antidadaïste: Le Coq. Il publie en juillet un recueil de poèmes: Les Joues en feu, illustré par Jean Hugo. Le vers libre, le poème en prose et la versification traditionnelle y coexistent. Son humour désinvolte ou désenchanté se rapproche alors du courant fantaisiste.
En août 1920, pendant un nouveau séjour à Carqueiranne, Cocteau et Radiguet composent le livret d'un opéra comique: Paul et Virginie, sur une musique d'Erik Satie. À l'automne, il dresse un bilan significatif de son expérience littéraire dans un bref essai: Régle du jeu (publié à titre posthume en 1956), où il insiste sur les préjugés des poètes à l'encontre du succès et sur la discipline que doit s'imposer l'écrivain original à la recherche de l'apparente banalité. En novembre, les deux amis et complices dans les jeux d'écriture écrivent une tragi-comédie musicale: La Noce, ainsi qu'une saynète parodique: Une soirée mémorable.
En 1921, Radiguet se rapproche de Valentine et Jean Hugo, ainsi que d'André Malraux. Tous trois lui vouent une vive admiration. En mai, débute sa liaison orageuse avec Béatrice Hastings, qui lui reprochera une aventure parallèle avec Mary Beer-bohm. Il sort le soir dans les cafés de jazz, boit beaucoup et prend du laudanum. Il publie un nouveau recueil de poèmes: Devoirs de vacances, aux Éditions de la Sirène et quelques poèmes épars dans la Nouvelle Revue française.
C'est durant ses vacances passées en août 1921 à Arcachon, qu'il entreprend son premier roman: Le Diable au corps, récit romancé de son histoire d'amour avec Alice, cette dernière étant transposée sous le personnage de Marthe.
Après une fugue en compagnie de Brancusi à Marseille et en Corse en janvier 1922, il signe avec l'éditeur Bernard Grasset un contrat pour Le Diable au corps. Celui-ci lui assure une mensualité de 1500 francs à valoir sur les droits d'auteur, à condition qu'il remanie son manuscrit et ajoute un épilogue, ce qu'il fait lors d'un séjour à Fontainebleau en mars. Il ne rédige cependant le dénouement définitif que l'année suivante. Avec sa mensualité qui le libère des soucis matériels, il boit, s'endette, accompagne Cocteau dans de somptueuses villégiatures et s'efforce de concilier son extravagante vie de bohème avec la concentration nécessaire pour écrire. En octobre 1922, son Art poétique, écrit en collaboration avec Max Jacob, livre aux lecteurs une série d'aphorismes fantaisistes, ironiques et paradoxaux.
Lancé par une campagne publicitaire sans précédent dans l'histoire de l'édition, Le Diable au corps paraît en mars 1923 et apporte la gloire à Radiguet. Le premier tirage est épuisé en une semaine. L'intrigue, dont l'auteur a toujours dénié la part autobiographique, déclenche les protestations des ligues d'anciens combattants. Les passions se déchaînent dans le contexte de l'après-guerre: le récit de cette femme qui trompe sans aucun remords son mari au front avec un très jeune garçon qui lui dicte les "seules lettres tendres" que son mari ait jamais reçues d'elle, semble en effet inspiré par un cynisme révoltant. De nombreux critiques littéraires sont en outre indisposés par la publicité outrancière organisée autour de ce très précoce "auteur de dix-sept ans". Mais le roman connaît malgré tout un immense succès et le prix du Nouveau Monde lui est décerné.
Durant l'été 1923, à Piquey, où il accompagne Cocteau et quelques amis, il achève la rédaction d'un second roman: Le Bal du comte d'Orgel, ébauché l'été précédent. Les personnages de Mahaut et Anne d'Orgel semblent largement inspirés par ses amis aristocrates Edith et Étienne de Beaumont. Radiguet s'est expliqué dans des notes personnelles sur l'effet de contraste qu'il voulait produire dans Le Bal du comte d'Orgel par rapport à l'intrigue du Diable au corps : il s'agissait cette fois d'un "roman d'amour chaste, aussi scabreux que le roman d'amour le moins chaste", écrit dans un style "mal écrit comme l'élégance doit avoir l'air mal habillée".
A l'automne 1923, renonçant à sa vie de bohème, Radiguet se met à "faire de l'ordre" dans sa vie extérieure. Il lui faut désormais se hâter, ayant la sensation que le temps lui est compté. Il reprend de documentation sur Charles d'Orléans, rédige une "Note pour l'édition définitive" des Joues en feu, entreprend un récit: Île de France, île d'amour, classe ses manuscrits et rassemble tous ses poèmes.
Par l'entremise de Bernard Grasset, il obtient un sursis d'incorporation qui lui permet de corriger les épreuves du Bal du comte d'Orgel, mais son état de santé se détériore sous l'effet du surmenage. Très affaibli, il est emporté en quelques jours par la fièvre typhoïde faute de s'être soigné à temps.
Raymond Radiguet meurt à Paris le 12 décembre 1923, à l'âge de vingt ans.
Le Bal du comte d'Orgel, édité par Jean Cocteau, est publié à titre posthume en 1924, d'abord à la Nouvelle Revue Française puis en volume chez Grasset. Les deux romans et le recueil de poèmes de ce météore des lettres françaises qui a étonné ses contemporains par sa précocité et sa disparition prématurée ne cessent depuis d'être réédités.
Bernard Noël,
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